Le bleu du lac
Jean Mattern

Sabine Wespieser
littérature
mai 2018
114 p.  16 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’adieu musical

L’auteur des « Bains de Kiraly » nous offre un roman sensible et délicat en forme de monologue intérieur, dans lequel une pianiste s’apprête à jouer aux funérailles de son amant.

Marche funèbre

Suite à un récital au Wigmore Hall où elle a remplacé au pied levé un jeune prodige croate, Viviane Craig a été projetée dans la célébrité. Mais lorsque s’ouvre le roman, elle est retirée du métier et ne pensait pas rejouer en public, surtout pas à l’enterrement de son amant, le musicologue et journaliste vedette James Fletcher. C’est par un coup de téléphone de son exécuteur testamentaire que Viviane a appris sa mort brutale en même temps que son souhait ultime : qu’elle joue l’Intermezzo Op. 117 de Brahms à la messe d’adieu. Dévastée par la perte et angoissée à l’idée de s’exposer, la musicienne engoncée dans sa robe noire repense à cette passion secrète dans le trajet en métro qui la mène à l’église, sur cette ligne de Piccadilly si souvent empruntée pour leurs retrouvailles amoureuses secrètes.

Nos secrets

Viviane et James ont chacun vécu dans la lumière, mais leur longue passion est demeurée clandestine, l’une étant mariée, mère et pianiste de renom, l’autre menant aussi de son côté une vie publique. Le secret, voilà le thème de ce roman qui dit l’impossibilité de tout connaître de l’autre et la nécessité du mystère. Il raconte aussi le chagrin pour celle qui, au milieu de la foule du métro, se sent désormais seule au monde, amante cachée condamnée à dissimuler son deuil, à le vivre dans le silence d’un monologue intérieur par essence solitaire. Mais si les paroles et les larmes doivent être refoulées, il reste l’art par lequel la communion se passe de mots. Ce court morceau de Brahms devient un langage amoureux codé qui dit ce que la bienséance interdit, la sensualité, le désir, la douleur et la fugacité de toute chose ; la musique devient tombeau, célébrant et déplorant tout à la fois ce que Pascal Quignard exprimait ainsi : « Tous les matins du monde sont sans retour »

 

 

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Cet ouvrage est le coup de cœur de la librairie Tonnet à Pau et aussi celui de la librairie L’Arbre à papillons dans le numéro 31 de notre rubrique q u o i l i r e ? qui est ici
C’est aussi le coup de coeur de la librairie Tropismes  à Bruxelles dans notre numéro 32  qui est là

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