Le monde n'existe pas
Fabrice Humbert

Gallimard
janvier 2020
246 p.  19 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Vertigineuse hypothèse

Qui est Ethan Shaw ? Un visage surgi du passé pour Adam Vollmann, journaliste au « New Yorker », quand l’image de l’ennemi public numéro un, accusé du viol et du meurtre de Clara Montes une jeune fille de 16 ans, s’affiche sur les écrans démultipliés de Times Square. Le reporter ne croit pas une seconde à la culpabilité du jeune homme flamboyant qui l’avait subjugué au lycée. Dissimulé par son pseudonyme, il revient enquêter dans la ville étriquée de sa jeunesse, afin d’innocenter celui qui jadis brillant sportif, adulé de tous, avait porté son regard sur lui, le lecteur de Tolstoï, mal dans sa peau et moqué par ses camarades. Il se remémore les troubles et les superlatifs propres à l’adolescence, tandis qu’un flot d’images, répétées en boucle, alimente la mécanique de l’information. Tout accuse un coupable idéal, jeté à la vindicte populaire, dans cette histoire, prétexte à interroger le monde, le pouvoir et les médias.

La complémentarité des écrans, télévision, mobile, ordinateur, contribue à l’enchevêtrement de séquences qui orchestrent le récit du réel. De faux comptes d’influenceurs fictifs ajoutent à la confusion en déversant leurs messages sur le net. Adam Vollmann, lui-même, use d’artifices numériques pour mener son enquête. Son téléphone constitue à la fois sa principale ressource grâce à ses « univers encastrés », mais aussi la menace de toutes les intrusions imaginables. Il compile des enregistrements de témoins qui ne le reconnaissent pas et évoquent un passé différent de celui gravé dans ses souvenirs. Il mène ce travail d’introspection jusqu’à la nausée, jusqu’à ce que la réalité vacille. La vie d’Ethan Shaw et de sa (trop) classieuse épouse Sarah transpire la vacuité. Et ce meurtre, qui s’inscrit dans une atmosphère de tueries et de violence dans tous les états du pays, a-t-il vraiment eu lieu ? Le roman de Fabrice Humbert bouscule certaines pratiques journalistiques et dissèque l’écriture romanesque. Il fourmille de pépites et de références, de Kafka à Hitchcock. Cette éblouissante mise en abîme observe le réel à la loupe jusqu’au vertige.

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coup de coeur

« Le monde n’existe pas » de Fabrice Humbert
est le coup de coeur de l’arbre à papillons à Phalsbourg
dans le q u o i  l i r e ? #98

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