Un été 63
Tracy Guzeman

Flammarion
mai 2015
386 p.  22 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
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Eté 63, la famille Kessler part en vacances dans un chalet en bordure d’un lac. Elle rencontre leur voisin Thomas Bayber âgé à l’époque de vingt-huit ans, il est artiste peintre en devenir. Il exécutera un portrait de la famille, mais aussi celui des soeurs.

Natalie, l’aînée est froide et distante. Alice a quatorze ans, est rêveuse, amoureuse des livres et des oiseaux. Elle veut devenir ornithologue, on a diagnostiqué chez elle une polyarthrite qu’elle combat avec force.

En 2007, soit plus de quarante ans plus tard, Dennis Finch, un professeur d’histoire de l’art, accompagné de Stephen Jameson – expert en art dont la vie est chaotique – sont contactés par Thomas Bayber. Il leur demande de partir à la recherche de deux toiles inédites peintes l’été 63, elle complète un tryptique dont il leur dévoile la partie centrale. Une toile inédite. Thomas est alors, un peintre renommé qui a à son actif 158 tableaux. Cependant il n’a plus rien produit depuis vingt ans.

Dennis et Stephen – un tandem étrange – vont ainsi partir à la recherche des toiles mais aussi à la recherche des soeurs Kessler et de ce qui les unit et les sépare.

Un récit rempli de flashbacks où l’on voyage dans le temps et au plus profond des sentiments de l’être humain. Un premier roman très abouti oscillant entre l’enquête policière et le thriller psychologique – car la tension monte progressivement durant le récit et aussi bien la psychologie des personnages que les faits se mettent en place.

J’ai apprécié la construction de l’intrigue, une lecture addictive, nous permettant aussi de découvrir sous un regard différent, le monde de l’art: l’univers d’un peintre, les galiéristes, les techniques d’expertise…

Le combat et le courage d’Alice luttant contre cette horrible maladie la polyarthrite est omniprésent.
Et bien sûr les relations amoureuses contrariées de nos protagonistes, avec ses secrets et ses jalousies.

L’écriture est fluide, légère, forte. Souvent j’ai du mal avec la littérature américaine car il faut que les choses se mettent en place, c’est souvent très lent au démarrage, je n’ai pas du tout eu ce sentiment, je me suis attachée très vite aux personnages et le fil de l’histoire s’est de suite mis en place.

Un dernier détail, ne vous fiez pas à la couverture légère qui fait penser à un roman de vacances, il n’en est rien. On part ici dans un sujet plus sombre, plus grave; le titre original est par ailleurs « Birds of gravity ».

Ma note : 8/10

Les jolies phrases

Le travail de l’artiste, c’est d’obliger le public à regarder les choses – et non seulement les choses, mais aussi les lieux ou les êtres – autrement qu’on ne le fait d’ordinaire. De révéler ce qui se cache derrière leur surface.

L’âge avait transformé le visage de son père en une étrange composition tectonique où de profondes ravines et des vagues de peau se succédaient, côtoyant de vieilles cicatrices et myriades de taches brunes…

Ce talent lui survivrait pendant des générations et Finch avait l’honnêteté de reconnaître – au moins en son for intérieur – qu’on ne pouvait donner qu’envie d’un tel héritage. Était-ce un si grand crime que de laisser la lumière dont Thomas était porteur l’éclairer un peu ? Sa chaleur le réconforter ?

Les rayons du soleil matinal tombaient à travers la fenêtre de sa chambre : avec eux revint la raideur trop familière qui envahissait ses membres et ses articulations; toutes les régions de son corps qui l’avaient depuis longtemps trahie. Les parties les plus sensibles de ses os s’étaient muées en une série d’objets durs, douloureux qui se heurtaient les uns contre les autres et ne coulissaient plus, comme une version pétrifiée des noeuds que son père lui avait appris à faire durant son enfance.

J’appartiens au pire club qui puisse exister : celui dont personne ne fait partie.

J’ai peur qu’il ne reste plus rien de la personne que j’étais censée devenir, au delà de cette douleur. Parfois je n’arrive plus à me détacher d’elle. Je me dis que lorsque je ne serai plus là, la douleur aura disparu elle aussi.

La douleur était d’une autre nature et différait même du chagrin qu’elle avait ressenti à la mort de ses parents ; comme une blessure aiguë, déchirante logée au plus profond d’elle-même.

Tu ne sais pas ce que c’est d’avoir peur de déplaire aux gens qui vous aident et qu’on devrait aimer parce qu’ils sont en bonne santé, eux, qu’ils vous témoignent un peu de gentillesse alors qu’on est devenu cette … chose, cette créature aigrie, amère et irascible… Quand on a compris que cela ne s’améliorera pas … on finit par devenir invisible.

La laideur dont elle se sentait empreinte n’avait rien de physique, pour une fois, c’était plutôt une sorte de trou noir qui l’avalait de l’intérieur.

Mais les gens font souvent des choses qu’ils ne comprennent pas. Ou qu’ils n’avaient pas l’intention de faire. Et une fois qu’on a franchi ce pas, on est devenu quelqu’un d’autre, capable de commettre un acte répréhensible dont on finit par se convaincre qu’il est parfaitement justifié : sinon, pourquoi l’aurait-on commis ?

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