Someone
Alice McDermott

traduit de l'anglais par Cécile Arnaud
Quai Voltaire
août 2015
272 p.  21 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une vie qui ressemble à la nôtre

Une communauté d’émigrés irlandais, Brooklyn dans les années 30, un monde s’évanouit et va laisser la place au monde moderne. Marie, est « someone », la narratrice, elle est myope, presque mal voyante, sa vision trouble et fragile sur ce qui l’entoure nous emporte dans le mouvement inexorable et extraordinaire de sa vie ordinaire. Elle est à la fois une enfant timide avec une drôle de frimousse, une jeune fille sensible et idéaliste, une sœur, une épouse, une mère de famille attentive, et une veuve vieillissante.

Par petites touches, série de miniatures ciselées, Alice McDermott assemble un patchwork de sensations. Des fragments de vie, sans aucune chronologie, qui nous saisissent et nous touchent à notre insu. Comme nous, Marie a oublié la plupart des choses de son existence, les noms, les lieux mais elle a gardé des impressions, des détails infimes.
Une phrase, un parfum, un regard, une rue. Ces petites choses qui finissent par compter plus que les faits tangibles, ce qui reste au bout du chemin. L’amour pour un père, associé à une attente sur des marches à la fin du jour, celui pour un frère au silence complice dans une chambre longtemps partagée, le lien oppressant à une mère un peu rude, inséparable des odeurs de cuisine. Puis, des mots gravés, cruels d’un premier amoureux, maladroits et embarrassants d’un futur mari. Même lorsque Marie croit ne rien vivre, ou vivre mal, elle suit son destin, unique, ni meilleur, ni pire qu’un autre, avec son lot de joies et de peines, d’ombre et de lumière. Une vie qui ressemble à la nôtre. Le monde ordinaire poursuivait sa course, se refermant sur le bonheur, aussi promptement qu’il avançait pour guérir le chagrin.

Toute existence se construit sur ces ellipses, chaque part d’intimité se niche au creux des défaillances de la mémoire, dans l’invisible et l’inaudible. C’est la force considérable de ce roman, de nous le faire ressentir avec intensité, et de s’emparer du temps, de l’explorer, le retenir, par le seul enchantement de l’écriture.

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 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

un roman apaisant

Someone est un roman étrange, la 1ere partie correspond à l’enfance et l’adolescence de Marie jeune fille myope et têtue. Elle a un grand frère Gabe qui aime apprendre et devient séminariste. Elle est en conflit avec sa mère, une femme irlandaise autoritaire et elle est en adoration devant son père. Elle nous fait participer à la vie de ce quartier de Brooklyn avec le destin de cette famille métisse les Chehab qui perd sa jeune fille Pegeen, le quotidien d’une famille de la middle class américaine. Elle nous raconte aussi ses amitiés, ses premières désillusions, son envie de révolte face à la vie de parfaite ménagère qu’on lui destine. Le rythme est lent et descriptif et on ne sait pas réellement où l’auteur veut en venir au départ. Car elle fait certains sauts chronologiques et revient parfois en arrière ou fait des bons dans le temps ce qui est un peu gênant au début.

Puis à partir de la 2eme partie et 3eme partie, on suit sa vie de femme, de mère, sa rencontre avec son mari, son 1er job, l’évolution de son frère qui abandonne la prêtrise, la dégradation du quartier où elle a vécu. Elle relate aussi la vieillesse, les délicates relations mère fille, l’homosexualité. Un roman qui gagne en profondeur, qui nous décrit la vie de gens ordinaire. Marie le personnage principal gagne en maturité, s’éloigne de la jeune fille égoïste et frivole, j’ai apprécié sa transformation. J’ai aimé le personnage de Tom son mari et leur rencontre. La fin est très jolie.

Un style agréable, fluide, imagée qui m’a peu à peu bercé et qui m’a fait du bien en ce moment. Mon avis qui était plutôt négatif dans les premières pages s’est transformé. J’ai apprécié de découvrir la vie de cette famille d’origine irlandaise, de connaître les difficultés et aussi les bonheurs simples de la vie. L’auteur réussit à nous transporter dans son univers et nous faire éprouver de l’affection pour ses personnages ; comme Gabe qui du petit prodige devient un adulte fragile. Une belle réussite. Les personnages secondaires sont aussi attachants car ils sont cabossés par la vie, mais il n’y a pas de misérabilisme dans son récit. L’héroïne devient quelqu’un pour faire écho, au titre, au fur et à mesure du récit, et c’est une belle leçon d’espoir je trouve.

Si vous avez envie d’une lecture douce, qui vous fait voyager avec les émigrés irlandais à Brooklyn, plongez dans la vie de cette jeune femme qui ne vous laissera pas indifférent.
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