Glaise
Franck Bouysse

Le Livre de Poche
litterature
septembre 2018
448 p.  7,90 €
 
 
 
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coup de coeur

L’incipit « Ce qu’il advint cette nuit-là, le ciel seul en décida »enclenche une lecture lumineuse. Glaise, de Franck Bouysse, majeur, bouleversant est un roman qui puise ses rimes dans un régionalisme peint d’une main de maître. Tout est beau, ici. Chaque point, virgule, affine le summum. Le lecteur lit avec la plus grande attention une délivrance, une histoire née depuis des millénaires, travaillée telle la glaise dont viendra une sculpture de renom. Le lecteur ne lâchera pas un seul instant des yeux, cette création perfectionniste. L’ambiance est prenante, sombre. Elle s’allie à cette époque de 1914 où la guerre a bousculé l’habitus des terroirs. Les hommes partis, les femmes guerrières d’un quotidien difficile, en prise avec cette solitude, sont devenues battantes, volontaires et lourdes de secrets enfouis que les hommes ont déchargé sur leurs épaules en silence, dans ce départ forcé pour la guerre. Elles sont cette cartographie magnifiée d’une époque où les évènements tels des crocs dévoraient la féminité, la vie même. Les hommes qui restent en cette terre engluée et pourtant riche de sens, sont âgés, malades et trop jeunes pour affronter les affres de la guerre, ce sera en l’occurrence notre protagoniste Joseph. Tout se passe en quasi huis-clos comme si les montagnes étaient des murs insurmontables. A l’instar d’un village à l’idiosyncrasie rétrécie. L’angoisse n’est jamais présente malgré le sombre qui s’échappe des lignes. Valette est l’ombre néfaste, un homme qui broie le clair et qui vibre dans les pulsions malsaines. L’étau se resserre. Le lecteur tourne les pages à toute allure, en grande délectation. Les nuages filent dans ce noir livresque manichéen, car sublime. L’orage gronde. Les hommes meurent. Les femmes fauchées dans l’âpre du quotidien deviennent leur propre démon. Cette histoire est un cri. Sa beauté inestimable, rare et gracieuse est un perlé verbal hors pair. Un rappel à la nuit qui foudroie. Un passage entre le noir et le blanc. Le lyrisme est le toit du juste, posé là où il faut dans un précis hors norme que seuls les écrivains de l’intériorité connaissent. Majeur, culte, incontournable il couronne le verbe d’une aura époustouflante. « Glaise » est une œuvre doublée d’une poésie vibrante. Le relire en pleine montagne dans ce Cantal, en pleine montagne dont chaque forme, chaque nuance est une signature mémorielle. En lice pour le Prix des lecteurs U, ce roman est une chance.

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