La Vraie Vie
Adeline Dieudonné

L'Iconoclaste
août 2018
265 p.  17 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
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coup de coeur

L’horreur ordinaire dans un quartier pavillonnaire

« A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres ». Plus loin, j’apprends qu’il s’agit d’animaux empaillés tués par le père chasseur. Et puis, il y a la hyène qui effraie la petite fille de dix ans.
La famille vit dans un quartier pavillonnaire à l’écart de la ville. Le père bosse dans une usine et passe son temps libre à picoler, taper sur sa femme et chasser et semble y trouver du plaisir, un vrai prédateur dans tous les sens du terme. « Ma mère se retrouvait toujours par terre, immobile. Elle ressemblait à une taie d’oreiller vide. Après ça, on savait qu’on avait quelques semaines de calme devant nous. » La mère est un ectoplasme, transparente, soumise qui ne dialogue qu’avec ses chèvres. Le petit frère, Gilles, est pour l’instant, un enfant gai. Le frère et la sœur s’amusent dans les carcasses de voitures de la casse d’à côté. Tiens, ils écoutent la petite musique qu’ils attendent avec impatience, celle du glacier. Tout un rituel rythme l’achat des glaces et, surtout, LA chantilly que le père ne veut pas, trop cher et que le vieil homme dépose, grâce à un siphon sur le sommet des boules de glace « Avec de la chantilly, mademoiselle ! Mais certainement… »… Un pur instant de bonheur. C’est justement par cet instant de plaisir que le malheur arrive. Le siphon éclate tuant le glacier devant les deux enfants pétrifiés. « Puis j’ai vu le visage du vieux monsieur gentil. Le siphon était rentré dedans, comme une voiture dans la façade d’une maison. Il en manquait la moitié. »
« Gilles ne bougeait plus. Ses grands yeux écarquillés, sa petite bouche ouverte, sa main crispée sur son cornet de glace vanille-fraise/ »
A partir de cet instant, Gilles ne sourie plus, ne parle plus, passe son temps auprès de la hyène. Il paraît être sous l’emprise totale du père.
La narratrice voudrait tant effacer, revenir une journée en arrière, revenir comme avant. Alors, pour sortir son frère de la hyène, elle se lance dans une guerre contre elle, contre son père. Une guerre à la fois frontale et larvée.
Pendant cinq ans, elle ne baisse pas la garde à la maison, se forge son monde à l’extérieur en décidant d’être la première à l’école, d’apprendre encore et toujours pour se rapprocher de son modèle Marie Curie.
« Le jour finissait et mon histoire commençait ». Enfin elle peut se projeter, le sourire de son frère est revenu parce que….
Adeline Dieudonné d’une écriture vive, tendre, ironique, acide, dépeint une famille dysfonctionnelle. La narratrice oscille entre la tendresse poétique de l’enfance et la brutalité paternelle, l’amour et la haine, le plaisir et la peur. Drame social au vitriol, prenant.
Coup de cœur pour ce premier roman multi récompensé.
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nuit blanche

Epideo

Dans ce coup d’essai-coup de maître, on pourrait dire que la gamine dont il est question, celle qui nous raconte sa sortie de l’enfance, gamine dont on ne connaît pas le prénom je crois, cette gamine se construit sur un oedipe inversé, un « epideo » donc à cause de son père repoussoir, incapable de lui donner autre chose que la colère par laquelle il s’est laissé dominer. Mais de cet epideo, elle réussit à fabriquer de l’amour pour son petit frère Gilles, qu’elle aime « d’une tendresse de mère,… la forme d’amour la plus pure qui puisse exister. Un amour qui n’attend rien en retour. Un amour indestructible. »
Menacé par un drame fortuit, l’amour se meurt dans le coeur du petit Gilles, en grand danger d’être cramé par la haine qui irradie de leur père fouettard. Ce qu’il en reste s’étiole au fil d’un récit haletant, truffé d’images et de métaphores qui font mouche. J’ai pensé à Stephen King souvent, version féminine. Saura-t-elle le raviver, cet amour, souffler sur les dernières braises avant qu’il ne soit trop tard? A vous de voir…
Adeline Dieudonné n’a pas oublié son enfance, elle nous hurle sa révolte contre les violences familiales avec une efficacité maximale. Impossible de lâcher l’affaire. On plonge dans l’urgence de la première à la dernière page, subjugué par l’amour et la détermination d’une surdouée au coeur gros comme ça. Magistral.

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coup de coeur nuit blanche

Survivre

A moitié réveillé ou à moitié endormi, il est certain que commencer la lecture de ce roman vous remet sur pied illico !
Partout il y a des quartiers pavillonnaires calmes d’apparence, partout il y a des familles sans ombres apparentes , et peut -être aussi que bien souvent il y a des petites filles qui veulent sauver leur petit frère tourmenté par la vision réelle d’un accident spectaculaire.
C’est seule que cette petite fille va délaisser à grands pas son innocence d’enfant,entourée d’un père tyran domestique et chasseur sans âme, ainsi que d’une mère éteinte et paralysée par la peur que lui inspire son mari.
Sauver son petit frère de ses mauvais démons et devenir une Marie Curie ; la soif d’apprendre la sauvera d’un grand désastre.
Adeline Dieudonné(Prix FNAC 2018) a la faculté certaine de transmettre au lecteur toute la violence qu’elle réserve à ce roman, sa lecture en fera une nuit blanche ou une journée noire. Du grand art, pourvu que ça dure !

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