Sud et Ouest: Carnets
Joan Didion

Grasset
en lettres d'an
octobre 2018
160 p.  15 €
 
 
 
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TRUMPLAND

« A La Nouvelle Orléans, en juin, l’air est lourd de sexe et de mort, pas la mort violente, mais la mort par déchéance, surmaturation, pourrissement, la mort par noyade, asphyxie, fièvre d’origine inconnue. »
Si la première phrase d’un livre dit beaucoup de la force du style son auteur, celle ci classe alors une fois de plus Joan Didion parmi les plus grand(e)s dont les textes (romans ou essais) rappellent que l’écriture journalistique peut aussi être une grande littérature.
Sud & Ouest n’est pas un livre sur la Nouvelle Orléans, mais un récit, beaucoup au Sud, un brin à l’Ouest (le second texte, dispensable, courte digression autour de l’affaire Patty Hearst) récit d’un périple d’il y a près de 50 ans effectué par Didion, à la découverte d’une Amérique mal connue.
Ce Sud là, paumé, cruel, pauvre et envoûtant, Didion se le coltine et s’y mesure. Elle l’intellectuelle, cultivée, éduquée, reconnue, va à la rencontre de la partie basse des Etats Unis. Le fond de la marmite.
Ce que Didion voit, dévoile, c’est bien sûr cette « autre Amérique », dont l’existence tourne autour des évangélistes comme des burgers, chemises à gros carreaux et politiques à grosses ficelles, ce décorum hyper rural, mais pas que, sectaire et binaire, où vivre de peu n’est pas un choix.
Cette Amérique qu’on dit profonde pour caractériser sa superficialité.
On sent Didion, au fur et à mesure de son périple, décontenancée, perdue devant ce peuple là qu’elle devine étranger, sans l’écrire. Non la posture du journaliste confit d’empathie, qui « comprend », ce qui ne veut rien dire, mais bien celle de l’intellectuelle qui note, qui fixe, et qui en reste là.

L’article ne sera jamais publié, jusqu’à aujourd’hui. (2017 aux Etats Unis)
Le Sud venait alors de remplir les urnes.
En 1970, Joan Didion avait découvert Trumpland.

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