Les enfants de Venise
Luca Di fulvio

Slatkine et cie
mai 2017
797 p.  23 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
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coup de coeur

L’an de Grâce 1515. Le jeune orphelin Mercurio tente de survivre grâce à de petits larcins. Son plus grand atout pour plumer le quidam : son génie du travestissement.

Malheureusement, un « coup » ayant mal tourné, il part chercher refuge à Venise.

Sa route croisera celle d’un prétendu médecin juif, Isaco et de sa fille la belle Guiditta, venus eux aussi s’installer dans la Cité des Doges.

Et là commence le génie de Luca Di Fulvio car au travers d’une histoire d’amour, il nous fait partager une fresque historique. La vie dans la Sérénissime à cette époque y est parfaitement décrite : les riches, les pauvres qui tentent de survivre, les idées propagées par l’Inquisition, l’installation du Ghetto. Ne manquent plus que les odeurs des canaux !

Mais tout cela ne serait rien sans la richesse de la psychologie de chacun des personnages qui se croisent, s’entrecroisent et tissent une histoire que l’on ne peut lâcher.

Luca Di Fulvio est le Dumas du XXIème siècle !

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Lancez-vous dans l’aventure !

Quel souffle romanesque ! Après Le Gang des rêves, j’imaginais qu’il faudrait bien quelques années à Luca di Fulvio pour écrire un roman à la hauteur du premier, avec la même incroyable puissance d’imagination et le même extraordinaire talent de conteur !
Eh bien non, l’année suivante, il nous sert Les Enfants de Venise : une vraie plongée historique dans un lieu, une époque, une multitude de rebondissements en tous genres et de nombreux personnages hauts en couleur, attachants, parfois terribles, dans tous les cas décrits avec une grande minutie et dont les noms (Scavamorto, Scarabello…) et les attitudes (ingéniosité, ruse, travestissement) nous font inéluctablement penser à la commedia dell’ arte dont les premières troupes apparaissaient en ce début du XVIe siècle. C’est tout simplement fabuleux !
Alors si vous êtes prêt à découvrir la Venise du XVIe siècle, ses assassins, ses bandits, ses faux médecins et ses faux prêtres, ses prostituées, ses nobles, ses fanatiques, ses gamins des rues, ses vieux marins, ses couturières, ses tailleurs, si vous souhaitez faire un tour dans ses ruelles les plus sombres où vous risquez à tout moment de vous faire dépouiller ou égorger, si une visite de l’Arsenal vous tente, si découvrir les premiers ghettos vous intéresse, si évoluer dans le Castelletto, le quartier des prostituées malades du « mal français » – la syphilis -, vous attire, allez-y, ouvrez Les enfants de Venise, vous découvrirez l’extrême pauvreté du petit peuple et la débrouillardise dont il faut user et abuser pour survivre parmi les rats, les puces, les excréments et la boue.
Non, ce n’est pas dans une Venise touristique que vous mettrez les pieds, loin de là d’ailleurs ! C’est une Sérénissime violente, terrible, dangereuse, antisémite, intégriste. Mais il sera aussi question d’amour et d’honneur, d’argent et de larmes, de trahison et de vengeance. Le sang coule à flots à chaque coin de rue, et l’eau de la lagune fait disparaître les cadavres dont on ne sait que faire. Le roman fourmille de détails qui rendent l’évocation des lieux saisissante : on y est ! Les bruits, les odeurs, les couleurs nous assaillent et l’on est comme emporté dans le tourbillon d’un récit finalement très cinématographique.
Dans ce contexte, Mercurio, jeune orphelin romain, comédien aux mille costumes, vit comme il peut dans les égouts. Pour s’en sortir, il vole, aidé de ses acolytes : Benedetta la belle rousse plantureuse, Zolfo et Ercole, une espèce de géant fou. Ayant repéré un marchand juif, Shimon Baruch (un personnage fascinant) qui cache une bourse pleine de pièces d’or, ils vont rapidement le détrousser. Or, ce dernier retrouvera la petite bande et se vengera en tuant Ercole. Mercurio fou de douleur plantera sa lame dans la gorge du marchand, le laissant pour mort. Obligés de fuir, les gamins marcheront vers Venise et rencontreront sur leur route le capitaine Lanzafame qui revient victorieux de la bataille de Marignan (oui oui, Marignan près de Milan, 13 et 14 septembre 1515!). Avec lui, se trouvent Isacco da Negroponte, faux médecin mais vrai soigneur, et sa fille Giuditta. Un échange de regard avec Mercurio et les deux jeunes savent qu’ils s’aimeront à jamais ♥ malgré l’adversité qui pèse parfois bien lourd quand elle a pour noms l’opposition d’un père, l’antisémitisme et le fanatisme. Il y a quelque chose de Roméo et Juliette dans cette histoire d’amour impossible entre une jeune fille juive et un garçon chrétien qui se moque éperdument des histoires de religion et n’écoute que son coeur, lui qui ne veut qu’une chose : se battre pour réaliser son rêve, partir vers un Nouveau Monde à peine découvert en emmenant avec lui sa belle Giuditta.
Je ne peux que vous inciter à vous plonger dans cette grande fresque, magnifique roman d’éducation, qui dit combien l’amour donne des ailes et la force de se battre pour enfin être libre.
A ne pas manquer !

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coup de coeur

Un mix ébouriffant de Dumas et de Comedia del Arte

Autant annoncer la couleur tout de suite, une nouvelle fois, Luca Di Fulvio m’a scotchée. Après Le gang des rêves, je me disais qu’il n’allait pas réussir à me faire deux fois le même coup. Eh bien si. Huit cents pages avalées en trois jours et encore, parce que Wimbledon oblige, j’ai dû faire des pauses pour admirer le maestro Federer. Il doit avoir une recette secrète pour parvenir ainsi à imprimer sa patte sans pour autant refaire le même livre, même si l’on retrouve quelques ingrédients communs comme cette facilité à se glisser dans la peau de jeunes héros à peine adolescents mais déjà muris par les épreuves de la vie.

Cette fois-ci nous sommes à Venise au 16ème siècle. L’Amérique du Gang des rêves n’est encore qu’un mirage pour beaucoup, un « nouveau monde » tout juste découvert par Christophe Colomb, synonyme de promesses encore bien vagues pour certains marins qui rêvent de le rejoindre sans aucune garantie d’y parvenir. Pour l’heure, Venise fait figure de liberté et de tolérance, rare cité où les Juifs peuvent résider en paix. Certes coiffés d’un bonnet jaune, mais enfin, par rapport aux brimades et aux interdictions d’autres endroits du monde, c’est presque le paradis. Voilà pourquoi Isacco da Negroponte et sa fille Giuditta (Isaac et Judith) choisissent de s’y établir. Au même moment, Mercurio, Benedetta et Zolfo, trois enfants des rues vivant d’escroqueries et de vols, obligés de fuir Rome choisissent également la cité lacustre pour démarrer une nouvelle vie. Mercurio est un orphelin abandonné qui n’a jamais connu la tendresse d’un foyer. Au contraire, la violence, les brimades de l’orphelinat puis la coupe d’un exploiteur qui l’a transformé en as du brigandage. La mère de Giuditta est morte en la mettant au monde et la jeune fille se contente d’une relation distante avec un père faux médecin et véritable escroc en plein repentir. La rencontre de Mercurio et de Giuditta fait des étincelles. Coup de foudre. Et début des problèmes…

Luca Di Fulvio nous entraîne dans une saga haletante qui emprunte autant à l’univers de Dumas qu’à la Comedia del Arte. Les figures de Scavamorto, le romain et de Scarabello, le vénitien, les deux chefs de bande régionaux sont superbes dans leur genre. Le talent de comédien de Mercurio, passé maître dans l’art du déguisement apporte la touche théâtrale si typiquement italienne. Quelques trouvailles géniales comme celle de l’invention du prêt à porter apportent un relief bénéfique, une petite dose de magie. On se bat, les menaces sont permanentes, la jalousie peut tuer et, comme toujours, les puissants semblent mener la danse.

L’auteur parvient à insérer son intrigue dans un décor rendu particulièrement vivant et un contexte propice à la dramaturgie. On visite l’Arsenal, véritable petite ville dans la cité où se construisent les plus beaux bateaux synonymes de conquêtes et de puissance. On atteint la périphérie de Venise, ses taudis et ses miséreux qui se tassent dans la puanteur des déchets et des excréments. On découvre le Castellitto, quartier des prostituées qu’un mystérieux « mal français » décime. On traverse le coeur de Venise, le marché du Rialto où tout se négocie. Et l’on plonge dans l’atmosphère de l’Inquisition, avec la pression permanente de l’Eglise ; on assiste aux provocations de quelques extrémistes qui aboutissent à la création du Ghetto où les Juifs seront finalement assignés à résidence.

Les obstacles à franchir sont nombreux pour Mercurio et Giuditta. Heureusement pour eux quelques figures lumineuses jalonnent leur parcours, comme celle d’Anna di Mercato, du vieux marin Zuan ou du capitaine Lanzafame. Si Les enfants de Venise est un roman d’apprentissage, c’est bien de sentiments dont il s’agit. Trouver l’amitié, rencontrer l’amour, accepter la tendresse. Et surtout, se battre pour gagner sa liberté.

J’ai cru comprendre que Le gang des rêves et Les enfants de Venise appartiennent à une trilogie qui regroupe des histoires différentes mais dans une veine proche. Alors vous savez quoi ? Vivement le troisième !

En attendant, ne cherchez plus votre pavé de l’été : vous l’avez !

http://www.motspourmots.fr

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