Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes
Olivier Bleys

ALBIN MICHEL
litt.generale
août 2015
304 p.  20 €
 
 
 
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coup de coeur

La maison clou

« Rappelle-toi, ma chérie : c’est par les racines qu’on tient, c’est à travers elle qu’on dure et qu’on endure… Celui qui les a poussées loin, jamais ne sera arraché! »

Dans la province de Liaoning, au nord-est de la Chine, se trouve le misérable quartier de Shenyang dans lequel vivent encore ici et là quelques familles, entourées de ruines d’usines et autres hangars désaffectés. Alentour, tout est gris, triste et froid. La désolation. La plupart des habitants ont fui en quête d’une vie meilleure mais la famille Zhang, elle, est restée. Des irréductibles, des indomptables. Des amoureux de leur terre et surtout de leur arbre à laque. Ils sont cinq : Wei le père, Yun la mère, leur fille et les grands-parents maternels. Ils vivent dans une petite maison d’une seule pièce, serrés les uns contre les autres. Wei, ancien ouvrier est au chômage. Il descend parfois au fond de la mine pour ramener du charbon, à ses risques et périls. Au fil des années, lui et sa femme ont économisé de l’argent sur leur maigre revenu, dans l’espoir un jour de devenir propriétaires. Cette maison familiale est d’autant plus importante aux yeux de Wei qu’au pied de l’arbre centenaire gît la sépulture de ses parents. Ses racines, comme ceux de son arbre sont ici et nulle part ailleurs. Malgré sa vieillesse, ses branches mortes, sa fragilité, l’arbre est toujours là. À sa place. Il est loin le temps où ses feuilles resplendissaient, où s’écoulait de son écorce la sève si précieuse. Aujourd’hui, on veut l’abattre, le réduire à néant. Lui qui a amené tant de prospérité et de bonheur. Seul contre tous, Wei a toujours refusé que quiconque touche de sa hache son arbre.
Un jour qu’il ouvre sa boîte contenant leur épargne pour y glisser quelque argent, Wei se rend compte, ébahi, qu’il peut enfin acheter son logis. La joie sera malheureusement de courte durée puisque le gisement d’un minerai précieux vient d’être découvert juste à côté de chez eux.
Désormais propriétaire d’une « maison-clou », Wei et les siens vivent retranchés chez eux, abrités par leur arbre qui semble veiller sur eux. Les monstrueux engins ouvrent leur gueule et creusent toute la journée dans un bruit d’enfer. Les ouvriers s’affairent comme des fourmis dans la terre qu’ils ne cesse de malmener.
Wei livre un combat inégal mais profondément sincère avec les représentants de cette Chine capitaliste où tout n’est que profit. Ses armes à lui sont l’amour qu’il porte à sa famille et à ses disparus, ses valeurs ancestrales, son osmose avec la nature qui subit mais ne flanche pas.
Un roman en forme de conte où la poésie affleure à chaque phrase, où passé présent futur se battent pour exister, où l’homme mesure la puissance de la nature et le lien profond qui l’unit à elle.
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