La femme révélée
Gaëlle Nohant

Grasset
janvier 2020
382 p.  22 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une liberté chèrement acquise

La sécurité n’est jamais une très bonne motivation pour se marier. Et renoncer à ce que l’on est, ce que l’on croit, semble un très mauvais départ pour une histoire d’amour. Eliza qui a cédé aux avances d’Adam Donnelley, puis l’a épousé, va peu à peu découvrir son véritable visage, celui d’un marchand de sommeil prêt à tout pour s’enrichir un peu plus et ne supportant pas les états d’âme de sa femme, ni ses scrupules. Au point qu’Eliza décide de mettre un continent entre elle et son mari, qu’elle soupçonne de vouloir la tuer, quitte Chicago pour Paris, et laisse son fils, Martin, certaine de le retrouver dans quelques mois. Elle ignore que les mois vont se transformer en années, car il lui est impossible de rentrer chez elle sous peine des représailles. Elle décide alors de se plonger dans la vie parisienne. De son hobby, la photo, elle fait son métier sous un nouveau nom, Violet Lee. Avec toujours au bout de son objectif, l’idée de rentrer pour Martin. Comme elle l’avait fait dans « La Part des flammes » où un drame permettait à ses héroïnes de s’émanciper, Gaëlle Nohant raconte la prise de liberté d’une femme, que la naissance, l’époque et la condition sociale ne préparaient pas à l’indépendance. C’est une véritable saga qu’elle nous offre, un page turner qui nous emporte dans ces époques si riches en événements : l’après-guerre à Paris, puis la fin des années soixante aux Etats-Unis avec deux meurtres, ceux de Martin Luther King et Robert Kennedy, qui arrêteront la jeunesse dans son élan. Et cela, pour longtemps.

 

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Bernard Lehut (RTL) a aimé le livre de Gaëlle Nohant et il nous dit pourquoi ici

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 Les internautes l'ont lu

Un beau portrait de femme.

Deux identités, deux vies, deux continents, ainsi pourrait se résumer la vie de « La femme révélée »
Lorsque nous faisons sa connaissance, c’est à Paris que Violet essaie de se reconstruire, après avoir mis quelques milliers de kilomètres entre elle et celle qu’elle était avant.

Installée dans un hôtel de passe, on comprend rapidement qu’elle a peur et tente de passer inaperçu.
A cours d’argent, après le vol des bijoux qu’elle comptait vendre, elle doit gagner sa vie et trouve une place dans une famille bourgeoise, pour s’occuper des enfants.
Ses nombreuses déambulations dans la Ville Lumière vont lui permettre d’assouvir sa passion pour la photographie. Munie de son Rolleiflex qui ne la quitte jamais, elle observe et fixe sur la pellicule des visages, des sourires, des rides, des instantanés de vie comme autant de rencontres qui l’ont bouleversée l’espace d’un instant.

Qui où quoi fuit-elle ? Pourquoi a-t-elle quitté « Son rêve américain fortuné » est la question que nous nous posons dans la première partie du roman, jalonnée de belles rencontres, de belles amitiés.
Les personnages secondaires sont intéressants, parfaitement décrits. On comprend que Violet ne veut pas les blesser en gardant le flou sur les fantômes qui la hantent.
Rosa, la prostituée est une figure majeure du récit.

L’écriture de Gaëlle Nohant est parfaite et rend tout à fait l’angoisse, mais aussi l’espoir qui habitent son héroïne.

La seconde partie du livre est le retour aux sources, une sorte de voyage à l’envers vers Chicago, ville où tout paraissait possible.
Elle se replonge dans le ghetto où son père, médecin engagé dans la défense des noirs l’emmenait régulièrement.
« Mon père estimait que je grandirais mieux s’il me montrait le monde tel qu’il était ».
La violence la rattrape pendant les émeutes qui secouent la ville, elle arpente inlassablement les scènes d’émeutes, toujours munie de son appareil photo pour témoigner et laisser une trace tangible.

Par son écriture subtile et romanesque, Gaëlle Nohant a l’art de nous entraîner dans la psychologie et les pensées intimes de ses personnages, nous faisant partager les émotions qui les assaillent. L’écrivaine restitue aussi à merveille l’ambiance du Paris des années 50 avec ses clubs de jazz où elle aime traîner jusqu’au bout de la nuit.

A Chicago, c’est une partie de l’histoire de la ville et du racisme qui nous est décrite, du crash de Wall Street jusqu’en 1968 avec l’attentat de Martin Luther King.

En mêlant la petite histoire à la grande, l’auteure nous offre une belle fresque romanesque et historiques foisonnante et réaliste, ancré dans l’histoire et la société, porté par une plume poétique, visuelle et une héroïne mystérieuse qui peu à peu va se révéler.
Une magnifique lecture.

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