Le mystère Henri Pick
David Foenkinos

Gallimard
blanche
avril 2016
288 p.  20,50 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

« Ne nous prenons pas au sérieux, il n’y aura aucun survivant »..

David Foenkinos a fait sienne cette maxime d’Alphonse Allais.Amelie Cordonnier a tout dit, ce livre est un régal, plein de justesse et d’intelligence et diablement drôle!
Merci Monsieur Foenkinos!

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David Foenkinos s’amuse !

Si l’on se fie au plaisir qu’il nous a procuré, le nouveau roman de David Foenkinos devrait remporter un franc succès. Ce qui ne manquera pas d’ironie puisque c’est précisément l’histoire d’un manuscrit refusé que raconte « Le mystère Henri Pick ».

L’histoire commence assez étrangement. Jean-Pierre Gourvec, installé à Crozon, dans le Finistère, fonde la « bibliothèque des livres refusés » en s’inspirant de celle imaginée par l’écrivain américain Richard Brautigan dans son roman « L’Avortement ». Ce lieu accepte tous les livres recalés par les éditeurs, à la seule condition que chaque auteur vienne en personne déposer son manuscrit. Ce qui présente l’inconvénient de l’obliger à se déplacer mais lui offre la possibilité de choisir à côté de quel confrère maudit l’installer.

Pour l’aider dans ce projet fou, Gourvec embauche une assistante, Magali Croze, qui accepte de devenir « la mère Teresa des écrivains ratés ». Lorsque Jean-Pierre Gourvec tombe malade et décède, dix ans plus tard, elle lui fait la promesse de conserver les ouvrages acquis, mais manque de temps pour faire fructifier son projet, si bien que la bibliothèque des livres refusés tombe dans l’oubli. Jusqu’au jour où s’y rend Delphine Despero, éditrice chez Grasset, où elle s’est fait une place d’importance en publiant le premier livre de Laurent Binet « HHhH », prix Goncourt du premier roman.

Delphine partage la vie de Frédéric Koskas, un écrivain sans succès, auteur de « La Baignoire ». C’est en rendant visite aux parents de Delphine, installés en Bretagne, que les amoureux découvrent avec enthousiasme la bibliothèque des livres refusés et mettent la main sur « Les dernières heures d’une histoire d’amour ». Ce manuscrit, qui narre la fin d’une passion, avec en toile de fond l’agonie du poète russe Pouchkine, les enchante. Il est signé par un certain Henri Pick, sur les traces duquel ils décident de se lancer. Quand elle apprend qu’il s’agit du propriétaire de la pizzeria locale, mort depuis deux ans, Delphine flaire le succès et tente de convaincre sa veuve de le publier. Le hic, c’est que Madeleine Pick et sa fille Joséphine n’ont jamais vu leur mari et père ni lire, ni écrire. Loin de décourager Delphine, l’ épais mystère qui entoure l’écriture de ce roman renforce sa détermination. Comme le pressentait cet as du marketing, le succès est au rendez-vous avec des centaines de milliers d’exemplaire vendus. Qu’importe si l’histoire de la découverte du roman passionne plus les lecteurs que son intrigue ! Henri Pick et son livre deviennent un véritable phénomène de librairie et même de société… Mais l’affaire se complique quand le journaliste Jean-Michel Rouche acquiert la conviction que le défunt n’en est pas l’auteur et entreprend de le prouver.

Il fallait beaucoup espièglerie pour imaginer cette facétie. On savait depuis longtemps que l’auteur de Charlotte n’en manque pas. Il dépeint avec malice les dessous du petit monde germanopratin de l’édition. C’est chez Grasset et non Gallimard, son propre éditeur, que David Foenkinos fait publier le manuscrit refusé d’Henri Pick. On imagine qu’il s’est beaucoup amusé à inventer pareille histoire et à introduire au cœur de la fiction des personnages réels qu’il côtoie dans sa vraie vie d’écrivain. On y croise Jack Lang, que le succès du roman d’Henri Pick incite à créer « la journée des auteurs non publiés », mais aussi Richard Ducousset, le patron d’Albin Michel, Olivier Nora, celui des éditions Grasset et toute une pléiade de journalistes littéraires. Parmi eux : Bernard Lehut de RTL et François Busnel de l’émission « La Grande librairie » qui l’ont d’ailleurs tous deux reçu dès la sortie de « Le mystère Henri Pick. » Mais celui à qui Foenkinos offre le plus joli rôle c’est Jean-Michel Rouche du Figaro. Vous l’aurez compris, l’auteur nous balade au sens propre comme au figuré. Pour notre plus grand plaisir, d’ailleurs. Quelle ne fut pas ma surprise, en découvrant que le roman « La Baignoire » du personnage Frédéric Koskas, existe vraiment ! C’est sous ce titre que vient d’être édité chez Serge Safran le dernier livre du coréen Lee Seung-Su, révélé en France il y a dix ans avec « La vie rêvée des plantes ». Reste à savoir si David Foenkinos était au courant de cette publication ou si le réel l’a rattrapé. Une chose est sûre : il s’amuse et nous aussi. Il a mis dans cette histoire beaucoup d’humour et de notes de bas de page. Elles sont aussi nombreuses que truculentes. Et je ne serais pas étonnée que la prochaine fois, il nous réserve un autre de ces tours dont il a le secret. Pourquoi pas un roman composé exclusivement de notes ?

Lire notre interview « Quel Lecteur êtes-vous David Foenkinos ? »

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