critique de "Les choses humaines", dernier livre de Karine Tuil - onlalu
   
 
 
 
 

Les choses humaines
Karine Tuil

Prix Interallié et prix Goncourt des lYcéens 2019
Gallimard
Blanche
août 2019
341 p.  21 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

« Les choses humaines » de Karine Tuil
est le coup de coeur de L’Arbre à Papillons à Phalsbourg
dans le q u o i  l i r e ? #90

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Pour le Goncourt 2019
la librairie de Paris à Saint Etienne aurait choisi
« Les choses humaines » de Karine Tuil
et c’est dans le 
q u o i  l i r e ? #87

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Pour le Goncourt 2019
la librairie Le Failler à Rennes aurait choisi
« Les choses humaines » de Karine Tuil
et c’est dans le 
q u o i  l i r e ? #87

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« Les choses humaines  » de Karine Tuil
est le coup de coeur de la librairie saint Pierre à Senlis
dans le q u o i  l i r e ? #82

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C’est un vrai roman avec suspense, rebondissements, et pourtant il soulève quantité de problèmes contemporains liés au pouvoir, au sexe, au consentement, au féminisme. Il aurait été très facile de tomber dans le manichéisme, les méchants d’un côté, les victimes de l’autre. Mais le monde est bien plus complexe que cela, ce qui n’a pas échappé à Karine Tuil !

A l’occasion de la parution de ce roman nous avons interrogé Karine Tuil sur ses lectures. Son interview est ici.

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 Les internautes l'ont lu

balance ton porc ?

Dans ce « tournepage » glaçant, K.Tuil déroule pour nous le fil de son observation des répercussions qu’ont pu avoir les mouvements « Me too » et « Balance ton porc » sur notre perception de la violence faite aux femmes. Je dis bien son observation, plus que son opinion, car elle relate le plus objectivement possible des états de fait, elle rend compte des cheminements psychologiques de ses personnages, sans prendre un parti très tranché dans une affaire de viol qu’elle a imaginée mais qu’elle a su rendre très crédible.

Son roman est une réussite parce qu’il dérange. Il nous pousse notamment à nous demander quelle serait notre attitude si nous étions jurés dans une affaire comme celle-là.
K.T pose les éléments du débat avec une grande lucidité, psychologique, sociale et même politiquo-historique, avec une ouverture d’esprit qui ne ferme pas la porte à l’empathie pour ses personnages, si peu sympathiques qu’ils soient. Et même si elle se garde d’opter pour des positions tranchées en tant qu’auteure, c’est déjà énorme.
Ce qui ne gâche rien, son style classique, maîtrisé sans esbroufe et très fluide est pour elle un allié précieux. Dans l’air du temps c’est un livre important, et justement primé !

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coup de coeur

L’un des meilleurs romans de la rentrée littéraire de l’automne 2019

De nos jours à Paris. Jean FAREL, septuagénaire, célèbre journaliste politique de radio et de télévision et Claire, son épouse, essayiste et féministe engagée, forment un couple socialement et culturellement privilégié, célèbre et influant. Alexandre, leur fils, brillant étudiant à l’université de Stanforf(1), réside habituellement en Californie. L’union s’est rapidement transformée en « une vitrine de façade » (P.35) ; noceurs ou migrants en quête d’amour, les époux ne se singularisent plus par la fidélité.

Ainsi, à la faveur d’un débat dans la classe d’Adam WEIZMAN, professeur de français dans une école juive, Claire s’éprend de celui-ci ; l’attirance est réciproque. Marié à une femme juive orthodoxe, Adam n’est pas préparé à laisser une situation familiale établie, délaisser ses filles, plus particulièrement l’aînée, Mila, très fragilisée depuis l’attentat perpétré dans son école quelques années plus tôt. Mais en conséquence de sa révocation d’enseignant et de sa soustraction au joug de son épouse, il se résout à se séparer. Il emménage avec Claire et Mila.

Lors d’un séjour en France, Alexandre, à contrecÅ“ur, est prié, par sa mère et Adam, d’amener Mila à une soirée chez des amis. Tandis-que la musique est bruyante, la boisson abondante et la « Marie-Jeanne » enivrante, Mila accepte de suivre Alexandre à l’extérieur pour fumer. Nullement effrayée, la jeune fille consent à s’enfermer avec Alexandre dans un local insalubre dans lequel ils ont une relation sexuelle singulièrement graveleuse.

Que s’est-il réellement produit, durant ces quelques minutes dans ce local à déchets, dans l’esprit d’Alexandre et de Mila ? Toujours est-il que cette dernière, quittant les lieux immédiatement après, déposera une plainte pour viol prétextant une extorsion de son consentement. C’est un séisme dans la famille FAREL exposée à une avalanche d’assauts médiatiques féroces et vengeurs. Alexandre nie vigoureusement avoir forcé Mila, mais il est arrêté, déféré et finalement incarcéré. Ses études à l’université de Stanforf sont interrompues et définitivement compromises.

Au terme d’une instruction judiciaire, où chacune des parties maintient sa version, Alexandre invoque le consentement de Mila contesté résolument par celle-ci. Il comparait devant la cour d’assises pour y répondre du chef de viol avec violences. Sur leur seule intime conviction, les jurés doivent décider si Mila a consenti à cette relation ou si Alexandre la lui a imposée…

« Les choses humaines » est le onzième roman de Karine TUIL, juriste de formation, paru, en 2019, aux éditions GALLIMARD. Il a été très favorablement accueilli par les lecteurs et les critiques à l’instar des précédents dont les plus notables – « l’invention de nos vie » et « l’insouciance » – ont été traduits en plusieurs langues.

Karine TUIL a reçu de nombreux prix et distinctions : le Prix du Roman News (2011), pour « six mois six jour », le Prix littéraires Les Lauriers Verts (2013) pour « l’invention de nos vies » ; les insignes de chevalier de l’ordre des arts et des lettres (2014), elle y sera élevée au grade d’officier, en 2017. Nombreux de ses ouvrages ont été sélectionnés pour le Prix Goncourt.

Les romans de Karine TUIL sont très souvent symboliques, pour ainsi dire métaphoriques, des réalités sociales et sociétales – à l’image, dans un autre univers, de « l’insouciance » (Gallimard, 2016). C’est au moyen d’une expression souple, accessible, intelligible, intelligente et d’un récit habile et presque linéaire que l’auteur montre, une fois encore, sa parfaite maîtrise de l’écriture. La structuration absolue et harmonieuse du roman est remarquable.

Ainsi, après une présentation et le récit de différents catalyseurs (« diffraction » (2)), Karine TUIL introduit l’effet déclencheur de l’intrigue – le présumé viol (« le territoire de la violence »), puis relate enfin minutieusement le procès d’Alexandre, et ses suites, devant la cour d’assises (« rapports humains »).

Estimer « les choses humaines », une fiction sociale et sociétale, d’abord à l’aune de sa forme – de son style irréprochable et de sa structuration habile – n’est pas un exercice de circonstance. le récit du crime imputé à Alexandre survient seulement à la 153ème page/342 pages. Mais à peine de ruiner l’oeuvre de ses qualités singulières, l’auteur ne pouvait faire l’économie d’une exposition préalable caractérisée. La tonalité du contexte socio-culturel, l’intelligence des personnages, les décors ou encore le paysage de l’oeuvre instruisent sur l’intrigue et accroissent la portée du roman ; Karine TUIL y réussit remarquablement sans ennuyer ni déprimer le lecteur.

« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». le roman de Karine TUIL ne réfute pas la pensée de Victor HUGO.

Quoique facile, distrayant et passionnant, le roman de Karine TUIL n’en est pas moins exigeant par ses multiples perceptions et pénétrations de la société contemporaine : la justice – bousculée par la puissance des réseaux sociaux, des médias et de « l’opinion » – la dépravation du monde politico-médiatique, les groupes ultra féministes, la condition des juifs en France, le terrorisme islamiste…

Toutefois, l’intrigue oscille et progresse autour du sexe et la tentation de la déprédation: un brillant étudiant, issu d’un milieu très favorisé, est accusé du viol avec violences sur une jeune femme désavantagée par l’existence, la fille de l’amant de sa mère. L’enjeu de l’intrigue dans le roman est évident et saisissant de réalisme : montrer que les violeurs, majoritairement, se réfugient dans le déni de leur acte ; les victimes, quant à elles, sont à telle enseigne en état de sidération lors de l’agression, plus particulièrement lors d’un « viol opportuniste » (P.314), non prémédité, qu’elles n’osent aucune résistance.

Karine TUIL montre précisément, ici, l’amphibie du viol et son incertitude. Car, de fait, l’on n’a aucune information, sinon la parole d’Alexandre contre celle de Mila. Cette ambiguïté est le fil conducteur du roman. La « vérité judiciaire » n’est révélée qu’à la fin du livre. Est-ce à dire que Karine TUIL, quand elle écrit le roman, nonobstant ce choix fictionnel ambigu, ne sait rien du geste de son personnage, Alexandre ? Rien n’est moins sûr : le narrateur, externe et impersonnel, auquel recourt l’auteur semble omniscient et informé de la psychologie des protagonistes. En d’autres termes, Karine TUIL, tout en réservant un suspense au lecteur, ne semble pas, en écrivant son roman, douter de l’innocence ou de la culpabilité d’Alexandre. Celui-ci et son père, Jean FAREL, ne sont pas toujours présentés à leur avantage. Claire, sa mère, pourtant féministe, lui trouve des excuses insensées ; Jean FAREL lors du procès, témoigne ainsi:

« je pense qu’il serait injuste de détruire la vie d’un garçon intelligent, droit, aimant, un garçon à qui jusqu’à présent tout à réussi, pour vingt minutes d’action ». (P. 281).

C’est, au demeurant, un autre élément équivoque du roman et un véritable coup de maître de Karine TUIL : Alexandre, accusé de viol avec violences, inspire de la sympathie au lecteur, parfois culpabilisante, renforcée par la posture des réseaux sociaux et de l’opinion lorsque ceux-ci se pervertissent en tribunal populaire :

 » de quoi vous ont-ils parlé, sinon des rapports de classe, du sentiment de la honte, de l’affaire Weinstein et du mouvement MeToo ? Et le dossier? On vous cite Gisèle Halimi, d’accord, mais Alexandre dans tout ça…(P.324) « â€¦On vous demande de condamner cet homme parce que la société le réclame au nom de la libération de la parole et d’une révolution féministe salutaire…Vous allez plier à l’injonction publique ? » (P. 325).

L’auteur décrit admirablement bien et fidèlement, à l’occasion du jugement d’Alexandre devant la cour d’assises, le déroulement et les écueils d’un procès pénal : le rôle de la victime, trop souvent « déplacé », de l’accusé et de celle du représentant de la société par la voix du ministère public.

Le livre de Karine Tuil est, sans nul doute, l’un des meilleurs romans de la « rentrée littéraire » de l’automne 2019 quand bien même sa lecture serait parfois déstabilisante et ébranlerait notre confiance dans les relations humaines. Quoi qu’il en soit, Karine Tuil a magistralement accompli son dessein : écrire et dépeindre « les choses humaines ».

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« C’était ça, la violence : le mensonge – une représentation falsifiée de son existence. »

« Tu sais ce qui arrive à ceux qui pensent qu’on peut survivre en respectant des lois morales ? Tôt ou tard, ils finissent piétinés. »
C’est le sexe qui mène la danse et de toute façon on meurt seul à la fin, telles sont les entrées et sorties de ce roman, histoire de savoir tout de suite où l’on en est. La première partie nous plonge dans le quotidien d’un journaliste politique de premier plan qui règne sur son émission télé à grand coup de colères et de réseau. Il a eu un fils autour de la cinquantaine avec Claire, essayiste renommée et féministe engagée. Un fils brillant sur le point d’intégrer une très prestigieuse université américaine. En apparence, ces trois-là ont tout pour eux. Derrière le miroir, Jean est un égoïste forcené (« une merde humaine », carrément, selon son plus vieil ami), Claire succombe à une passion amoureuse qui lui fait quitter tout ce qu’avait été sa vie, et leur fils est tout sauf bien dans sa peau. Une accusation de viol va faire exploser leurs vies…
Karine Tuil, comme à son habitude, n’entend pas cajoler son lecteur ou le brosser dans le sens du poil. Son propos est dérangeant et la vérité de ses personnages égratigne. Mais son sens du suspens fait mouche et toute la partie du procès nous bouscule exactement comme si on était un juré parmi les autres. Solidement ancrée dans la période #MeToo son intrigue donne pleinement à réfléchir sans pour autant s’ériger en manifeste, tout en se plaçant malgré tout dans une veine à tendance nihiliste. On en ressort vaguement écoeuré et étrangement revigoré car après tout, il ne tient qu’à nous d’élargir cette vision des « choses humaines ».

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