Tremblement de temps
Kurt VONNEGUT

Super 8 éditions
septembre 2018
304 p.  19 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
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Vitalité de la plume et humour féroce

Nous sommes en 1996 et Kurt Vonnegut a écrit une première mouture d’un roman mettant en scène son alter ego de fiction, l’écrivain de SF Kilgore Trout. Un tremblement de temps vient de contraindre l’humanité à revivre la dernière décennie (enfin de 1991 à 2001), sans pouvoir y modifier quoi que ce soit. Le retour au libre arbitre désarçonne tout le monde… Mais si l’auteur n’a jamais renoncé à la « production d’agencements idiosyncratiques de vingt-six symboles phonétiques, dix chiffres et environ huit signes de ponctuation en lignes horizontales à l’encre sur de la pulpe de bois blanchie et aplatie », reprendre et corriger ce roman l’ennuie. À la place, il nous en donne des extraits et nous explique ce qu’il aurait voulu faire, tout en devisant de différentes choses. Mélange de chroniques, de billet d’humeur, de confidences voire de confessions, ce texte déroule son charme puissant et même sans connaître l’oeuvre de cet auteur on ne peut qu’être sensible à la vitalité de sa plume et à son humour féroce.

« Une bande de mecs comme nous est allée traquer le cerf et l’orignal au Canada. Il fallait que quelqu’un se charge de la cuisine, sinon ils mourraient tous de faim.
Ils tirèrent à la courte paille qui ferait à manger pendant que les autres chasseraient de l’aube au crépuscule. (…) c’était mon père qui avait tiré la courte paille. Papa savait cuisiner. (…)
Les chasseurs se mirent d’accord : quiconque se plaindrait de la cuisine de mon père deviendrait cuisinier à son tour. Mon père préparait donc des repas de moins en moins bons pendant que les autres s’éclataient comme des petits fous dans la forêt. Même quand le souper était infect, les chasseurs le qualifiaient de délice à se lécher les babines, lui donnaient des claques dans le dos et tout le tralala.
Un matin, après leur départ, mon père trouva une grosse bouse d’orignal toute fraîche. Il la fit frire dans de l’huile de moteur. Le soir, il la servit comme s’il s’était agi d’un pâté en croûte encore fumant.
Le premier qui goûta recracha tout. Il n’avait pas pu s’en empêcher ! Il postillonna :
« Nom de Dieu ! On dirait de la bouse d’orignal frite dans de l’huile de moteur ! »
Puis il ajouta :
« C’est fameux ! Fameux ! »

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