Aya
Marie-Virginie Dru

Albin Michel
avril 2019
218 p.  18 €
 
 
 
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Direction Karabane, une île au Sud-Ouest du Sénégal dans l’embouchure du fleuve Casamance, on y rencontre Aya, une fillette de 12 ans. Aya cela veut dire jeudi, c’est le jour où elle est née. On espérait un garçon alors on lui a donné le nom du jour car aucun nom n’était prévu pour une fille, pas vraiment un bon début !

Aya vit avec sa mère Aïssatou qui n’est plus la même depuis la mort de son mari et le départ de son fils Djibrill. Aya fait de son mieux pour veiller sur sa mère, garder les chèvres, gagner un peu d’argent, elle n’est pas facile sa vie… sans compter qu’elle vit dans la crainte de son oncle Boubacar qui se veut son protecteur … Faut dire qu’il a pour habitude de déposer un sac de riz et d’emmener Aya dans sa voiture, d’en abuser et puis la jette comme un vieux sac et se barre.

Heureusement il y a Ousmane, c’est son amoureux, son frère de coeur, sa promesse, sa vie qui lui permet de tout oublier.

Marie-Virginie Dru connaît bien et aime cette région d’Afrique, elle nous fait « vivre » le village, ses odeurs, ses traditions, ses croyances. C’est une réelle immersion qu’elle nous propose.

Le jour de l’initiation approche, le Bakhut, Ousmane entrera bientôt dans la forêt sacrée pour récolter le secret des anciens, après il sera considéré comme un homme.

Aya avait croisé Camille une photographe venue de France, de passage sur l’île après un reportage à Dakar sur Mona et la maison rose. Elle est revenue pour immortaliser la cérémonie d’initiation, cette rencontre créera un lien avec Aya.

Cependant Aya devra quitter l’île avec un terrible secret, qui comme Ousmane qui va devenir un homme, la fera grandir trop vite et devenir femme.

C’est un premier roman lumineux, qui nous parle de résilience. Aya transformera son fardeau en joie et acceptation. Son destin l’emmènera à la maison rose à Dakar, un lieu ouvert par une française, Mona qui fait don d’elle même pour l’épanouissement de jeunes filles mères abusées, abandonnées.

C’est une écriture poétique, sensible, soignée sans pathos. Un récit qui nous invite à une immersion totale au coeur de l’Afrique.

Le destin d’une femme moderne, libre, partagée avec ses traditions et coutumes, des choix à porter.

D’autre part, de manière contemporaine, elle nous parle du sort des migrants à Paris, Porte de la Chapelle, ceux qui ont tout quitté pensant trouver un Eldorado, un monde meilleur.

Un joli premier roman dont les destins s’entrecroisent. Une plume à suivre.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Parler, c’est comme deux mains qui se tiennent, les paroles créent le lien.

Les choses vraies, il faut les dire tout haut, les parler, les chanter pour pas qu’elles fondent comme des bonbons dans la bouche.

Aya a pensé que c’était pratique les brouillons, ça devrait être pareil dans la vie.

Tant pis, a-t-elle murmuré, les fautes on peut les effacer mais les taches ça reste pour toujours, c’est comme ça.

J’ai rencontré des femmes voilées aux libertés souterraines, et des dévoilées bien plus enfermées.

Les vagues se serrent contre elle pour calmer ses blessures, le murmure de la mer apaise son âme. Elle danse comme un dauphin, portée par les rouleaux, et remonte le temps pour se retrouver flottant dans le ventre de sa maman. Tout l’océan la submerge d’amour.

C’est dans cette maison remplie d’histoires tristes à crever que j’ai découvert, comment dire… la joie. Oui, la joie. Pas celle que je connaissais avant. La vraie. La joie de ces femmes quand elles retrouvent la confiance. La joie d’être de nouveau appelées par leur prénom, d’avoir une identité. La joie d’apprendre à aimer leur enfant.

Nous on n’a rien, mais on a le sourire dans le coeur, vous, vous avez tout, mais vous ne le voyez pas…

L’homme est le remède de l’homme.

Je me demande encore aujourd’hui si la vie doit avoir un sens pour être vécue. J’ai tellement de livres, ils m’ont appris qu’il n’y a pas de passion sans lutte. Et c’est ça que je ne veux pas oublier, les conséquences sur les vies à venir, c’est à ça que je me cramponne.

Mona pose sa main sur mon épaule, et me dit qu’on a toutes en nous des flots de larmes qu’il faut sortir pour bien laver l’intérieur.

Je regarde les yeux bleus de Mona et je sais qu’elle partage nos chagrins, qu’elle les ressent, qu’elle prend nos blessures pour les cicatriser en les comprenant. Elle écoute au-delà des mots, l’ombre des mots. Et nous guérit. Je le sens si fort. Elle nous accompagne, nous sommes réunies, enfin entourées et comprises.

Elle ressentait la souffrance des exilés, ces hommes dont les rêves avaient coulé au fond de leurs poches et qui n’avaient plus la force de les poursuivre.

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