Un dernier verre au bar sans nom
Don CARPENTER

10 X 18
litt etrangere
mars 2017
480 p.  8,40 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Inspiration et gueule de bois

Fréquentez-vous les librairies d’occasion ? Figurez-vous que c’est dans l’une d’elles, dans les années 1990, que l’écrivain Jonathan Lethem découvrit les livres de Don Carpenter, auteur génial des sixties tombé dans l’oubli. Quand on lui demanda d’éditer son roman posthume, il accepta, et c’est Cambourakis qui nous en offre la primeur en français, dans un bel objet-livre assorti d’une postface passionnante de son admirateur.

En 1959, Jaime Froward rencontre Charlie Monel lors d’un cours de littérature à l’université de San Francisco. L’étudiante tombe amoureuse de ce vétéran de la guerre de Corée, boursier brillant, qui a l’ambition de publier un roman, le « Moby Dick de la guerre ». Quand Jaime est enceinte, ils se marient, tout en se jurant de ne jamais abandonner leurs rêves d’écriture. Le couple s’installe alors en Oregon, où Charlie est enseignant ; de son côté, Jaime a le sentiment d’être enfermée dans un statut qu’elle n’avait pas souhaité si prompt, mais elle finit par se faire à cette vie, d’autant que la maison se remplit d’autres aspirants auteurs, l’écriture chevillée au corps par idéalisme, revanche ou ambition, et avec lesquels ils forment le groupe de Portland.La côte Ouest, ce n’est pas New York : ici, on est sous l’influence de la Beat Generation, on se retrouve dans les bars pour boire des bières jusqu’à pas d’heure avant de se rasseoir le lendemain devant sa Remington. Parfois, la chance sourit et on est publié dans une revue médiocre, mais qui paie cash. Entre génie et recette, où est le curseur du talent ? L’œuvre qu’on porte en soi est une progéniture ingrate, exigeant de la sueur, des larmes et des nuits blanches sans garantie de survie, sans compter que la jalousie inhérente au succès des élus gangrène l’amour et l’amitié. Au pays des écrivains, nombreux sont ceux qui perdent leur âme ou sont pris dans les filets des éditeurs et des réalisateurs d’Hollywood sans scrupules. Les Melville, Hemingway et autres figures tutélaires en prennent un coup, mais la réalité, pour Charlie et les autres, c’est l’argent, la famille, l’alcool et les dérapages incontrôlés.

Vous aussi, entrez au « Sans nom », asseyez-vous au comptoir et laissez Don Carpenter, ce gars de la scène de San Francisco, vous raconter sans fard une époque où tout semblait possible à des personnages plus humains et attachants les uns que les autres, et que vous serez triste de quitter à la fin du roman, excellemment traduit par Céline Leroy. Il fallait bien cela pour honorer un chef-d’œuvre ressuscité !

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 Les internautes l'ont lu

« Un dernier verre au bar sans nom » est le dernier roman écrit par Don Carpenter et publié après sa mort. Certains disent que c’est son meilleur, personnellement c’est le premier que je lis et j’ai bien aimé.

Je me suis attachée à cette petite communauté d’aspirants écrivains, qui se croisent, se perdent de vue, puis se retrouvent de San Francisco à Portland. Le « bar sans nom » est d’ailleurs un de leurs lieux préférés .

Il y a tout d’abord Charlie qui ambitionne d’écrire un grand roman sur la guerre, celle de Corée durant laquelle il a été prisonnier. Il a d’ailleurs reçu le prix Saxon pendant ses études et est promis à un brillant avenir d’écrivain.

C’est sur les bancs de l’université qu’il a rencontré Jaime qui va devenir très vite son épouse et la mère de son enfant. La jeune femme écrit elle aussi.

Et puis il y a tous ceux qui vont croiser leur route : Stan, orphelin élevé en familles d’accueil, voleur pour survivre et apprenti écrivain ; Kenny a lui aussi des ambitions littéraires. Sans oublier le monde de l’édition : les agents littéraires, les maisons d’éditions…

Mais dans ce monde littéraire, s’il y a beaucoup d’appelés peu seront élus et pas toujours ceux sur lesquels on aurait misé au départ. L’écriture est une maîtresse exigeante et seuls ceux qui s’astreindront à une discipline quotidienne réussiront.

Contre toute attente, Charlie se révélera sans réelle ambition et ne terminera son roman qu’au bout de plusieurs longues années et c’est Jaime et Stan qui tireront leur épingle du jeu en devenant des auteurs à succès.

Sont évoqués également dans ce roman l’alcool qui coule à flot et la drogue ; les rapports avec Hollywood où certains d’entre eux vont s’installer pour tenter de devenir scénariste de film (Hollywood son univers impitoyable…).

Don Carpenter parle également des désenchantements que la vie nous apporte parfois, des rêves déchus, des regrets, des histoires d’amour qui ne se déroulent pas comme on l’aurait voulu.

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