Le répondeur
Luc Blanvillain

Quidam
janvier 2020
253 p.  20 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
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L’auteur et son double

Voici un excellent roman, une comédie intelligente et bien menée qui se dévore d’une traite. Un romancier célèbre du nom de Pierre Chozène (on reconnaîtra l’anagramme d’Echenoz, un clin d’œil admiratif) vient trouver Baptiste, imitateur en manque de succès. Ne supportant plus d’être dérangé en pleine création par le téléphone au bout duquel le sollicitent son éditeur, ses amis, sa fille ou son ex-femme, l’auteur propose au comédien de prendre sa place en devenant son double téléphonique, bref d’endosser son « moi social » le temps d’achever son prochain roman. Après quelques hésitations, Baptiste accepte et s’en sort plutôt bien : aucun des interlocuteurs de Chozène ne se doute de la supercherie. Peu à peu il prend même de l’assurance et quelques libertés, au point de broder, d’inventer et d’orienter le cours de l’existence de son employeur, personnage de son petit roman à lui.

Bien sûr, le téléphone est source de dialogues absurdes et de quiproquos, et le comique de situation fonctionne à plein. Mais le jeu s’avère dangereux, les enjeux plus personnels et dramatiques, sans compter que la schizophrénie menace l’imitateur. Ici réside la réussite du roman qui ne s’en tient pas à la légèreté du marivaudage ni à la surface des choses. En visant les travers du petit milieu germanopratin que Baptiste rêve de côtoyer, on glisse dans la satire à bon escient, sans jamais tomber dans l’outrance caricaturale ni le snobisme. Par ailleurs, le roman parle avec vérité et pudeur des relations familiales et amoureuses, et de la difficulté réelle à communiquer. Enfin, les mises en abyme vertigineuses délivrent une réflexion profonde sur l’identité, le mensonge, la célébrité, l’écriture et la vie, l’écriture ou la vie. Le style impeccable et les personnages attachants en font un roman contemporain réjouissant, qui joue savoureusement avec les codes littéraires et sociétaux à l’ère de la communication obligée. Un vrai régal !

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 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Comment vous persuader de vous jeter sur ce texte qui a vraiment TOUT pour lui : il est drôle, très drôle même (ceux qui goûtent l’humour absurde vont se régaler), l’écriture est magnifique (ce qui, par les temps qui courent vaut d’être noté), les personnages attachants (je vous dirai pourquoi très bientôt) et il fait réfléchir, penser, philosopher même (waouh… quel programme n’est-ce pas?) Non franchement : NE PASSEZ PAS À CÔTÉ !!!
De quoi il cause ?
Bon, commençons par le commencement : Batiste est imitateur… On ne peut pas dire qu’il vive de ses talents, non, pas vraiment… car Batiste n’imite pas Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal ou Kylian Mbappé… Non, lui, son genre, c’est plutôt Gide, Céline (Louis-Ferdinand), Mendès France ou Bernanos… Bref, vous voyez le problème, j’imagine. Cela dit, Batiste est très bon, doué même, mais le public ne suit pas…
Or, un soir, un homme l’attend dans sa loge : il s’appelle Pierre Chozène (Jean sur la 4e de couv,’ mais bien Pierre dans le roman…), il est romancier, célèbre (genre Goncourable…), recherché par tous les journalistes qui rêvent de l’interviewer et sa discrétion légendaire ne fait qu’accentuer le mystère dont il est nimbé.
Et que veut Pierre Chozène ? LA PAIX !!! Il ne veut plus passer son temps à répondre au téléphone, aux messages, aux mails, aux SMS etc, etc… dont il est assailli chaque jour. Non, Chozène a besoin de temps et de silence pour écrire… Et il a l’idée, assez géniale, de proposer à notre Batiste de faire le boulot à sa place… Il lui confie donc son téléphone ainsi qu’un classeur dans lequel sont fichés tous les gens qui l’empêchent de se livrer à son art : ex-femme, éditeur, journaliste, fille, amante, amis, père, producteur, directeur… Bref, LA TERRE ENTIÈRE !! Et il est prêt à payer assez cher pour être tranquille (ce qui arrangerait bien les finances de notre Batiste…)
Y a plus qu’à… Une intrigue rocambolesque et un vrai suspense se mettent en place : Batiste va-t-il être capable de relever le défi, de faire en sorte que les gens n’y voient que du feu, des gens, ne l’oublions pas, qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, et avec lesquels il va devoir se lancer dans de longues discussions parfois assez intimes (pour ne pas dire plus…) tout en se faisant passer pour un auteur qu’il ne connaît pas plus que ça non plus ? Pas facile de ne pas commettre d’impairs et de… garder son calme !
Franchement, ce texte, à la manière d’une comédie de boulevard à la Feydeau, est désopilant… Imaginez les situations ubuesques et complètement irrésistibles qui vont naître de quiproquos franchement pas piqués des vers… Je vous promets quelques bons éclats de rire…
Et puis, comme je le disais pour commencer, vous verrez que les rapports sociaux…c’est pas simple (ah, vous le saviez déjà?), que l’on croit connaître les autres mais ABSOLUMENT PAS, que communiquer (même et SURTOUT à l’heure d’Internet) relève de la gageure et que et que et que… Et puis, tromper les autres ne revient-il pas à les manipuler, à se jouer d’eux… Jusqu’où peut-on aller, jusqu’où a-t-on LE DROIT d’aller ?
J’arrête ! Je n’en dis pas plus !
Franchement les copains, pas d’hésitation… D’ailleurs, je serais producteur, je contacterais immédiatement Monsieur Blanvillain et je lui ferais un gros chèque pour qu’il me laisse la possibilité de me lancer dans une adaptation cinématographique…
Oui, vraiment, je me suis régalée. Offrez-vous le même plaisir (parce que vous le valez bien, hein ?)

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