critique de "Les loups de Sherwood", dernier livre de Nicolas DIGARD - onlalu
   
 
 
 
 

Les loups de Sherwood
Nicolas DIGARD

Plon
avril 2016
480 p.  20,90 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
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nuit blanche

La route de l’Enfer est pavée de bonnes intentions

Que voilà un Robin the Hood bien peu policé et lisse… Nicolas Digard dépoussière le mythe sans fioritures dressant le portrait d’un homme habité par la soif de vengeance et de pouvoir, cocktail diabolique dans les mains d’un meneur naturel d’hommes. Robert de Loxley participe à la guerre d’Henri II et de son fils Jean sans Terre contre Richard, le propre fils d’Henri II et premier héritier du trône. Robert découvre un complot visant à donner la victoire à Richard et s’en ouvre à Jean sans Terre sans savoir que celui-ci fait également parti du complot visant plus à évincer Henri II de la couronne que d’y porter Richard… Robert y perd tout ce qui en faisait une noble personne : honnêteté, espoir, confiance en l’homme, ses terres, son nom… Sous couvert de justice envers le peuple qui souffre des turpitudes perpétrées par les puissants, Robert va partir en quête de vengeance personnelle et de pouvoir jusqu’à vouloir, prétentieux, faire vaciller une couronne qui ne ceint plus la tête de Richard, fait prisonnier au cours de la croisade entreprise pour célébrer son accession au trône, et pas encore celle de Jean sans Terre qui se dirige à pas de géants vers son but ultime : le royaume. Le Robin de Nicolas Digard est un vrai roi des voleurs : roi parce qu’il a mis la main sur cette bande désorganisée et qu’il redistribue effectivement une partie des rapines et voleur parce qu’il n’agit pas différemment des bandits de grand chemin, usant de la même violence brute et bestiale, mêlant viol et saccage à ses exactions. Nicolas Digard procède intelligemment et choisit avec soin les bribes de légende passées dans l’inconscient collectif pour les entourer de hargne, de fange, de noirceur, beaucoup plus crédibles dans l’Angleterre du XII° siècle que les fables biens policées qu’on nous a servis jusqu’à présent. Si Robert a des circonstances atténuantes, il n’en reste pas moins responsable de ses crimes et esclave de ses pulsions violentes, de son attirance pour le pouvoir. Aucun personnage, en dehors peut-être de la nourrice de Marianne, ne s’en sort sans dommage. Et encore, celle-ci reste impuissante face au déchaînement de haine et de fatalité qui étreignent les personnages centraux du livre, le pire étant certainement Robin : froid, calculateur, seul et isolé, sans amis ou en tout cas incapable de puiser dans ces amitiés potentielles de quoi tirer un peu son âme et son esprit vers le haut, détruit par les trahisons (celle initiale qui a été l’acte fondateur de la naissance de Robin the Hood et toutes celles qu’il a enduré ensuite de la part de ses propres troupes), sans foi ni loi. Autant dire que le shérif de Nottingham ne vaut pas mieux, ni Jean sans Terre, ni Petit Jean ni Will l’écarlate qui opèrent tous un peu comme des balises dans la descente aux Enfers de Robin the Hood, incapable de faire surgir l’étincelle salvatrice quand bien même la présence de Frère Tuck, pourtant loin d’être un ange lui non plus, aurait pu lui donner l’occasion de changer son arc de bras et embrasser un destin plus noble. Le personnage de Marianne ne sort pas non plus grandi de ce récit : perdue dans le rôle de la blanche brebis, sa rencontre avec Robin the Hood provoquera sa chute mais aussi parallèlement une renaissance sombre, dans l’ombre de Robin, sous sa coupe devrait-on dire, révélant elle aussi une nature prompte à la confrontation, à la haine (un peu provoquée il faut quand même l’avouer par les circonstances). Enfin, si Nicolas Digard reprend les passages essentiels de ce que l’on peut connaître de l’histoire de Robin the Hood (il faudra un jour que quelqu’un m’explique comme c’est devenu Robin des Bois en français), il n’hésite pas non plus à aller piocher dans d’autres contes (Cendrillon ou d’autres) des éléments de narration. Un résultat final plutôt enthousiasmant et une vision décalée d’un mythe fondateur des principes de justice, d’équité et de partage qui possède des résonances contemporaines dans un monde qui peine à mettre en avant de tels comportements.

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