critique de "Bonnes nouvelles de Chassignet", dernier livre de Gérard Oberlé - onlalu
   
 
 
 
 

Bonnes nouvelles de Chassignet
Gérard Oberlé

Grasset
janvier 2016
216 p.  17 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

Bonnes nouvelles de Chassignet… et de quelques autres personnages truculents

Roman ou nouvelles, court roman suivi de deux nouvelles ou encore trois récits ? Après tout qu’importent les étiquettes, car la seule notion qui compte ici est le plaisir. Un plaisir que je vous promets gouailleur, érudit, épicurien et pour tout dire jouissif. J’imagine l’auteur à sa table de travail dialoguant avec Claude Chassignet, son double de plume tout en pensant au prochain bon repas qui l’attend, à la chronique qu’il prépare pour le magazine Lire et qui permettra à ses lecteurs de découvrir l’un de ces nombreux auteurs qui est parti avec son œuvre et qui méritait sans doute davantage de considération. J’imagine aussi que c’est en cheminant avec les trésors de sa bibliothèque qu’il conçoit la trame des histoires qu’il nous offre. Là une description d’Assouan, ici une légende néo-calédonienne. À moins qu’il ne sorte de ses carnets quelques notes de voyage, comme quand il revient d’une virée dans l’ouest américain. Mais foin de digressions, venons-en à Chassignet et aux bonnes nouvelles que son voisin entend partager avec lui autour d’une dive bouteille, par exemple «une dégustation verticale de corton-charlemagne». Le livre s’ouvre sur l’une de ces rencontres peu ordinaires que l’on peut faire en voyageant. C’est ainsi qu’il croise, lors d’un séjour en Egypte, une baronne «qui n’était ni allemande, ni autrichienne, mais piémontaise et s’appelait Michaela Balli». On découvrira bien vite que derrière sa noblesse apparente se cachait en fait une starlette qui avait tourné quelques films sous le nom de Lina Graziani avant de se rendre compte qu’elle ferait une carrière plus réussie en se laissant séduire par de riches partis. Um ambassadeur lui fera faire le tour du monde avant de succomber, suivi par un richissime financier, collectionneur, bibliophile, amateur de chevaux et mécène. De Gaviria de la Barta, elle devint Mrs Finch avant de convoler une nouvelle fois avec Hugo von Engenthal-Ballerstein, baron fauché mais qui aimait les femmes et mourut à son tour trois mois après son mariage dans un bordel de Hambourg. Voilà qui offre à la veuve joyeuse l’opportunité de parcourir le monde et de faire tourner quelques têtes sur son passage, dont celle de notre narrateur. En passant, il nous parle d’une compatriote qui tient la réception de l’hôtel et pourra l’éclairer sur quelques épisodes encore obscurs, croise le jeune Aïman qui, après avoir été pris à la hussarde par un amateur d’éphèbes exotiques, comprend comment sortir de la misère : «L’attentat a suscité une vocation qu’Aïman a embrassée avec enthousiasme. Son petit bizness de garçon de joie a prospéré rapidement» car il se donnait aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Très vite le lecteur est pris par le charme suranné de ce récit et on en redemande. Cela tombe bien, car voici l’histoire d’un banquier parisien bien sous tous rapports échoué en Nouvelle-Calédonie. Une gueule. «Combien de coups de tabac et de revers de fortune fallait-il additionner avant de se forger une tronche aussi fascinante ? Il faut croire qu’à certaines natures dégradées l’adversité imprime des stigmates distinctifs, un cachet de race.» Encore un récit de vie que l’on doit à la curiosité exarcerbée du narrateur, mais aussi au partage d’une bonne bouteille : «Par expérience, une expérience jamais contredite, je puis attester que le vin est à l’origine de biens des phénomènes miraculeux.» Toutefois il sait aussi s’adapter aux coutumes locales et n’hésitera pas à passer au bourbon frelaté quand il tombera en rade lors de sa traversée des Etats-Unis. Car Chassignet passait quelquefois le printemps en Arizona, à Araucania, chez son vieux copain Kenton. Cette fois, il manifesta l’intention d’inviter ses deux filles pour célébrer l’anniversaire de sa femme Linda. Mimsi, la cadette, avait l’intention de venir avec son boyfriend australien qui devait atterrir à Miami. Aussi fut-il décidé d’aller le chercher en Floride pour faire le voyage en voiture. Plus exactement au volant d’une Buick Skylark des années 80 qui rendra l’âme près de Moriah Hill, quelque part dans cette Amérique profonde. Comme mentionné, «Une tournée générale a vite fait de régler les problèmes, surtout lorsque la boisson est artisanale.» Au terme de ces aventures, on se retrouve envoûté. Et l’on se prend à espérer que Chassignet « heureux de retrouver ses livres, sa cave, ses chiens, son jardin et ses mets favoris» ne nous offre prochainement d’autres voyages…

Rtouvez Henri Charles Dahlem sur son blog 

partagez cette critique
partage par email