Cette nuit
Joachim Schnerf

Zulma
litterature
janvier 2018
145 p.  16,50 €
ebook avec DRM 8,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Famille, je vous hais

C’est bien connu, les repas de famille sont souvent l’occasion de règlements de comptes, rancœurs, sujets tabous ; et quand la religion s’en mêle, il y a de quoi passer une nuit blanche la veille de l’épreuve. A l’aube de la fête juive de Pessah, Salomon en fait l’expérience, qui appréhende ce premier dîner pascal sans sa femme, morte quelques mois auparavant.

Après cinquante ans de vie commune avec Sarah, Salomon se retrouve seul pour organiser et diriger le traditionnel repas de Pessah, qui célèbre l’Exode hors d’Egypte. Dans cette famille juive alsacienne, on a l’habitude de se réunir tous les ans pour partager le Seder, plateau rituel composé d’aliments symboliques. Les deux sœurs ennemies, Denise la dépressive et Michelle la colérique, sont accompagnées de leurs maris respectifs, Pinhas, l’exubérant séfarade, et Patrick, hypocondriaque et faible. Sont aussi présents les petits-enfants Tania et Samuel. Cette année, le lit devenu trop grand rappelle douloureusement à Salomon que Sarah ne sera pas là pour préparer la fête, ni pour apaiser les tensions autour de la table ou freiner l’humour concentrationnaire dont il ne manque pas de régaler ses convives à chaque occasion.

Au soir de la vie

Repoussant le moment du lever, épuisé à l’idée du repas qui s’annonce, Salomon se souvient du dernier Pessah houleux, repasse dans sa mémoire les instants heureux de son mariage, le temps béni où ses filles étaient encore complices, où ses petits-enfants encore naïfs. Son humour légendaire ne lui est plus d’aucun secours, c’est un vieil homme veuf que l’inquiétude paternelle taraude et que le chagrin de la perte submerge et désempare. Au petit matin de ce jour particulier, l’exode rappelé et célébré prend une signification métaphysique pour l’ancien rescapé des camps au crépuscule de sa vie. A la fois drôle et dramatique comme l’existence, le roman de Joachim Schnerf, empreint de mélancolie et d’autodérision, rappelle l’importance du souvenir et de la transmission intimes et collectifs.

 

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu

Salomon sera seul cette année pour fêter Pessah, la Pâque juive. Enfin seul… avec toute sa famille : ses deux filles, Michelle et Denise, ses deux gendres, Patrick et Pinhas, ses deux petits-enfants, Samuel et Tania. Seul ? Oui, sa femme, Sarah, est morte depuis deux mois. Des images de l’enterrement hantent l’esprit du vieil homme, encore étonné, le matin, au réveil, de ne pas la sentir auprès de lui.
Il va devoir se ressaisir car ce soir, il se doit d’assumer son rôle de patriarche, ne serait-ce que pour que ses filles ne gâchent pas la fête en s’étripant, comme elles ont coutume de le faire si souvent !
Il sera là pour diriger ces deux soirées de Seder (l’anniversaire de la Sortie des Juifs d’Égypte) et raconter, étape par étape, dans un cérémonial bien ordonné et parfaitement réglé comme il est écrit dans la Haggada – respect des rites oblige – l’histoire du peuple juif, autour de plats qui se succèdent un à un : verres de vin, légumes trempés dans de l’eau salée, pain plat (la Matsa), herbes amères, raifort, salade…
(Merci au passage pour cette magnifique initiation aux rites judaïques que je ne connaissais pas et qu’on a le sentiment de partager à la lecture de ce texte !)
Mais sans Sarah, ce soir, ce ne sera pas la même chose.
Et pourtant, il ne pourra certainement pas s’empêcher de lancer quelques « blagues concentrationnaires» bien déplacées, sa spécialité, qui faisait crier Sarah ; ses filles se disputeront, l’une pleurera ; les enfants poseront des questions et observeront avec intérêt et un brin d’ennui, maintenant qu’ils ont grandi, ces rites qu’ils vivent chaque année.
En attendant, à l’aube de ce grand jour, seul dans son lit, Salomon revisite son passé : sa rencontre avec Sarah, la naissance de ses filles, ses angoisses de père… De souvenirs lointains en impressions encore très vives, de rêveries éveillées en errances de la pensée, Salomon raconte ce que fut sa vie, de sa déportation à Auschwitz à ses dernières années auprès de la femme qu’il aimait.
On sourit, on rit parfois de scènes qui frôlent la comédie mais le plus souvent, c’est l’émotion qui nous gagne car on sent entre les lignes tout l’amour de cet homme pour sa femme, sa famille, la vie qu’il va bientôt quitter.
Ce soir, pense le vieil homme, ils devront aussi parler de cet héritage qu’a laissé Sarah : achèteront-ils une maison où se retrouver tous ? Arriveront-ils à se mettre d’accord ?
Michelle arrivera bientôt pour l’aider à préparer le repas… Il va devoir se lever… Son souffle est court, sa respiration difficile… Aura-t-il la force, le courage d’assumer ce rôle qu’il a toujours tenu ?
Un très beau texte, d’une extrême sensibilité : le récit poétique et plein d’émotion d’une magnifique histoire d’amour, celle d’un vieil homme qui sait, au fond, qu’il est bien difficile de survivre à ceux qu’on aime…

Retrouvez Luci-Lilas sur Lire au lit

partagez cette critique
partage par email
 

Tendre, court et dense

Monologue de Salomon, rescapé des camps, le matin de Pessah. Son épouse est décédée récemment, ce sera la première fois qu’il célèbrera la Pâque juive sans elle. Il anticipe chaque étape de ce rendez-vous familial, et ce faisant nous raconte sa famille… C’est un roman touchant d’une grande délicatesse. Court et dense, il réussit à rendre son univers parfaitement tangible, et très actuel, avec un humour discret et une grande tendresse.

partagez cette critique
partage par email