La révolution française
Louis-Henri de La Rochefoucault

Gallimard
L'infini
février 2013
185 p.
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Pour un nouveau rupificaldisme

Comment peut-on être un La Rochefoucauld ? Une question devenue épineuse depuis le 14 juillet 1789, et même bien avant cette date, comme l’illustre avec beaucoup d’humour l’un des membres de cette famille intimement liée à l’histoire de France.  Quand les élèves de France et de Navarre révisaient impassiblement leurs dates pour l’interro du lendemain, le jeune Louis-Henri se découvrait quant à lui une ascendance bien plus brimée que ne le laissaient supposer son rang et son rôle au fil des siècles. N’est-ce pas un La Rochefoucauld qui fut chargé d’annoncer à Louis XVI la prise de la Bastille? Qui fut ridiculisé par Saint-Simon dans ses « Mémoires »? Qui s’exclamait le soir de la Saint-Barthélémy, pensant être la victime d’une boutade de son pote Charles IX, “Ne frappez pas trop fort!” ?  Pire : au lieu d’avoir tiré des leçons de ces fiascos successifs, la famille semble s’être murée dans un immobilisme confinant au manque total de clairvoyance, un état de fait déploré par l’auteur qui lance cet appel : “Je crois qu’il est temps pour notre vieux peuple de sortir de l’orthodoxie patricienne, qu’il relise sa longue histoire avec un regard neuf et que nous nous défassions du rupificaldisme* à l’ancienne pour réinventer un rupificaldisme sur la brèche, moderne et rigolard, avant-gardiste et néo-aristocratique ! “ L’autodérision en guise de remède à la particule. C’est plutôt finaud, Louis-Henri, mais cela ne semble pas beaucoup plaire aux protagonistes concernés, qui crient au sacrilège et menacent de vous déshériter. Marianne n’est décidément pas prête à vous accueillir dans son lit.

La lecture de « La Révolution française » peut réserver un certain nombre de malentendus. D’aucuns l’auront taxé de nonchalance, d’inutilité ; c’est négliger les deuxième et troisième parties de ce triptyque. Car derrière ce qui s’apparente à des jérémiades sans fin, mâtinées de digressions et de traits d’humour rupificaldien, pénibles à la longue, se dissimule un aveu réel d’incommunicabilité et d’inadéquation au monde, dont le « Feu follet » de Drieu la Rochelle constitue le témoignage le plus remarquable. Au fil des pages, le travail de l’autobiographie fait son oeuvre : l’auteur cesse de se réfugier derrière les pitreries et les anecdotes, le récit prend alors une autre dimension, plus émouvante, et révèle de furtifs instants de grâce, comme ce paragraphe consacré à l’ambiance des rallyes. Au contraire d’Alain Leroy, Louis-Henri de la Rochefoucauld trouve ainsi sa rédemption dans la littérature et ne s’en cache pas, au grand dam de ses parents qui voient d’un mauvais œil ce « Roman des Jardin » à la sauce aristo. Ne les écoutez pas, cher Louis-Henri : écrivez.

* Comme chacun le sait (!), rupificaldisme vient de rupificaldien, ce qui va de soi… Les Rupificaldiens sont les habitants du village charentais de La Rochefoucauld.

 

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