Au moins il ne pleut pas
Paula Jacques

Stock
février 2015
360 p.  20 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
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Lire la rencontre de Sylvie Tanette avec Paula Jacques: « Je montre un Israël qu’on ne connait pas« .

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Nous sommes en 1959, orphelins et rejetés par les oncles et tantes et de l’Egypte, Solly et Lola, deux adolescents, sont mis sur un bateau en partance pour Israël, la Terre Promise. Pour ne pas être séparés, ils acceptent la proposition de Georgie, une petite crapule et débarquent chez Magda, tante de Georgie, et Ruthie. La grande maison du quartier populaire et populeux de Wadi Salib sera le théâtre de leur nouvelle vie.
Pourquoi ces deux femmes que tout semble séparer qui passent leur temps à se quereller vivent sous le même toit ? Question qui taraude Lola. En dehors de ces cours d’hébreux, elle cherche à découvrir ce que cache l’énigmatique et froide Ruthie. Pendant ce temps, Georgie et Solly se livrent à des trafics lucratifs.
A travers les habitants de cette maison, j’ai suivi l’installation, l’acclimatation de Lolla et Solly Sasson. Paula Jacques parle de sujets quasiment pas abordé en littérature : les débuts de l’Etat d’Israël, l’ostracisme qui règne entre les juifs européens et les juifs orientaux qu’ils soient marocains, égyptiens…Lire leur mépris face à ces famille nombreuses en enfants, n’ayant pas du tout la même culture, pas aussi « évolués » qu’eux a été, pour moi, un grand étonnement. Tout comme la façon dont a été réglé le problème de la révolte des humbles par la destruction du quartier populaire de Wadi Salib où ils habitaient. Pas contents ? Hop, on vous éparpille aux quatre coins du pays et on rase le quartier ! C’est que ce qui arrivera aux habitants de la grande maison.
Il est déjà question, au début des années 60, de racisme envers les arabes. Un palestinien s’en prend à Georgie parce qu’il lui avait fourgué une fausse montre qui ne marchait pas. C’est le pauvre homme qui se retrouve les mains menottées et tabassé devant tout le monde. « Un sabra, un natif, le sel de la Terre, avait toujours raison contre un sale Arabe »
« Quand il se laissa emmener, les mains liées dans le dos, la tête rentrée dans les épaules, le nez sanguinolent, sa figure exprimait la grande souffrance de l’homme humilié dans ses droits et sa dignité ».
Etonnant aussi la chape de silence sur les juifs rescapés des camps nazis, presque soupçonnés de vilénies envers ceux qui y sont morts. Pourquoi eux et pas les autres ?
Le procès Eichmann va ouvrir les vannes. Magda, reconnue par une ancienne compagne de misère, sera dénoncée parce que kapo dans les camps. La construction de cette partie du livre est très intéressante. Paula Jacques a écrit les évènements sous forme de procès-verbaux. Magda, en réponse aux questions, raconte sa vérité qui se trouve être la vérité.
A la question « Vous reconnaissez avoir collaboré avec les nazis ? », voici la réponse de Magda : « Non, je ne reconnais pas avoir « collaboré ». C’est une grave erreur d’employer le mot « collaboration », monsieur le juge. On ne collaborait pas avec le Allemands. Les Juifs étaient au monde pour qu’on les tue et, tôt ou tard, nous allions toutes y passer. »
« Oui j’ai bien été nommée blokva du block 9 à Ravensbrück. Non, je ne pouvais pas refuser. Oui, si j’avais refusé, j’aurais signé ma propre condamnation à mort. A ma place, Monsieur le Juge vous auriez refusé ? »

La première partie du livre, mine de rien, à travers la vie des deux adolescents, est une chronique de l’état d’Israël en pleine construction, très pragmatique et froid pour aller jusqu’à séparer une fratrie orpheline à leur arrivée en Israël.
Un livre qui se lit facilement, mais qui ne s’oublie pas facilement. Un bon livre qui parle de faits que l’on tait facilement.
J’ai découvert Paul Jacques, qu’il m’arrive d’écouter sur France Inter le dimanche après-midi, en tant qu’écrivain et j’ai aimé son écriture limpide. Une belle découverte.
Retrouvez Zazy sur son blog 

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