Le vertige des falaises
Gilles PARIS

Plon
avril 2017
256 p.  16,90 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Le dernier roman en date de Gilles Paris change de registre avec brio. Gille Paris nous avait habitué à utiliser des mots d’enfant avec succès dans entre autres « Le pays des kangourous » et « Autobiographie d’une courgette ». C’est toujours d’une enfance dont il est question mais avec une vision de Marnie – 14 ans – qui d’entrée de jeu dans le roman est mature et quitte l’enfance en devenant adulte en nous narrant son histoire. Le livre débute par « Papa est mort ».

C’est un roman choral qui nous est proposé. L’histoire de trois générations de femmes : les Mortemer.

Marnie (14 ans) vient de perdre son père et son grand-père. Elle vit sur l’île. Une île sauvage avec ses falaises vertigineuses où elle aime se promener, et y défier les éléments.

Par le biais de chapitres courts qui s’entrelacent, nous allons découvrir la vie d’Olivia (sa grand-mère), de Rose (sa mère) et celle de Marnie. Un secret les unit, quel est-il ?

Avec brio, Gille Paris nous distille peu à peu des éléments, il brouille les pistes. Sa plume nous tient en haleine, c’est un roman d’atmosphère, un peu Hitchcockien, avec une touche d’Agatha Christie et de Daphné du Maurier.

Les mots sont bien choisis, pesés. La plume est intrigante et dévoile peu à peu la vérité de chaque personnage. L’ambiance est glaciale, prenante, troublante. Les pages tournent et la magie opère.
Il y a une grande sensibilité et de l’humour malgré la gravité parfois du sujet.

Mais quel est donc ce secret ? Sur l’île, Marnie vit avec sa mère et sa grand-mère dans une maison de verre et d’acier nommée GLASS, construite par Aristide son grand-père.

Les femmes Mortemer sont meurtries et se font leur place malgré les hommes :

– Aristide, le grand-père brillant architecte, violent
– Luc le père de Marnie, égoïste, croqueur de vie et flambeur attiré vers le continent.

Je ne vous en dirai plus. J’ai aimé le contraste entre l’habitation de verre et d’acier – transparence et lumière – et l’opacité, la noirceur du récit.

Bravo et merci Monsieur Paris, j’ai passé un excellent moment.

Ma note : 9.5/10

Les jolies phrases

J’ai quatorze ans, j’ai cent ans. Peu importe. Je sais des choses. J’ai vécu avec ces mots-poisons qui m’ont rongée à l’intérieur.

Les hommes sont des enfants qui grandissent malgré eux. Et Dieu sait combien leur bêtise est sans limites. Certes, ils ne cassent plus de jouets. Ils brisent le coeur des femmes.

C’est le sang des Mortemer qui est ainsi, bouillonnant comme la lave, ou froid comme de la glace.

Les adultes pour moi sont aussi rigides et secs que les bûches entassées dans la remise. Ce n’est que lorsqu’il craque et s’enflamme que ce bois-là m’intéresse. Sinon, c’est juste un tronc et rien d’autre.

Et ce chagrin qu’elle tentait de cacher aux autres a dû la brûler tout à l’intérieur comme le feu qui se consume lentement dans une cheminée.

Le temps qui passe éloigne plus souvent les êtres qu’il ne les rapproche. L’amour de Rose pour Luc relevait à la fois de l’incompréhension et de l’envie d’une famille comme la nôtre. Un amour semblable à une constellation si rare dans les cieux nuageux de l’Île.

Les sentiments sont des lierres qui grimpent aux arbres pour mieux cacher l’écorce.

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Miss Marnie

Laissez-moi vous présenter la famille Mortemer. La dynastie Mortemer devrais-je dire ! Trois générations se côtoient dans ce récit. Olivia, tout d’abord, la grand-mère, l’aïeule, la pierre angulaire de Glass, la maison de verre et d’acier qui trône sur cette île isolée du « continent », sorte de monde à part, mystérieux. Rose, la mère, pièce rapportée de la famille, mariée à Luc, le fils d’Olivia, atteinte d’un cancer en phase terminale. Et Marnie, la fille, 14 ans, digne héritière des générations précédentes.

Ici, si les figures masculines sont présentes dans le récit, elles ne le sont qu’à titre posthume. Aristide, le grand-père de Marnie est décédé un peu plus d’un an auparavant. Il frappait Olivia (on le sait très rapidement, je n’appelle pas ça du spoil). Luc, le père de Marnie, est mort quelques mois plus tôt dans un accident de voiture. Il a vécu en pêchant par les femmes du continent, l’alcool, le jeu et les voitures à grosse cylindrée, il est mort en tombant de la falaise un soir d’orage, soûl et ruiné personnellement.

Aucune des femmes Mortemer n’a donc l’opportunité de vivre dans la joie et l’épanouissement, en dehors d’un confort matériel certain, Olivia ayant pris ses précautions. Les histoires d’Olivia, Rose et Marnie sont des vies de combat contre le malheur, chacune parvenant d’une manière ou d’un autre à l’occulter en faisant taire les voies intérieures qui leur rappellent leur existence : Olivia s’invente une piscine dans laquelle elle plonge sous les coups de son mari, Rose s’étourdit littéralement les sens dans la musique et la danse et Marnie… ah Marnie… elle s’oublie dans les bras aimants de sa mère mourante et en compagnie de son amie, Jane, aveugle, qui flirte pourtant avec le vertige des falaises…

Gilles Paris construit son histoire autour de secrets de familles qui n’en sont que pour ceux qui pensent être les seuls à les connaître : ils sont de polichinelle, connus de tous, transparents aux habitants de l’île tout comme la maison des Mortemer, faite de verre, qui laisse, par sa transparence, le moindre regard pénétrer à l’intérieur. Les êtres qui peuplent Glass pensent s’abriter derrière le silence mais tout se sait parce que les êtres portent sur eux leur histoire.

Gilles Paris peut donc offrir le rôle principal à Olivia et Marnie qui se confient à nous à travers ce qui ressemble à un journal intime ou une lettre ouverte mais aussi proposer des voies différentes, des voies extérieures : Agatha, l’amie de Rose, Vincy, l’amoureux de Marnie, le coiffeur d’Olivia ou Prudence, la bonne.

Gilles Paris a écrit son livre comme un boxeur qui travaille son adversaire. Il tourne autour des faits essentiels de son histoire comme le boxeur le ferait pour fatiguer son adversaire, distillant de-ci de-là quelques éléments comme le boxeur donne des petits coups pour tester son adversaire, puis il balance tout dans un déferlement de phrases percutantes sans laisser le lecteur reprendre son souffle comme le boxeur qui se décide enfin à prendre le match à son compte pour mettre son adversaire K.O. debout.

Gilles Paris, enfin, joue avec le temps, avec les vérités énoncées, forcément subjectives, de chacun des protagonistes, pour mieux transporter le lecteur dans un univers clos, celui de l’île, celui de la famille Mortemer et à travers une histoire tragique où la lumière ne vient que des personnages féminins pourtant tout aussi torturés et tortueux que les personnages masculins mais avec une innocence issue de leurs positions de victimes et un courage provenant de leur combativité et de leur (relative ?) victoire sur leurs bourreaux. A quel prix se fait donc cette simili-victoire ? Isolement pour l’une, mort pour l’autre et folie douce pour la troisième ?

C’est un livre qu’il faut à la fois prendre le temps de lire et le temps de comprendre. On sort de la lecture suffisamment déboussolé pour ne pas rester sur cette première impression et laisser le temps à l’histoire de faire son petit bonhomme de chemin dans sa tête, pour en comprendre la subtile structure.

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Quelque part le long des côtes de l’Afrique, imaginez une île sur laquelle se dresse une maison d’architecte; un palais de verre bâti sur des falaises. Le décor du dernier roman de Gilles Paris est planté; un univers visuel singulier où la lectrice aime se promener. Comme dans ses livres précédents, Gilles Paris a le don de se mettre à la hauteur d’une enfant de 9 ans. Marnie, ce personnage attachant, a le défaut de coller trop souvent ses oreilles aux portes de la maison et son œil aux serrures. Son jardin secret est plein de mystères et d’herbes hautes dans lesquelles elle aime se rouler. En compagnie de Jane, sa confidente, Marnie se promène dangereusement au bord des falaises. Deux femmes veillent sur l’adolescente effrontée: sa mère Rose et sa grand-mère Olivia. Pourtant, Marnie n’a déjà plus beaucoup d’illusions. La maladie, le malheur et la violence n’épargnent pas la famille Mortemer. Les hommes, non plus, n’échapperont pas à leur destin. Dans ce roman choral, empreint de poésie et de sensibilité, chaque personnage donne sa version des faits. Au fil des pages et des émotions, Gilles Paris lève le voile sur les mystères de cette étrange famille.

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