Petits oiseaux
Yoko Ogawa

Traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle
Leméac
septembre 2014
268 p.  21,80 €
ebook avec DRM 7,49 €
 
 
 
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coup de coeur

Le silence des oiseaux

Il est des livres qui nous émeuvent, d’autres qui nous agacent, nous passionnent, nous émerveillent ou nous font rire. Certains nous font frémir, d’autres nous épatent quand certains nous révoltent. Il en est peu, bien peu, qui nous apaisent. Petits oiseaux est de ceux-ci.

Petits oiseaux raconte l’histoire de deux frères, l’ainé et le cadet, que rassemble l’étrange « maladie » de l’aîné. Celui-ci, en effet, ne parle qu’une langue connue de lui seul, à l’exception de son cadet qui la comprend naturellement; Cette langue, le pawpaw, ne ressemble à rien, sauf, peut-être, au chant des petits oiseaux qui ont la volière d’un proche jardin d’enfants pour abri. Leur mère a disparue et l’on ne saura rien de leur père. Elle, elle est toujours là, sur une photo vieillie, accompagnée de broches que son ainé a patiemment collée et découpée à partir de papiers de bonbons avec des images d’oiseaux, toujours les mêmes mais parés de couleurs différentes.

Il ne se passe presque rien dans ce récit. Et portant la vie passe, pas seulement pleines de souvenirs et de rêves. Car en retrait du monde, les deux frères n’en sont pas pour autant retiré. Mais leur monde est différent, ou plutôt ils y vivent autrement. Ils y voyagent comme seuls savent voyager les enfants à l’imagination fertile, entre immobilité et mouvement. La mort et la bêtise humaine viennent bien frapper à leur porte, aux bambous qui ferment leur cage, mais cela n’est rien quand chante les oiseaux, quand l’on sait chanter avec eux, ou même, chose plus étrange encore, lorsque l’on sait leur apprendre à chanter.

Entre poésie et réalité, avec la bienveillance et la discrète attention d’une bibliothécaire, l’auteure nous emmène au plus près de ces deux personnages, jusqu’à percevoir leurs souffles et entendre leur silence lorsqu’il nous invite à simplement écouter et écouter encore ce que quelques petits oiseaux ont à chanter. Yoko Ogawa (que nous avouons découvrir avec ces Petits oiseaux) nous offre une écriture qui respire profondément, qui accompagne ses personnages avec une indéniable pudeur tout en nous laissant deviner leur part la plus secrète, celle où le sentiment d’être, tout simplement, est l’essentiel. Peut-être la seule chose qui compte.

La construction du récit nous fait petit à petit entrer dans ce monde puis nous reconduit tranquillement hors de celui-ci, avec un respect des personnages, du lecteur et de la fiction qui peut laisser une profonde empreinte sur le lecteur. Une qualité d’écriture qui nous implique autrement dans le monde, malgré nous, et trace tranquillement une ligne souple entre un avant et un après, celui des deux frères autant que celui de notre lecture.

Une écriture comme on en lit assez peu, qui peut vous passez à côté ou vous toucher au plus profond.

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coup de coeur

Si comme moi, vous appréciez la littérature japonaise, je pense que vous serez comblé en découvrant ce petit bijou écrit tout en finesse. Ogawa est une vraie poète, avec beaucoup de sensibilité et en mariant les mots de façon exemplaire elle nous décrit ici le destin de deux frères, dont la différence les a fait vivre en marge de la société dans un monde parallèle qui est le leur.

En effet, nous allons vivre la vie de l’homme aux petits oiseaux. Le livre débute par la découverte de son corps, une cage contenant un oiseau à lunettes à proximité. Mais qui était cet homme surnommé par tous l’homme aux petits oiseaux ? Il était tellement discret. Peu le connaissait vraiment.

Il était le cadet et longtemps indissociable, inséparable de son frère aîné. L’aîné était « différent », il ne parlait pas comme nous, il parlait un langage proche de celui des oiseaux (paw-paw) que seul son cadet pouvait comprendre. Celui-ci était son interprète, son lien, son contact avec la vraie vie.

Le cadet a peu à peu renoncé à vivre pour lui-même, il s’est sacrifié pour son aîné, surtout depuis le décès de ses parents. Il a appris à vivre dans ce monde intérieur, avec ses rituels, ses habitudes immuables :
– l’achat de la sucette paw-paw au papier d’oiseau le mercredi à la pharmacie du village, cela même si au fil du temps la propriétaire avait changé
– le sempiternel sandwich de mie le midi
– l’écoute de la radio le soir
– les voyages intérieurs et imaginaires
– l’observation des oiseaux (la volière de l’école)

Ils vivent ensemble la différence de l’aîné, ils ont une grande complicité, et lorsque l’aîné disparaît, le cadet va vouloir conserver le lien qui les unissait, les oiseaux. Il va s’ouvrir petit à petit au monde mais s’enfermera dans celui des oiseaux et créera d’autres rituels pour garder ce lien :
– la bibliothèque et les livres toujours sur les oiseaux
– la résidence, la volière de l’école
– les patchs mentholés ..

Yôko Ogawa nous décrit le quotidien, les détails de la vie mais la moindre description prend de l’ampleur tant le choix des mots sonnent agréablement, tout en finesse, poétiquement. Les oiseaux prennent bien entendu une place majeure dans le récit. C’est lent, très lent mais cela reflète à merveille la répétition du quotidien de nos deux protagonistes. J’ai adoré le style, l’écriture.

Qualité d’écriture : 5/5
Plaisir de lecture : 4.5/5
Originalité du livre : 4.5/5

Ma note globale : 9/10

Les jolies phrases

Le langage d’un seul être au monde le reliait à son frère d’une manière si intime qu’il ne faisait plus qu’un avec lui, si bien que jamais il ne lui serait venu à l’idée de s’en détacher pour l’enregistrer.

Même si le petit garçon connaissait les mots correspondant aux images sur les cartes, ceux-ci n’étaient que de simples blocs, et il lui était impossible de restituer la charpente qui les articulait et le charme des résonances qui soutenaient l’ensemble.

Les oiseaux à lunettes avaient un chant encore plus pur que celui de l’eau, du cristal ou de toute autre chose au monde, ils élaboraient une dentelle de voix cristalline, dont en se concentrant on aurait presque pu voir se détacher les motifs dans la lumière.

Il pensa que son aîné était mort à l’endroit qui lui convenait le mieux. Dans ces derniers instants, les oiseaux à ses côtés représentaient pour eux deux consolations irremplaçables.

Tout en se penchant pour nettoyer de fond en comble cette volière que sa vie durant son frère aîné n’avait cessé de contempler, il écouterait derrière lui s’élever le chant d’amour des oiseaux. C’était la meilleure façon de se rapprocher de son frère défunt, pensa-t-il en son coeur.

Les gens qui lisent des livres ne posent pas de questions superflues, ils sont paisibles.

L’oreille du vieillard se trouve juste devant ses yeux. Toujours aussi fraîche, comme si seul cet endroit avait échappé à la vieillesse, elle se découpe nettement dans les couleurs du soir. La tiédeur de son corps affleure à l’ourlet du pavillon. Il comprend que cette oreille est à l’écoute. Lui qui n’a cessé d’observer son grand frère à la volière et de traduire ses propos, il comprend la différence d’une oreille essayant d’entendre quelque chose d’important et une oreille ordinaire qui ne s’en soucie pas. Il éprouve de la nostalgie. Du simple fait de se trouver aux côtés de quelqu’un qui tend l’oreille, il sent s’apaiser son mal de tête.

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