La Petite Dame en son jardin de Bruges
Charles Bertin

Actes Sud
babel
juin 1999
144 p.
 
 
 
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nuit blanche

Le plus bel hommage à une grand-mère

Charles Bertin nous fait part dans ce court récit de ses souvenirs d’enfance et plus particulièrement des étés passés auprès de sa grand-mère née en 1870. Thérèse-Augustine, c’est le prénom de sa grand-mère, lui apparaît en rêve plus de cinquante ans après sa mort. Un rêve qui l’entraîne vers Bruges, dans la maison où elle vivait. Une maison où il passait ses étés comme une récompense lors de son enfance. Une grand-mère emplie d’amour, au caractère bien trempé, emplie d’audace à l’époque et qui avait conquit sa liberté en quittant la ferme de ses parents. Les chemins de fer l’avaient fait voyager aux quatre coins de la Belgique pour se poser enfin à Bruges. Sacrifiée pour ses frères, elle n’avait pas eu l’éducation qu’elle aurait aimé avoir et avec son petit-fils avait goûté aux plaisirs de la lecture lui ouvrant l’imaginaire et lui permettant de s’évader. Avec Charles, ils avaient découvert cette merveilleuse Bruges décrite de manière magnifique. Avec beaucoup de tendresse, de nostalgie, d’émotion et d’amour, Charles égrène ses souvenirs d’enfance avec pudeur et retenue. Les lectures partagées, la découverte de la magnifique petite Venise du Nord, l’escapade aventureuse au grenier, l’escapade en vélo à la mer et la recherche du rayon vert décrit par Jules Verne. C’est court, sincère, nostalgique, délicat. Je pense le plus beau témoignage d’amour jamais rédigé pour une grand-mère. C’est avec de la buée dans les yeux que j’ai refermé cette narration, ce petit bijou de la littérature de Belgique. Est-ce le côté narratif très beau, très juste je l’ignore mais il m’a manqué un petit quelque chose en plaisir de lecture pour que ce soit un coup de coeur. C’est cependant une magnifique lecture que je vous conseille. Ma note : 9.5/10 Les jolies phrases Ce que je n’ose pas lui avouer, c’est que je n’avais jamais imaginé que ma grand-mère pût avoir un prénom. En fait, c’est très exactement la tâche qui l’occupait : débrouiller cet écheveau de rêves, de désirs, de bonheurs et d’épreuves où s’étaient emmêlées sa vie et celle de ses proches, retrouver le fil presque indiscernable unissant la petite fille d’un autre siècle à cet enfant d’aujourd’hui qui écoutait avec beaucoup de gravité les discours de sa grand-mère au seuil de la soirée d’été. J’étais, sans rival et sans partage, le prince de mes plaisirs, et chaque lecture nouvelle m’offrait l’occasion de me tailler un royaume de plus dans l’imaginaire. Le baiser que ma grand-mère me donnait au seuil de la nuit était un rite de bonheur auquel je n’aurais renoncé pour rien au monde. Chaque lecture lui ouvrait les portes d’un « ailleurs » fabuleux, étranger aux mesquineries de la vie quotidienne, où tout était signe et couleur, innocence et plaisir. Le temps glisse sur ces bonheurs : il ne les altère pas. Maintenant que j’atteins au dernier décan de ma vie, c’est toujours la mémoire de cet instant de grâce que je retrouve avant toute autre lorsque j’interroge mon amour de la mer. J’atteste que cette connivence était réelle. J’atteste qu’à l’âge où je commençais à épeler la vie, une élection fabuleuse, qui dut l’essentiel de son pouvoir au génie de ma grand-mère, a transformé cette demeure en un théâtre de bonheur et de songe. Elle mettait une sorte de coquetterie désespérée à se comporter comme si rien n’allait changer dans notre vie. Mais je l’aimais assez pour savoir que cet adieu à sa maison et à nos vacances en commun équivalait pour elle à la fin de toutes choses.

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