Né d'aucune femme
Franck Bouysse

Manufacture de livre
Litterature
janvier 2019
334 p.  20,90 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Né d’aucune femme de Franck Bouysse
est l’un des livres préférés paru cette année (sept 2018-juin 2019)
que vous recommande vivement la librairie La Lison à Lille
et La Maison du livre à Rodez
dans le q u o i  l i r e ?#76
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coup de coeur

Né d’aucune femme de Franck Bouysse
est le coup de cœur de la librairie Tome 7 dans le q u o i  l i r e ? #54
de la Librairie Grangier à Dijon
dans notre q u o i l i r e ? #64 « spécial polars »
de L’Arbre à Papillons à Phalsbourg dans le q u o i  l i r e ? #70

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La jeune fille et la noirceur du monde

L’auteur l’admet lui-même : « il est plus facile d’aborder les combats de femmes, la notion de l’identité…avec le recul et la pudeur que permet l’ancrage dans un autre temps. » Pour camper Rose, sa nouvelle héroïne, Franck Bouysse compose un roman qui aurait pu être écrit il y a un siècle, tant par le choix de ses personnages, celui de l’univers choisi, que par l’utilisation d’une langue que l’on associerait plus volontiers aux romanciers du début du 20e siècle, voire du 19e.

Gabriel, un jeune curé, est appelé dans un asile pour bénir le corps d’une défunte. Il s’y rend avec le jeune Charles, son bedeau et sait qu’il va trouver sous les plis de la tenue de la femme morte « les cahiers de Rose », comme le lui a annoncé l’infirmière venue le prévenir. Gabriel devient donc le porte-voix de l’histoire de Rose, une jeune fille vendue par Onésime, un père essayant de sortir les siens de la misère.

« Malgré les doutes, les traits du visage de la femme se détendirent petit à petit face à ce mari retrouvé sous son apparat de misère toujours de circonstance, mais qu’il portait de nouveau telle une digne parure au regard de la pesante richesse lestant son bras, qui l’avait fait un temps félon de l’âme d’une famille entière. »

Nul conte de fées dans ces pages sombres. Magnifier la nature, décrire avec la précision d’un orfèvre les chevaux, les corps, les paysages… équilibrent à peine les passages de souffrance, de détresse et de terreur. Rose est violée par le maître des lieux, sous le regard d’une mère abominable : « la vieille était toujours sur sa chaise, elle récitait des paroles que je comprenais pas. C’était de la douleur supplémentaire qu’elle reste là sans rien faire (…) je savais pas ce qui me faisait le plus souffrir entre la douleur, le dégoût et la honte. »

La jeune fille n’a nulle chance de s’échapper et ne peut compter sur personne pour espérer mettre fin à son calvaire. Sauf à essayer de tuer ses bourreaux.

Les chapitres portent le nom des protagonistes, de quelques-uns tout du moins, comme autant d’entrées dans cette fiction. Leurs voix offrent un peu de recul -nécessaire dans ce climat de violence-. A celle de Rose succède celle d’Edmond, le si peu courageux demi-frère du Maître des Forges, ou celle d’Onésime, rongé par le remords qui reviendra tenter de reprendre sa fille aînée, Elle, la mère de Rose. Et puis il y a la voix de l’Enfant « muet. Ce qu’il a cru rêver et qui surgit ce jour dans l’immobilité de son corps accroché à la bride, cette trace qui relie l’enfant à l’homme, lui à lui, fils né d’aucune femme, et non un autre. Tout ce qu’il devient. Tout ce qu’il est. »

Franck Bouysse aime creuser le sillon de la mémoire, la sienne comme celle des conteurs dont les récits ont jalonné sa propre enfance. Les lecteurs pourront sans peine transposer l’histoire de cette héroïne broyée par les hommes en une époque plus contemporaine.

L’auteur de « Grossir le ciel » et de « Glaise » n’en a pas fini d’explorer la noirceur humaine…

 

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coup de coeur

Né d’aucune femme de Franck Bouysse est le coup de cœur de la librairie Tome 7 à Paris dans
le #54 de notre rubrique q u o i l i r e ?

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 Les internautes l'ont lu

noir sur blanc

L’époque à laquelle se situe le récit que nous propose F.Bouysse est dificile à apprécier avec exactitude, disons la fin du XIX° siècle.
Dans une campagne reculée, Onésime, paysan pauvre, ne s’en sort pas de la misère. Il a quatre filles et décide de « vendre » l’aînée, Rose, à Charles, un forgeron qui cherche une…domestique.
A 14 ans, la jolie Rose est donc arrachée à sa famille, pour entrer en esclavage. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, ô combien.
Charles est un maître absolu, chaperonné par sa vieille mère, la sorcière avec qui il vit dans un château perdu au fond des bois.
Rose est une fille dégourdie, tout juste nubile et bien sûr trop jeune pour lui résister. Elle va découvrir l’enfer, ni plus ni moins, et bien sûr subir les viols récurrents de son désormais seigneur et maître.
Au château vit aussi Edmond, le demi-frère de charles, palefrenier et homme à tout faire un peu timoré, dont l’amitié voire plus ne lui sera pas un grand réconfort, à première vue.

Bouysse nous plonge dans un crescendo hallucinant, parfois malheureusement à la limite du vraisemblable, qu’il nous conte par le truchement du journal de Rose, tombé dans les mains de Gabriel, le jeune curé de la paroisse.
Dans un style plutôt réussi, alternant le lyrisme poétique et la sobre narration (selon les personnages dont les mots sont sur les pages : Gabriel, Onésime, Edmond ou surtout Rose), il explore la noirceur de l’âme humaine autant que la puissance de l’amour vrai, pour s’acheminer vers un happy-end suggéré en demi-teinte, peut-être un peu convenu.

Voilà certes un livre accrocheur, un « page-turner » qui laisse une empreinte forte, mais je ne sais trop où l’auteur a voulu en venir, si tant est qu’il ait voulu aller quelque part…

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on n'aurait pas dû

Il était une fois une famille de pauvres paysans : le père, la mère et les quatre filles. Un jour, le père décida de vendre son aînée à un homme riche qui en fit son esclave. Le père regretta son geste et voulut récupérer sa fille mais…
Né d’aucune femme est un conte, noir, cruel, sombre, qui utilise tous les archétypes du conte : un cadre spatio-temporel imprécis ; des personnages nettement caractérisés : les gentils (héros ou héroïnes), les méchants (les opposants) et ceux qui aident les gentils (les adjuvants). Pas de profondeur psychologique : c’est normal puisque dans un conte les personnages répondent à une fonction. Le schéma narratif est celui du conte : une situation initiale (ils sont pauvres mais heureux sans le savoir), un événement perturbateur (la vente), quelques péripéties (le père veut récupérer sa fille…), un élément de résolution et une situation finale. On a aussi le château, la chambre interdite, la femme prisonnière…
Né d’aucune femme répond donc aux critères du conte, sans originalité particulière sinon la longueur. Il m’a semblé d’ailleurs que tout était prévisible, attendu : dans l’ensemble, aucun événement ne m’a surprise. Le conte se déroule tranquillement, on sait où l’on va et l’on y va. Pas franchement de suspense et beaucoup de longueurs donc…
Par ailleurs, j’ai depuis longtemps passé l’âge de pleurer sur des personnages de contes : ni Rose, ni son père ni qui que ce soit ne m’ont particulièrement émue, j’ai suivi le déroulé de l’histoire sans jamais m’attacher aux personnages à qui il aurait bien pu arriver n’importe quoi, peu m’importait dans la mesure où, la situation étant invraisemblable, les personnages l’étaient tout autant.
Pas d’originalité non plus dans l’entrée en matière : un prêtre trouve un cahier écrit par une femme. La lecture de ce cahier sera l’objet du conte. Rien de nouveau sous le soleil.
Une écriture assez plate sur les trois quarts du livre puisque c’est Rose qui est censée parler.
Bon.
Pourquoi pas ?
Des longueurs, de l’ennui, aucune surprise…
Tout ça pour dire que je suis très étonnée par les louanges dithyrambiques lues ici ou là sur ce roman. Comme je l’ai déjà dit, je ne vois aucune originalité dans la forme ou dans le fond. Tout est attendu et cousu d’un fil blanc bien épais.
Mais en plus de cela, certaines choses m’ont franchement énervée : d’abord le côté mélo. Certes, cela peut se rattacher au genre choisi, mais là, vraiment, ça dégouline de partout, on se croirait parfois dans les pires romans-feuilletons du XIXe… Et que je t’en remette une couche et encore une (que c’est lourd, appuyé)… Oui, cette affaire est bien triste, très triste même, on l’a compris, pas la peine d’en rajouter… Que de pages pour faire pleurer dans les chaumières…. Quelle surenchère dans le misérabilisme…
Autre point (qui m’a déplu) : imaginez une pauvre gamine de 14 ans, séparée de sa famille, qui arrive dans une demeure tenue par deux étrangers qui la séquestrent. Elle parvient tout de même à échanger un peu avec un homme à tout faire (un gentil lui). Eh bien, la petite chérie, qui vient d’avoir ses règles et qui, donc, est devenue une femme, se sent soudain tout émoustillée par le dos du beau jardinier… Tiens donc… Et que je te le reluque… Oh qu’il est beau le gredin…. Là, je me suis soudain demandé où l’auteur nous emmenait. Tout cela m’a paru complètement saugrenu vu la situation (même si rien n’est vraisemblable dans un conte… il y a quand même des limites, non?) Malaise… S’agit-il d’émoustiller le lecteur ?
Non, ce ne sont pas les scènes violentes qui m’ont gênée, j’en ai lu d’autres et des bien pires, ce sont plutôt ces scènes d’éveil des sens qui m’ont semblé artificielles et m’ont mise mal à l’aise.
Alors non, je ne partage pas l’enthousiasme général, loin de là.
Mais ce n’est que mon petit avis !

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