Frappe-toi le coeur
Amélie Nothomb

Albin Michel
août 2017
180 p.  16,90 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un roman très hitchockien

« Frappe-toi le cœur », le nouveau roman d’Amélie Nothomb emprunte son titre à une citation (tronquée) d’Alfred de Musset (« Ah ! Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie »). Et autant vous prévenir d’emblée : il se classe parmi mes Nothomb préférés.

On écrit chaque année la même chose, mais comment pourrait-il en être autrement ? Une rentrée littéraire sans Amélie Nothomb cela n’existe pas. Depuis 1992 et la parution de son premier roman, « Hygiène de l’assassin », pas une année (à l’exception de 1994), sans qu’Amélie Nothomb ne publie un livre.

89 romans au compteur!

Cette régularité a quelque chose de réconfortant. Remettons-les compteurs à jour: ce vingt-sixième roman est en fait le quatre-vingt-neuvième qu’a écrit Amélie Nothomb puisqu’elle en rédige trois ou quatre par an, avec la régularité d’un métronome et l’endurance d’un marathonien. Pourquoi changer ses bonnes habitudes ? La romancière m’a assuré qu’elle avait composé « Frappe-toi le cœur » exactement comme les précédents: à jeun, entre 4 heures et 8 heures du matin, sur son cahier d’écolier, armée de son Bic bleu, après avoir bu un demi litre de thé indien très fort.

Eperdument jalouse de sa fille

La régularité ne l’empêche pas d’innover. Amélie Nothomb a choisi de traiter, pour la toute première fois, un thème qu’elle juge trop rarement abordé en littérature. Celui de la jalousie d’une mère pour son enfant. « Frappe-toi le cœur », c’est l’histoire d’une jeune fille, Marie, à qui tout sourit. Elle se sait jolie et éprouve du plaisir à se sentir enviée. Olivier, le fils du pharmacien, et le plus beau garçon de la ville, s’éprend d’elle et l’épouse. Jusqu’ici tout semble parfait. Sauf que Marie tombe enceinte contre son gré et se désole de voir sa jeunesse envolée à 20 ans. Tout déraille lorsque naît sa fille. Prénommée Diane, elle se révèle belle comme une déesse et Marie en tombe éperdument jalouse.

Une fin magistrale

Marie connaît l’enfer, et pour nous, c’est un pur plaisir. Alors n’en disons pas plus, au risque de le gâcher. Précisons seulement que ce roman-là est avant tout l’histoire d’une manipulation. Sa réussite doit beaucoup à la fin, magistralement orchestrée, qui va vous clouer à votre canapé. Amélie Nothomb réussit un formidable retournement, auquel on ne s’attend pas. On y retrouve tout ce que l’on aime chez elle: l’intelligence, l’humour, l’élégance de la langue et l’espièglerie. Mais il y a aussi du suspens dans ce vingt-sixième roman, incontestablement hitchcockien.

 

 

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nuit blanche

Jalousie quand tu nous tiens

La rentrée littéraire c’est pour moi chaque année le temps de ma petite friandise littéraire, je veux dire par là, le moment de découvrir le nouvel opus d’Amélie Nothomb.

Cette année, point de prénom alambiqué. Nous allons suivre l’histoire de Marie , une belle jeune fille qui en 1971 a 19 ans. Elle est sublime et aime susciter la jalousie de son entourage. Elle épousera Olivier le fils du pharmacien et très vite deviendra mère…

Le 15 janvier 1972 viendra au monde Diane, un magnifique bébé , resplendissant d’une beauté incroyable, encore plus jolie que Marie qui suscitera chez elle une jalousie maladive la poussant au rejet.

Je n’ai pas envie de vous en dire beaucoup plus si ce n’est que nous verrons Diane grandir. Nous la retrouverons à différentes étapes de sa vie. Elle se forgera une carapace et avancera, grandira engrangeant des tas de déceptions. Diane, douée de beaucoup d’empathie comprendra sa mère, l’excusera, sera déçue mais toujours avancera en se fixant un objectif de devenir médecin pour sonder les failles et sauver les humains.

Une fois encore Amélie explore la nature humaine, la cruauté, la jalousie, la noirceur enfouie chez certains. Et comme chaque fois dans les dernières pages du roman elle surprend. J’étais « scotchée » au récit, j’ai vraiment adoré, un super bon roman.

Entre amour et haine la frontière est parfois mince.

Qu’est ce que l’amour ?

« C’était donc cela, le sens, la raison d’être de toute vie : si l’on était là, si l’on tolérait tant d’épreuves, si on faisait l’effort de continuer à respirer, si l’on acceptait tant de fadeur, c’était pour connaître l’amour.  »

Les jolies phrases

Il y avait quelque chose de vertigineux à pouvoir dormir à volonté. Elle s’alitait et sentait le gouffre du sommeil s’ouvrir sous elle, elle se livrait à cette chute et n’avait pas le temps d’y penser, elle disparaissait aussitôt.

C’était donc cela, le sens, la raison d’être de toute vie : si l’on était là, si on tolérait tant d’épreuves, si l’on faisait l’effort de continuer à respirer, si l’on acceptait tant de fadeur, c’était pour connaître l’amour.

Elle serait médecin. En regardant et en écoutant les gens avec attention, elle sonderait leur corps et leur âme. Sans plus de bavardages que le docteur de la veille, elle mettrait le doigt sur la faille et sauverait des êtres humains.

Que lui importait son enfance gâchée ? Ce qu’elle voulait désormais, c’était devenir adulte pour accéder au statut sublime de docteur. La vie conduisait à quelque chose d’important, il ne s’agissait plus d’endurer des tourments absurdes, puisque même la souffrance pouvait servir à explorer celle des malades. Ce qu’il fallait, c’était grandir.

Il apparaissait maintenant à Diane que le mépris était pire que la haine. Celle-ci est si proche de l’amour, quand le mépris lui est étranger.

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