Nous qui n’étions rien
Madeleine Thien

Editions Phébus
littérature étrangere
janvier 2019
507 p.  24 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Un grand roman

Merci à BABELIO et aux Editions PHEBUS pour cette découverte.

Il est des romans si denses, si profonds, soulevant des questions existentielles qu’ils ne peuvent être lus rapidement ou alors on a l’impression de passer à côté de quelque chose.

« Nous qui n’étions rien » fait partie, pour moi, de ces romans.

La jeune Marie, adolescente d’origine chinoise, est née et vit à Vancouver. Sa mère accueille en leur domicile, Ai-Ming, étudiante à Pékin devant fuir la répression consécutive à la rébellion de la place Tian’anmen.

Apparemment la jeune fille serait la fille du meilleur ami du père de Marie, récemment disparu à Hong-Kong. Marie ne connaît rien de la Chine qu’elle va découvrir à travers l’histoire qu’Ai-Ming va lui raconter : celle de la famille de son père.

Pinson, c’est ainsi qu’on l’a surnommé dès l’enfance, naît après la Révolution Culturelle dans une famille où la musique a toujours tenu une très grande place. Le statut de son père, héros de la révolution, lui permettra d’étudier et d’enseigner au Conservatoire.

Mais, la contre-révolution dans les années 1960 et son lot de violence viendra chambouler sa vie : il deviendra ouvrier dans une usine de fabrication de transistors. C’est ce qu’on appelle alors la rééducation par le travail. Pendant des années, Pinson ne pourra plus écouter ses compositeurs favoris (Chostakovitch, Bach et Beethoven), ni même composer.

Le désir de liberté, initié par les étudiants, qui se met à souffler sur la Chine à la fin des années 1980 laisse espérer un renouveau. Les espoirs seront bien vite brisés.

Il y a deux choses qui ont retenu mon attention dans ce roman :

la dictature faite au nom du Peuple qui a conduit à la famine, à la misère du plus grand nombre, à l’éradication des intellectuels et des artistes, à la terreur engendrant elle-même des dénonciations et des exactions, au rejet de l’individualité et à l’impossibilité de toute vie privée : « La vie était comme ça à l’époque, a-t-elle fini par dire. Les gens se perdaient du vue. On pouvait vous envoyer à cinq mille kilomètres de chez vous sans espoir de retour. Tout le monde connaissait tellement de gens dans cette situation, des gens qu’on avait envoyés ailleurs (…) Les gens n’avaient tout simplement pas le droit de vivre où ils voulaient, d’aimer qui ils voulaient, d’exercer le métier qu’ils voulaient. Le Parti décidait de tout. (…) Tant de gens avaient été envoyés dans des camps de travail comme Ba Luth, arrêtés comme Vrille et Wen, réassignés dans des provinces lointaines comme Ling et Mère Couteau ; ces gens avaient été privés d’une liberté fondamentale : le droit d’élever leurs propres enfants. »
D’où mon questionnement, le Peuple a-t-il toujours raison ? Les actes commis en son nom ne sont-ils parfois pas plus terribles que ceux d’un pouvoir soucieux du respect des institutions ? Je trouve que cela résonne particulièrement avec ce que nous vivons actuellement en France (ceci n’est que mon opinion personnelle).

le pouvoir de la musique classique. J’ignorais que les musiciens cités plus haut avaient été largement étudiés, joués en Chine avant l’arrivée de Mao au pouvoir. La musique tient une si large place dans ce roman que je suis allée emprunter à ma médiathèque préféré les oeuvres citées.
» Nous qui n’étions rien » est un roman à découvrir car il permet de découvrir l’Histoire de la Chine à travers celle de Pinson, Mère Couteau, Vrille, Da-Wei et Quatre Mai, sans oublier Zhuli la jeune violoniste passionnée.

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