L'hiver du mécontentement
Thomas-B Reverdy

Flammarion
août 2018
224 p.  18 €
ebook avec DRM 6,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

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Prise de pouvoir

« L’hiver du mécontentement » : voici comment « The Sun », l’un des quotidiens les plus vendus au Royaume-Uni, qualifiait l’hiver 1978-1979, qui voit l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher sur fond de grèves et de paralysie du pays. L’expression est empruntée à la tragédie « Richard III », dont c’est le premier vers. Dans ce roman brillant et fluide, Thomas B. Reverdy situe son action dans Londres au tournant d’une époque en mutation.

Du théâtre à la rue

Candice a vingt ans, l’âge de tous les possibles. Pour payer ses cours d’art dramatique, elle travaille comme coursière à vélo. Elle fait partie d’une compagnie théâtrale exclusivement composée de femmes, qui monte « Richard III » de Shakespeare, où Candice joue le rôle-titre. Dans son journal, la jeune femme note aussi bien des réflexions sur la pièce que ses observations sur la ville en cette saison 1978-1979. Inflation, chômage, pauvreté, pénuries, le Parti travailliste est incapable de lutter contre ces fléaux, et les travailleurs du privé et du public se rejoignent dans un mouvement de grève générale sans précédent qui paralyse le pays tout entier : ouvriers, dockers, transporteurs, éboueurs et même fossoyeurs cessent le travail, pendant que Margaret Thatcher, qui mise sur le chaos ambiant et une communication moderne, accède au pouvoir en même temps que le Parti conservateur.

Résonances

Avec intelligence, l’auteur met en parallèle la scène londonienne et son désordre économique et social, terreau du libéralisme débridé, et la scène shakespearienne où se joue l’ascension du tyran. Juchée sur son vélo, Candice saisit l’air du temps, lisible en une des journaux et sur les affiches, assiste aux dégradations de la cité, attrapant au vol les regards et les paroles des Londoniens qui témoignent du climat de mécontentement. « Richard III » colle à cette époque comme une métaphore de la prise du pouvoir par la dame de fer : si la politique est un art, l’art est aussi politique, traversant les siècles pour aiguiser notre conscience critique.

 

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