critique de "Notre château", dernier livre de Emmanuel Régniez - onlalu
   
 
 
 
 

Notre château
Emmanuel Régniez

Le Tripode Editions
janvier 2016
140 p.  15 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un conte cruel et captivant

Réjouissons-nous, depuis janvier, nombre de bons premiers romans couvrent les tables de nos libraires. En voici un excellent, qui réunit tout ce que j’aime : un château isolé, des secrets de famille, une grande bibliothèque, une tension narrative qui croît de page en page et nous tient en haleine jusqu’à la fin et même au-delà, où nous attend une surprise de taille.

Octave habite avec sa sœur Véra dans ce qu’ils appellent « Notre Château », une vaste maison dont ils ont hérité vingt ans auparavant, à la mort de leurs parents. Tous deux y mènent une existence solitaire et dissimulée, exilée du monde. Pas d’amis, pas de famille ; ils se suffisent à eux-mêmes. Néanmoins, Octave sort une fois par semaine, le jeudi, où il se rend invariablement chez son libraire pour leur provision de livres hebdomadaire, car Véra et lui sont de grands lecteurs, au point que cette activité les absorbe pour ainsi dire entièrement. Leur quotidien est fait de cette sage routine, de petits rituels et de la sécurité qui en découle. Pourtant, un jour, un jeudi précisément où il se trouve en ville, Octave aperçoit sa sœur dans un bus : c’est impossible, Véra ne sort jamais. D’ailleurs, où pourrait-elle aller ? Ils n’ont aucun secret l’un pour l’autre. Cette vision de sa sœur empruntant les transports est une lézarde dans leur muraille, qui, en l’espace de trois jours, s’élargira jusqu’à ébranler le socle du monde que ces deux-là ont érigé avec leur douce névrose. L’acmé de ce qui est en train de se transformer en tragédie prend la forme d’un coup de sonnette à la porte du château, le samedi suivant… N’en disons pas davantage pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur, embarqué dans le récit d’un personnage tout à la fois acteur, spectateur et narrateur, scandant son histoire au moyen de martèlements langagiers itératifs où affleurent la mémoire confuse et les désirs inavouables. Dès les premiers mots, on avance frissonnant sur le fil d’une narration ultra-référencée, en cherchant à résoudre l’énigme de cette étrange fratrie, au sein de laquelle les liseurs écrivent leur propre scénario diabolique dont ils nous prennent à témoin. Ce vertige livresque est jouissif, d’autant plus qu’il brasse thèmes shakespeariens et hitchcockiens dans un chaudron où bout une mixture originale et savamment dosée.

Jouant avec les codes du gothique et du fantastique, Emmanuel Régniez compose un roman inédit, inquiétant et obsédant, comme la photographie sans âge et démultipliée sur la couverture du livre, objet particulièrement soigné, qui ajoute encore au plaisir de la lecture avec un beau papier et une typographie de qualité. Ne nous privons pas, c’est un pur régal !

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Ce n’est pas le château de a Belle au Bois Dormant

Octave et sa sœur Véra vivent dans une grande maison qu’ils appellent « Notre château ». Ils en ont hérité, il y a vingt ans, à la mort de leurs parents et depuis vingt ans y habitent sans jamais en sortir. « Cela fait vingt ans que ma sœur et moi habitons cette grande, si grande, et belle, si belle maison. Si grande et si belle que nous l’appelons Notre Château. » Cette vie de reclus est interrompue par la sortie hebdomadaire du jeudi chez son libraire faire provision de livres. C’est leur seule activité, leur seule passion et la bibliothèque du château, leur maison. Ils vivent une sorte de routine, comme un vieux couple qu’ils sont. Ce jeudi, Octave aperçoit sa sœur dans un bus à 14h32 exactement, dans le bus n°39. Or, sa sœur ne sort jamais et refuse de prendre le bus. Que se passe t-il, quelle est cette cachotterie ? Cette vision est la première lézarde dans le mur qu’ils se sont construits après la mort de leurs parents dans un accident de voiture. Ils n’ont pas d’amis, pas de connaissance, personne ne vient sonner à leur porte. Un autre jour, « A 11h03, précisément, on a sonné à la porte de Notre Château. Je suis allé ouvrir. Véra dormait.». Ce coup de sonnette est un pas de plus dans la tragédie. Je n’en dirai pas plus pour ne pas dévoiler ce livre palpitant. Emmanuel Régniez joue avec le paranormal, le gothique. Par le martèlement, l’itération, il scande ses phrases, m’enroule dans son histoire, m’envoûte. Ce livre va crescendo. J’y avance en me posant plusieurs questions (qui auront leurs réponses au fil de ma lecture). Véra et Octave semblent être les prisonniers volontaires de cette maison où je me trouve prisonnière à mon tour. Une écriture maîtrisée, jouissive pour un tourbillon ou une descente vertigineuse. Une superbe lecture, un régal. . Les photos en fin de livre ajoute au mystère N’hésitez pas, entrez dans leur Château. Un bel objet que ce livre. Une nouvelle belle découverte des Editions du Tripode qui chouchoutent leurs lecteurs

partagez cette critique
partage par email
 
nuit blanche

Notre château… où règne une atmosphère étrange

Pour ses débuts en littérature, Emmanuel Régniez s’est souvenu des contes de son enfance. Quand, entouré de ses parents, il rêvait sa vie plutôt qu’il ne la vivait. Entouré de ses sœurs, il aimait de raconter des histoires, accompagner son père dans des parties de chasse mémorables. « Nous étions si heureux au sein de notre château, au milieu des bois, sur la pente d’une colline. » Cependant Octave n’est pas dupe. «En réalité je n’allais pas à la chasse mais j’accompagnais mon père au marché et l’aidais à vider le coffre de la voiture. Ma mère souvent râlait car mon père n’avait pas acheté ce qu’elle voulait.» On ajoutera que le château n’existait pas davantage. Du moins jusqu’au jour où un notaire annonça que la famille héritait d’une grande et belle maison, en ajoutant qu’une clause dudit testament interdisait au père d’y habiter. Cette bizarrerie a-t-elle provoqué l’accident de voiture mortel sur la route du retour ? Personne ne le saura jamais. Toujours est-il que les orphelins purent dès lors prendre possession du château. Octave, le narrateur, et Véra vont y aménager une grande bibliothèque et y vivre quasiment reclus. « Notre monde est contenu dans Notre Bibliothèque. Notre monde est notre bibliothèque. » Octave s’autorise une sortie par semaine, à la librairie du centre-ville, afin d’acheter quelques ouvrages supplémentaires. C’est à ce moment, très précisément le jeudi 31 mars à 14h 32, que leur existence si paisiblement réglée, va basculer. Octave voit Véra, qui ne sort jamais et à fortiori jamais dans un bus, « dans le bus n°39 qui va de la Gare à la Cité des 3 Fontaines, en passant par l’Hôtel de ville. » Un incident somme toute banal, mais qui mettre à mal toutes les certitudes, entrainer toute une série d’autres phénomènes étranges. Qui a tort ? Qui a raison ? Où se situe la frontière entre l’étrange, le fortuit et l’irréel ? En choisissant de répéter certaines phrases, comme pour les marteler, l’auteur réussit à installer une atmosphère très prenante, qui nous fait douter de nos certitudes. Véra a-t-elle raison de reprocher son entêtement à Octave ? «Coupable comme tu sais l’être, tu es prêt à inventer n’importe quelle histoire». Voilà le lecteur pris au piège, incapable de trancher. Ce couple énigmatique dans cette demeure mystérieuse a quelque chose d’hypnotique. À l’image du cahier photo de Thomas Eakins rassemblé en fin de volume. Seul petit bémol, la couverture qui est à mon sens totalement manquée et ne poussera sans doute pas à l’achat spontané en librairie. Du coup, les blogueurs sont là…

Retrouvez Henri Charles Dahlem sur son blog 

partagez cette critique
partage par email
 
coup de coeur

Huis clos

Un texte envoûtant, oui, c’est ça, envoûtant… Déjà la couverture n’est pas spécialement rassurante. Ou alors, j’y projette ma lecture, oui, c’est fort possible… Un frère et une sœur vivent coupés du monde, depuis vingt ans, dans une ancienne demeure dont ils ont hérité à la mort de leurs parents et qu’ils ont baptisée « Notre château ». Ils y ont toujours vécu, en sortent très rarement et n’ont jamais de visites : seul Octave, tous les jeudis, se rend en ville pour acheter des livres. Véra lui prépare la veille une liste d’oeuvres qu’elle désire « ardemment lire ». Véra ne peut pas ou ne sait pas attendre. Octave les trouve toujours et les lui rapporte sans faute. Il faut dire qu’ils ont l’un et l’autre un goût prononcé pour la lecture : « Ma sœur et moi sommes hantés par les livres. Si nous avons décidé de nous retirer du monde, c’est pour lire, uniquement lire. Nous passons nos journées à cela, à lire et encore lire. » Cela explique peut-être pourquoi Véra ne sort pas… Or, ce jeudi 31 mars à 14h32, Octave voit sa soeur dans le bus n°39. Or, il le sait, c’est impossible : Véra ne sort jamais et même si elle sortait, elle ne prendrait jamais le bus. Absolument impossible. Il lui en parle le soir et cela la fâche. Evidemment que ce n’était pas elle, comment a-t-il pu imaginer cela ? Et pourtant, il n’a pas pu se tromper. Aurait-elle menti ? Quelque chose est-il en train de se fissurer entre eux ? Pour Octave, c’est inconcevable. Alors ? Devient-il fou ? A-t-il rêvé ? Je n’en dirai pas plus… mais vous allez être plongé dans une atmosphère pesante, angoissante, vous ne pourrez quitter la maison à votre tour, prisonnier de cette écriture répétitive et obsédante, attendant, dans le silence de chacune des pièces de cette vaste demeure, que quelque chose survienne, parce que l’on sent que c’est imminent… Et l’on n’est pas déçu ! J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman d’Emmanuel Régnier qui a pu me faire penser à l’atmosphère étouffante de certains textes de Henry James. Les superbes photos du peintre anglais Thomas Eakins que l’on découvre à la fin du roman finissent de nous plonger dans l’ambiance étrange du roman. Vous ne serez pas près de l’oublier…

Retrouvez lucia lilas sur son blog 

partagez cette critique
partage par email
 

Danse macabre

Notre château Octave et Vera vivent ensemble dans une grande demeure dont ils ont hérité et à laquelle Octave qui est le narrateur semble être extrêmement attaché. Il l’appelle « Notre Chateau ».Ils font tout ensemble ou presque et mènent la vie normale d’un couple très uni. Vera ne sort jamais, Octave se rend une fois par semaine, le jeudi, en ville, faire provision de livres car la littérature est leur seule passion et leur seule ouverture sur le monde extérieur: ils vivent reclus et ne voient jamais personne. Ils se suffisent à eux même, et après tout pourquoi pas..? Or, ils sont….frère et sÅ“ur! Nous voilà face à un couple incestueux dont les parents sont morts dans de mystérieuses circonstances 20 ans auparavant après leur avoir fait vivre une enfance que d’abord nous croyons idéale mais qui se révèle horrible et traumatisante, ce que nous découvrons au fil des pages. Un grain de sable vient lézarder leur mécanique quotidienne impeccablement huilée et le conte de fée bascule vite dans la psychose et on ne sort pas indemne de ce livre, ou folie et cruauté sont d’autant plus prégnantes qu’elles se dévoilent page après page..  Parallèlement, le thème de la maison qui enveloppe et qui protège, (on pense à « la maison coquille » de S Tamaro), le sentiment parfois irrationnel d’appartenance véritable à un lieu, la Nostalgie sont décrits avec beaucoup d’intelligence. Injustement peu traité par les critiques littéraires depuis sa parution ce petit bijou d’écriture mériterait d’être un peu plus diffusé, nous sommes face à un véritable objet littéraire (avec en sus des photos et une très belle couverture ) très étrange, très original, dérangeant et vraiment digne d’intérêt. 

partagez cette critique
partage par email