Grégoire et le vieux libraire
Marc Roger

Albin Michel
janvier 2019
240 p.  18 €
 
 
 
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Grégoire et le vieux libraire : naissance d’une vocation

Grégoire, dix-huit ans, est en rupture de ban avec l’Éducation Nationale. Très tôt il a « décroché ». Après une première expérience aux espaces verts de la ville, il atterrit dans les cuisines de la Résidence des Bleuets, l’EHPAD local. En livrant les plateaux repas aux pensionnaires, il va faire une rencontre qui va changer sa vie.

Monsieur Picquier est un ancien libraire. Atteint de la maladie de Parkinson, il a dû se séparer de sa librairie, de sa maison, tout quitter pour finir sa vie en maison de retraite. De son précieux trésor, il n’a pu conserver que trois mille livres qui sont le seul décor de sa chambre.

Grégoire est perturbé par sa rencontre avec le vieux libraire. Tous ces livres l’attirent et le repoussent à la fois. Mais il prend du plaisir à converser avec le vieil homme.

« Qu’est-ce que je fais là en compagnie de ce vieillard au milieu de ses bouquins. Du reste, je me garde bien de les toucher ou de les ouvrir. De peur de quoi ? Je ne sais pas. Le traumatisme de l’école, sûrement. Le Vieux Libraire ne m’en parle pas. Pourtant, je ne suis pas dupe, je le vois venir. Cette couverture qu’il laisse traîner. Ce titre plutôt qu’un autre supposé me séduire. C’est un jeu entre nous : moi, lui faire croire que la lecture, non merci ; lui, qu’il a d’autres chats à fouetter que de me convaincre. Faut-il que l’école soit maladroite pour que deux ans après l’avoir quittée, j’en sois encore à rejeter ce qui la symbolise au plus haut point, ces livres qui me fascinent autant qu’il me répugne ne serait-ce que d’en feuilleter un seul. »

Grégoire s’étonne. Monsieur Picquier est entouré de ses précieux livres, mais jamais il ne l’a vu lire. Il lui en fait la remarque. Le vieux libraire ne peut plus assouvir sa passion : la maladie de Parkinson l’empêche de tenir un livre et son glaucome d’y voir assez clair. Grégoire pour se faire pardonner sa question propose à Monsieur Picquier de lui faire la lecture. Le vieil homme se rend dans le bureau de la directrice et la chose est entendue. Elle ne peut rien refuser à cet homme si gentil et si charismatique.

Pendant une heure, chaque jour, Grérgoire lit à voix haute. Il y prend goût. Deux autres pensionnaires viennent se greffer à son auditoire. Une séance de lecture publique est organisée pour la fête du Noël : un succès.

Dans ce très beau roman, Marc Roger, lecteur public, amoureux des livres, nous montre le pouvoir des mots. Lire c’est vivre, plus fort, mieux. Partager ses lectures avec un public, c’est jeter des ponts de mots entre un auteur et les auditeurs, entre le lecteur et les participants. La lecture publique est un échange d’émotions, cela apaise, cela stimule, cela amuse. C’est essentiel. Le médecin de l’EHPAD ne s’y trompe pas, il prescrit à ses patients des séances de lecture avec Grégoire. Ces moments de partage, rompent l’isolement auquel sont soumis les pensionnaires.

Ce roman, c’est l’histoire d’une transmission, d’un passage de flambeau entre le vieux libraire et son élève. Monsieur Picquier va former Grégoire, lui apprendre à choisir ses textes, l’entraîner physiquement pour améliorer son souffle. En apprenant à poser sa voix, Grégoire va trouver sa voie.

C’est l’histoire d’une belle et profonde amitié entre deux êtres que seul le destin pouvait faire se rencontrer.

Grégoire et le vieux libraire ne pouvait que toucher l’amoureux des mots et des livres que je suis. Un livre plein d’émotion, de tendresse et d’humour qui nous montre que la lecture devrait être remboursée par la Sécurité Sociale.

Merci Monsieur Roger pour ce très beau livre.

« Que ce soient héritages, adultères, crimes passionnels, enfants cachés, tirés d’horribles faits divers dont s’inspirait Guy de Maupassant, toutes ces histoires vécues pêle-mêle au cours d’une même séance par des notables, des ouvriers, des paysans ; toutes ces horreurs dont l’être humain devient capable quand il s’égare égayent nerveusement les deux femmes, générant commentaires et débats qui prennent souvent un tiers du temps de nos rencontres. À la fin d’une nouvelle un peu plus … « olé ! olé ! » comme le fait remarquer en gloussant Mme Giroud, M. Picquier m’adresse discrètement un clin d’œil et m’assure juste après leur départ :
– Grégoire, tu les tiens. »

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