Laisse tomber les filles
Gérard de Cortanze

Albin Michel
janvier 2018
437 p.  22,50 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Nostalgie au temps des yéyés

Le titre, je le fredonne encore, ainsi que d’autres chansons des années yé-yé.

La maison d’éditions a eu la géniale idée d’accompagner le roman d’une play-list et d’une compil de 3 cd et 98 titres pour revivre pleinement l’époque en musique et chansons.

Le livre débute le 22 juin 1963. On y découvre nos quatre protagonistes adolescents , tous présents à la nation pour le concert organisé par SLC Salut les copains. Les idoles des jeunes sont au rendez-vous : Danyel Gérard, les Chats sauvages, Richard Anthony, Dick Rivers, Les chaussettes noires, Sylvie et Johnny… toute une génération, actualité oblige qui malheureusement nous quitte peu à peu.

Le concert sera interrompu par l’arrivée de blousons noirs.

Le ton est donné, Gérard de Cortanze nous propose ici une fresque mettant en scène l’évolution de notre société de 1963 à 2015.

Quatre adolescents, issus de milieu différents:

– François : fils de cadre, blouson noir à la recherche d’artifices, drogues pour s’évader et trouver sa voie.

– Lorenzo, fils de commerçant, plus cérébral, il est fou de cinéma et de littérature, il écrira le livre de sa vie

– Antoine, fils d’ouvrier qui aura sa revanche avec l’accès aux études, il est passionné de politique

– Michèle, issue de la bourgeoisie , féministe , en quête d’émancipation et de liberté.

Quatre ados qui deviendront les quatre mousquetaires, les amis inséparables durant leur adolescence. Leur rencontre sera le fil rouge de ce roman. Avec eux, nous allons parcourir cinquante années d’histoire.

Adolescence, c’est en 1963 que naît ce terme. Nos amis ont quinze ans, tout est permis ou presque.
C’est la première génération à réellement s’opposer à l’autorité des parents, La génération des baby-boomers en quête de liberté, de changement.

Ils ont connu mai 68, l’accès aux études, l’assassinat de JFK, l’arrivée de la contraception, de la libération sexuelle, de l’avortement, les yé-yés, les beatniks, la guerre du Vietnam, love & peace, les drogues, les communautés…. C’est cette longue première partie que j’ai préféré apprenant un maximum de choses sur les années de ma petite enfance. C’est super bien documenté.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là, le lien est l’amour porté pour les trois garçons à Michèle dont ils sont tous éperdument amoureux, on suivra leurs retrouvailles au fil du temps, continuera à parcourir les années Mitterrand, la Perestroïka ( Gorbatchev), la chute du mur de Berlin jusqu’à nos jours et les attentats de Charlie Hebdo.

Un livre bien documenté, roman choral aux couleurs musicales. C’est une génération, celle des baby-boomers qui nous est présentée avec nostalgie et qui semble désenchantée.

J’ai moins apprécié la seconde partie mais j’ai malgré tout passé un excellent moment. Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour cette découverte.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Une génération, la première, à n’avoir jamais eu à craindre sérieusement la mort. Pas de famine. Pas d’épidémie. Pas de guerre.

On se voit quand on veut se voir. Le hasard plie les feuilles du temps qui passe à sa guise;

Lorenzo sait bien qu’il a un rapport étrange à la lecture. Qu’on lui reproche – son père, sa mère – d’avoir toujours « le nez dans ses bouquins ». Mais pour lui les livres sont comme des amis dont il sait qu’ils ne le tromperont jamais. Qui le sauvent de la solitude. Qui agrandissent son âme.

Il y a des musiques, des chansons qui nous touchent au plus profond et celles qui nous permettent de dire : Voilà, on appartient à cette génération. Le twist, le madison font partie de cette deuxième catégorie.

Tous ces gens n’ont rien compris. C’est la jeunesse de la France qui a voulu bouger, l’enjeu n’étant pas le capital mais le pouvoir de décision. Les adultes n’ont pas su sortir de leur monde, comme d’habitude. Mai, c’est la crise d’une génération qui n’a pas trouvé une vision du monde qui lui apporte une raison de vivre.

Voilà une génération sans espoir, qui se sent impuissante à refaire le monde, s’y résigne, et se consacre à la recherche égoïste du bonheur quotidien. « L’avenir, pour moi, a déclaré un élève de terminale, c’est de vivre heureux dans une société qui vous offre toutes les chances de ne pas l’être. »

J’ai longtemps pensé que la vie était une ronde. Que les gens se croisent et se recroisent en vertu d’un plan secret qui nous échappe. Que parfois ils se frôlent, sont à quelques mètres l’un de l’autre et ne s’en apercevant pas repartent chacun de son côté.

retrouvez Nathalie sur son blog 

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coup de coeur

LAISSE TOMBER LES FILLES

Un livre à peine acheté aussitôt lu en une journée et une soirée.

Petite devinette : Si je vous fredonne quelques mots de la chanson suivante, écrite par Serge Gainsbourg et chantée par France Gall :
« Laisse tomber les filles
Laisse tomber les filles
Un jour c’est toi qu’on laissera.
Laisse tomber les filles
Laisse tomber les filles
Un jour c’est toi qui pleureras. »

Si je vous donne une petite liste de quelques chanteurs comme : Jérôme, Claude François, Dalida, Dani,  Danny Boy et ses Pénitents, Danyel Gérard, Dick Rivers, Mike Shannon, Les Chats Sauvages, Eddy Mitchell, Les Chaussettes Noires, Frank Alamo, Françoise Hardy, Frankie Jordan, Gillian Hills, Claude François, Sylvie Vartan, Johnny Hallyday, Richard Anthony, Nino Ferrer, Salvatore Adamo, Jacques Dutronc, Christophe, Sheila, Elvis Presley, Antoine … j’arrête là car, d’abord la liste serait beaucoup trop longue et ensuite, cela vous lasserait et vous allez crier : « Au secours. » . Tous les chanteurs de l’époque sont évoqués et ils sont nombreux. Ce fut un éclatement total pour la jeunesse de ce temps-là. On a même dit d’eux que : « Les enfants du siècle sont tous un peu fous, vilaines filles, mauvais garçons ».

Mais vous avez compris où je voulais en venir : Nous voici en pleine période « yéyé » avec un style de musique pop, arrivé en France, au début des années 1960 avec le twist et se terminant aux alentours du printemps 1966.
En effet, le livre de Gérard de Cortanze, « Laisse tomber les filles » nous plonge entièrement dans cette période « yéyé » qui signifiait : « nous sommes jeunes ».
Le livre débute en 1963 et la dernière partie est datée de 1989-1998 mais on va y retrouver des événements de 2015.
C’est un livre qui m’a entièrement époustouflée. Il nous décrit avec une foule de détails, les sixties, le temps du twist, du mashed potatoes, du rock’n roll, du madison…
Cette période a fortement marqué les esprits comme elle a marqué le mien. Je me souviens avoir entendu chez moi, à longueur de journée, toutes ces chansons, je vivais avec leurs sons aussi bien à la radio que sur des disques vinyle. Je me souviens avoir été prise par ce phénomène où la musique permettait de découvrir une foule de chanteurs.
Le livre commence avec Lorenzo et des copains qui vont se rendre Place de la Nation, assister à un concert donné à l’occasion du premier anniversaire de « Salut les copains ». Au lieu de quelques milliers de personnes attendues, il y eut plusieurs centaines de milliers de jeunes. La police fut appelée en renfort pour canaliser cette foule et comme quelques dégâts furent causés, la Presse titrera le lendemain : « Salut les voyous ! ».
Chaque chapitre évoque les soucis, les joies, les peines, le mal de vivre de ces adolescents pour qui la majorité était fixée à 21 ans et qui connaît un conflit de générations dans une France dirigée par De Gaulle.
Si François est un rockeur inconditionnel mais a le cœur tendre (on pourrait le surnommer « le rock-cœur »), ses autres copains sont différents : Antoine a Jean Ferrat pour principale idole (et comme chanson « Nuit et Brouillard » ainsi que le film du même nom) – Lorenzo est un intellectuel et fou de cinéma – reste une fille, Michèle dont ils sont tous amoureux et qu’ils connaissent chacun sous un prénom différent selon le garçon qu’elle rencontre : Diana, Winnie ou Michèle.
Cet ouvrage m’a littéralement emportée dans un tourbillon de genres musicaux, d’artistes, de danses…. Il est étonnant de voir l’immense documentation de l’écrivain et dans ses « Remerciements », il cite une longue liste »d’auteurs qui ont nourri son travail ».
De plus, il ne s’agit pas seulement de musiques mais aussi de faits marquants, par exemple la sexualité, sujet tabou avec les adultes.
Un chanteur, Antoine, adopte des attitudes provocatrices avec « Élucubrations » dont les paroles choquent car il propose tout simplement de mettre, en vente libre, la pilule dans les Monoprix et d’enfermer Johnny Hallyday dans une cage au cirque Médrano. De là va naître un véritable clash entre ces deux artistes et Johnny répond avec la chanson « Cheveux longs, idées courtes ».
C’est en 1965, avec Hugues Auffray et sa chanson « Les temps changent » (reprise d’une chanson de Bob Dylan) que des bouleversements vont arriver.
Ce sont ces jeunes qui, quelques années plus tard, vont se retrouver sur les barricades du fameux mai 1968.
Mais on assiste également à des faits historiques comme l’assassinat de Kennedy, « I have a dream » de Martin Luther King, la chute du Mur de Berlin… à des événements politiques comme la perestroïka en URSS (mais là encore impossible de tout évoquer puisqu’il ne s’agit pas de raconter TOUT le livre mais seulement quelques faits difficiles à choisir), et on arrive au 11 janvier 2015 avec « la marche républicaine ».
On peut toutefois signaler qu’on y évoque l’attentat de Charlie Hebdo pour lequel je me souviens avoir manifesté en portant une pancarte «Je suis Charlie » alors que nous défilions dans une grande partie de la ville en tapant dans les mains et en criant « Merci Charlie » – « Bravo Charlie ». C’était tellement émouvant que je me souviens y avoir pleuré avec les autres milliers de manifestants et bien encadrés par des motards de la police.
Mais je m’aperçois que si je m’écoutais, je n’arrêterais pas d’écrire. C’est fou ce que ce livre m’a inspirée. Je n’aurais pas imaginé qu’il me toucherait à ce point ; j’ai vraiment été secouée car il a fait remonter des souvenirs que je croyais enfouis et que les 440 pages (de ma version) ont fait resurgir.
Gérard De Cortanze que je n’avais pas encore lu malgré le succès de « Zazous » (qui a obtenu le Prix Renaudot en 2012) a vraiment su écrire un magnifique livre sur ces cinquante ans d’Histoire d’une France qui a ensuite, connu de grands changements.
Alors bravo aux « soixante-huitards » qui n’ont jamais voulu se résigner afin de tenter de rendre leur monde meilleur.
Je reste encore dans l’atmosphère de toutes ces chansons qui n’arrivent pas à quitter mon esprit. Pourtant, il va bien falloir que je redescende de ce petit nuage et revenir au monde présent….

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