Dépendance day
Caroline Vié

JC Lattès
février 2015
150 p.  17 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Quand la mémoire s’en va…

L’arrière-grand-père de la narratrice, un homme instruit, impétueux, athée et anarchiste avait affublé son unique fille d’un prénom tout à fait extravagant pour l’époque, puisqu’il l’appela Lachésis. Dans la mythologie grecque, Lachésis est l’une des trois Parques, divinités maîtresses de la destinée des hommes. Ces trois soeurs sont fileuses, elles mesurent l’existence de chaque être humain : l’une fabrique et tient le fil, une autre le déroule et le place sur le fuseau, quant à la dernière elle le coupe. Naturellement, Lachésis prénomma sa fille Clotho, continuant ainsi « la lignée » instituée par son père. À son tour, Clotho donna à son enfant, la narratrice, le doux prénom de Morta, qui ne pourra s’empêcher d’appeler sa propre fille Nona (équivalent romain de Lachésis). D’emblée, nous rentrons dans une tragédie. Sauf qu’ici, les femmes n’auront aucun choix sur leur destin implacable. Elles le subiront. Car l’une après l’autre, un fléau dérobe l’essence de leur propre existence, la mémoire…
C’est ainsi que Lachésis, la grand-mère et Clotho, la mère de Morta sont fauchées par Alzheimer. Morta raconte les effets de la maladie, la déchéance, les instants grotesques, la folie, les médecins, les maisons de retraite, le regard des uns et des autres, la « malédiction » qui pèse tant sur ses épaules. Elle fait le portrait de sa famille, des bourgeois quelque peu excentriques, une mère qui rêvait de devenir danseuse étoile au Bolchoï et qui finalement sera professeure d’espagnol, un père charmeur auprès de la gente féminine, communiste convaincu, décrit crûment parfois la réalité d’une maladie insidieuse et envahissante… Mais Morta parle d’elle surtout, de la vie qu’elle s’est faite avec cette épée de Damoclès suspendue au-dessus d’elle. Une vie très « raisonnable », un mari qu’elle aime, une fille qu’elle adore, un métier qui la passionnne (elle est auteure de polar). Persuadée de sombrer un jour ou l’autre dans l’oubli et la folie, elle tente de tracer sa route malgré la fatalité. Le regard qu’elle pose sur sa grand-mère puis sa mère est tour à tour tendre, triste, désoeuvré, indigné. Seulement, le destin auquel elle se sera préparée sa vie durant ne se passera pas tout à fait comme elle l’avait envisagée…
Un roman dont je suis sortie très émue. L’auteure utilise l’ironie, l’humour noir pour ôter tout pathos. Etonnamment donc, ce livre n’est pas sombre. La lumière est d’ailleurs présente d’un bout à l’autre de l’histoire. Rires, larmes et fantaisies se cotoient. Et beaucoup d’amour aussi.
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