Moi, Marthe et les autres
Antoine Wauters

Editions Verdier
litt francaise
août 2018
80 p.  12,50 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

C’est un tout petit roman de 80 pages mais qu’il est dense et riche en réflexions sur notre société.

Je retrouve avec plaisir l’écriture d’Antoine Wauters, faut-il le repréciser lauréat du Prix Première en 2014 avec « Nos mères ».

Un roman, une dystopie même qui nous emmène dans un Paris dévasté – par quoi ? – on l’ignore, au lecteur de faire son choix : catastrophe nucléaire, guerre, cataclysme climatique?. La ville est méconnaissable, la nature l’a envahie par endroits, tout n’est que violence et hostile dans un monde en lambeaux.

Hardy, Marthe, Josh, Begraaf et les autres essaient de survivre. Ce groupe erre dans la ville, se cachant dans « La Grotte » en chantant les chansons du Vioque, un certain Johny Holiways. ☺

Un peu d’humour qui est bienvenu dans ce court roman chargé de noirceur et de violence.

C’est dur, réaliste à la fois, cela nous parle de l’évolution de notre société, de sa dérive, nous pose un tas de questions sur nos responsabilités face à cette planète, notre société de consommation, sa violence, nos croyances, notre culture.

Le livre se décompose en 192 paragraphes numérotés, une configuration étrange qui me semble-t-il m’a permis une respiration, un temps de réflexion.

Les protagonistes sont constamment tiraillés entre espoir et désespoir, tristesse et joie, faut-il tout abandonner ou au contraire ne rien lâcher ?

J’ai beaucoup aimé retrouver cette écriture épurée dont chaque mot est choisi, lourd de sens poussant à la réflexion.

Quel est le sens de notre existence ? notre raison de vivre ? de continuer ? le tout ponctué d’humour car « il suffira d’une étincelle ..; ☺ pour poursuivre les combats, pour continuer d’y croire et .. »d’allumer le feu ». ☺

L’espoir au-delà de la mort, l’envie de se reproduire, de s’oublier, de donner la vie. L’oubli de ce que l’on n’a pas connu qui pousse à inventer pour continuer.

Un tout petit livre, très riche, très dur qui secoue, lucide sur ce qui pourrait attendre notre société.

Mon plaisir de lecture : 9.5/10

Les jolies phrases

Nous disons : le monde n’a jamais été comme avant, Marthe. Nous ignorons les choses. Nous ne savons rien de la beauté. Nous sommes les derniers nés du monde. Nous sourions.

Toutes les belles aventures finissent mal.

Nous avions tout, dit Azzuto. Nous avions trop. Aussi était-il juste et bon de tout perdre, puis de tout recommencer. Nous étions gros, enchaîne Patrap. Beaucoup trop gros. Obèses. Pourris gâtés. A présent, nous devons tout reprendre à zéro, tout recréer : la vie, l’espoir, et la joie tout au fond de nous.

Attention à ce qui est alléchant, dit Josh, ce qui est alléchant est dangereux.

Nous ne pensons pas la vie comme tuée par la mort. Nous pensons que tout peut revenir et l’appelons de nos voeux. De nos espoirs.

Allons ! dit Begraaf. Retournons vivre ! Et nous suivons Begraaf, nous retournons vivre.

Il suffira d’une étincelle, dis-je . Et d’un mot d’amour, dit Mauricette. Pour allumer le feu, dit Mad. Et voir grandir la flamme dans nos yeux, conclut Marthe, qui nous rejoint et paraît incroyablement calme.

Etrange, me dis-je, comme l’amour laisse et ne laisse pas de traces. Preuve sans doute qu’il est infini.

Nés après la cassure, nous ne sommes plus que des fantômes arpentant des fragments. Oui, nous marchons parmi c’est fragments et rien ne reste en nous, tout disparaît, tout passe, de sorte que si nous vivons c’est uniquement parce que nous ne sommes pas encore morts…

Je me demande si la guerre est ce qui nous a menés ici. Si les animaux sont partis pour la fuir. S’ils ont tous été tués ? Je crois que la sagesse, parfois est de se dire vaincu, et de rendre les armes. Dans ce sens, l’homme est la bête la moins futée, mais la plus fascinante.

Le monde n’en pouvait plus d’être monde.

Nous ne sommes plus ni riches ni pauvres, dit Begraaf. La richesse et la pauvreté, c’était avant, quand il y avait encore des choses à se partager. A présent que tout est vide, nous ne sommes plus que vivants, absolument vivants, désespérément « homme ». Et il sourit, comme seuls sourient les gens qui ont beaucoup perdu.

Rien n’est plus douloureux que de se souvenir des temps heureux dans la misère.

Retrouvez Nathalie sur son blog 

partagez cette critique
partage par email