Les tremblements essentiels
Viktor Lazlo

Editions Albin Michel
janvier 2015
249 p.  18 €
 
 
 
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Description toute en nuances et à six mains d’Alma Sol. A travers les prismes d’Aurèle, de Diane et de Damien, Viktor Lazlo dévoile petit à petit la personnalité d’Alma Sol, vedette de la chanson, disparue des radars. A travers ce que raconte chacun de sa propre vie, c’est un peu celle d’Alma qu’il dévoile, qu’il représente.

Tout d’abord à travers Aurèle, ami et amour d’enfance. Si cette amitié de jeunesse était réciproque, l’amour, lui, n’allait que dans un sens. Cette unilatéralité des sentiments d’Aurèle, petit être chétif et timide, envers la belle et voluptueuse Alma laissera Alma s’échapper vers la gloire après laquelle sa mère cours à perdre haleiner et abandonnera Aurèle sur le chemin d’une vraie relation. A partir de là, aventures amoureuses et travail rythmeront la vie d’Aurèle jusqu’à ce qu’il recroise Alma, fasse un bout de route avec elle avant qu’une fois de plus ce chemin ne se termine en cul de sac. Aurèle c’est la voix de l’amour pur et véritable, de la fidélité, de l’honnêteté. Aurèle c’est le doux rêveur, un peu poète maudit, un peu amoureux transi. C’est la part de féminité en chacun de nous. C’est le sentiment à l’état brut. C’est le « je » altruiste qui se veut un « nous » fusionnel.

Diane, c’est un peu le revers de la médaille, le verso d’Aurèle. Adolescente fugueuse, elle s’est construite sur la fange de ses contemporains à coups de jobs d’escort girl jusqu’à trouver le mari qui la sortira de cette fange. Diane marque par le rejet constant qu’elle a toujours provoqué chez les autres, notamment dans sa belle-famille, au loin dans son ile des Caraïbes et au premier rang desquels se trouve son mari, Damien, alcoolique. Portée dès l’enfance à s’assumer et à se gérer, Diane est une femme forte, faite d’un seul tenant passablement fissuré. C’est la passion, entière, qui, au moindre choc, se fissure et explose violemment. C’est l’amour extrémiste. C’est la part de jalousie et d’exclusivité qui va avec une passion dévorante. C’est le sentiment à l’état brutal. C’est le « je » totalitaire qui se veut une annihilation de l’autre par ingestion.

Damien, le mari de Diane, c’est un peu le doux rêveur qui vit sur sa planète, dans son propre espace-temps. La relation qu’il entretient avec Alma Sol est presque d’un ordre spirituel, à travers la peinture et notamment un tableau de Bacon qu’il garde jalousement caché dans son bureau parisien et qu’il ne montre à personne, hormis Alma qui en conçoit un choc émotionnel et artistique cimentant sa relation avec Damien. C’est vers lui qu’elle se tournera dans un de ses moments de doute et de dépression, qu’elle trouvera refuge sur son île de Saint-Roques. Damien c’est l’amour calculé. C’est aussi la part de renoncement qui est en nous, qui grandit en nous au fur et à mesure de notre vieillissement, égoïste et exigeante. C’est le sentiment à l’état complexe. C’est le « je » égoïste qui ignore l’autre.

Viktor Lazlo livre là un bien joli récit où des sentiments contradictoires s’entrecroisent pour mieux décrire une personnalité finalement à plusieurs facettes, qui se cherche tout au long du récit et qui cherche surtout un point d’ancrage que sa vie et son métier ne lui ont jamais fourni.

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