L'appartement du dessous
Florence Herrlemann

albin michel
a.m. rom.franc
février 2019
251 p.  18 €
 
 
 
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coup de coeur

L’appartement du dessous de Florence Herrlemann

Enfin, il est arrivé. Après le séisme qu’avait provoqué en moi Le festin du lézard, je l’attendais avec beaucoup d’impatience, ce deuxième opus de Florence Herrlemann. Une impatience teintée d’anxiété : allais-je être autant emporté par L’appartement du dessous ?

Sarah, trentenaire, emménage dans son nouvel appartement du Marais. Le lendemain de son installation, elle découvre une lettre sur son paillasson. Sa voisine du dessous lui souhaite la bienvenue, lui pose des questions sur son appartement. Elle se présente très succinctement en laissant planer le mystère.

Les lettres d’Hectorine, centenaire à l’esprit vif se succèdent sans réponse de la jeune femme, trop occupée par son emménagement et par son activité de graphiste dans une maison d’édition. Agacée par cette avalanche de missives, elle finit quand même par répondre.

« Je voulais aussi vous dire que je travaille beaucoup et n’ai vraiment pas de temps à consacrer à l’écriture. De plus je ne suis pas très à l’aise avec ce mode de communication.
Je vous souhaite une bonne journée. »

Il en faudrait beaucoup plus pour décourager Hectorine qui commence à lui raconter son histoire. Une histoire qui englobe le siècle. De Cabourg où elle suit avec ses parents les pas de Marcel Proust, à l’enfer de la Deuxième Guerre Mondiale, la vieille dame, de père français et de mère allemande poursuit son récit.

Sarah se sent harcelée. Elle est excédée par l’insistance d’Hectorine. Elle ne comprend pas les raisons de cette correspondance. Hectorine cherche-t-elle un palliatif à son isolement ? A-t-elle autre chose derrière la tête ? La jeune femme le fait savoir à sa voisine :

« Je tenais à vous dire que vos lettres me mettent très mal à l’aise, un peu comme si elles ne m’étaient pas adressées. De plus, j’insiste, je me sens épiée, surveillée, obligée de… s’il vous plaît, restons-en là. Je vous le répète, je n’ai ni le temps ni l’envie de répondre à vos lettres. Je ne comprends pas la nécessité d’une correspondance entre nous. »

Mais Hectorine ne cède pas. Elle est déterminée. Elle est en mission et rien ni personne ne la fera renoncer.

« … ne précipitons pas les choses. Écoutons le judicieux conseil de François Rabelais dans son Pantagruel : « Tout vient à point à qui sait attendre » ! Sérieusement Sarah, il faudrait que vous parveniez à contenir votre impatience. Laissez-moi le temps, j’ai besoin de ce temps. Vous saurez. Je vous en fait la promesse. »

Comme Sarah, je me suis posé beaucoup de questions sur cette correspondance. Comme Sarah, j’ai été irrité par l’insistance d’Hectorine. Comme elle je me suis mis à attendre avec impatience sa prochaine lettre.

Quel beau roman nous livre ici Florence Herrlemann ! Qu’elles sont attachantes Hectorine et Sarah ! Leurs échanges, les tranches de vies, les bouquets d’émotions que nous offre Hectorine sont addictifs. J’ai été bousculé, ému, amusé, passant de l’irritation, aux larmes, du questionnement à l’amusement. Ce superbe roman est une véritable célébration de la vie, un hymne à l’amitié, à la transmission.

Avec une plume vive, superbe, en prise directe avec les émotions, Florence Herrlemann dépoussière le genre du roman épistolaire quasiment tombé en désuétude. Elle nous montre le pouvoir des mots, l’importance de prendre le temps, d’ajuster ses idées pour les exprimer au mieux, pour échanger, partager. Mais qu’il est compliqué de trouver les mots pour vous dire combien ce roman m’a bouleversé. Qu’elle est frustrante l’impression que j’ai de ne pas rendre les honneurs que mérite ce formidable texte !

Si comme le dit Hectorine : « nos émotions nous rappellent que nous sommes vivants », alors je vous assure que l’on ressort de ce roman plein de vie et prêt à la croquer à pleines dents. Un énorme coup de cœur !
Jetez-vous à corps perdu dans cet extraordinaire roman vous ne le regretterez pas.

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