Feux d'orée
Jacques Chessex

Bernard Campiche
septembre 1997
98 p.
 
 
 
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nuit blanche

Quand il y avait encore le père et ses livres

Certes, des outrances lubriques, éthyliques et aussi mystiques ont contribué à forger sa légende au-delà des terres vaudoises dont il est originaire, jusqu’aux salons feutrés de chez Drouant, où siège chaque premier mardi du mois le jury du prix Goncourt, dont il fut l’heureux récipiendaire helvétique. Mais il faut regarder au-dessus de la palissade qui abrite cette cour où l’on patauge pour découvrir le véritable jardin de Jacques Chessex. Le coup d’œil vaut alors largement le détour. Une œuvre remarquable y fleurit, trop injustement délaissée, commencée avant que la mort n’impose son obsédante présence dans l’univers du jeune Jacques, « lorsqu’il y avait encore la maison, le jardin, le père et ses livres », écrit-il à son ami Jérôme Garcin. Quelques traits de plume redoutables de simplicité et d’efficacité et c’est alors la Broye vaudoise qui se dévoile au lecteur, celle-là même qui servira bientôt de sujet au « Portrait des Vaudois ». Un univers dépourvu de fantaisie, déconcertant de pragmatisme, à certains égards monstrueux et inconscient de l’être, engoncé à la fois dans le protestantisme et la bonhommie, où l’on assiste aux enterrements sans pleurer, pour les bricelets et le vin blanc qu’on y sert, et où l’argent, celui qu’en notable rebondi et jovial on possède ou celui dont on manque cruellement, occupe sans cesse et en silence les esprits. Et parmi ces récits, on relèvera tout particulièrement le très poignant poème « La Mère »: tout à la fois un hymne à l’amour fort crié d’outre-tombe et une ode à l’autre versant de la vie, éternel celui-là, qu’est la mort. Du très grand Jacques.

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