Nous ne sommes pas de mauvaises filles
Valérie Nimal

Anne Carriere
janvier 2019
 17 €
 
 
 
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A folie, folie et demie

Maud et Marie ont une mère « folle », habituée des tentatives de suicide, aux passages plus ou moins bref et répétés en hôpitaux psychiatriques, à l’instabilité sentimentale et émotionnelle exacerbée.

Valérie Nimal découpe son récit en trois parties : la mort de la mère, l’enfance et « après » la mort.

La première partie est la partie d’exposition, de présentation du cadre du récit. On comprend tout de suite les enjeux proposés par Valérie Nimal au lecteur : l’accompagner dans la compréhension et l’apprivoisement d’un passé torturé, aussi bien pour la mère que les filles, que d’un avenir en pointillé qui doit faire table rase du passé, justement.

Sujet hautement risqué où l’auteur pourrait se vautrer dans le pathos, Valérie Nimal traite son sujet de façon admirablement subtile, sans manichéisme. Les parties deux et trois se répondent merveilleusement et sont chacune structurées intelligemment.

Dans la seconde partie, Valérie Nimal égrène, chapitre après chapitre, une année de la jeunesse de Maud, chacune liée à un souvenir. Valérie Nimal décrit les symptômes, les errances, les fêlures de la mère autant que celles crées chez les filles. L’enfance est la période où on se construit. Mais comment se construire quand les exemples qu’on reçoit sont ceux de personnes qui se déconstruisent petit à petit ? Maud doit parvenir à s’édifier avec l’ambivalence de sa mère, à la fois aimante et impossible à vivre, à critiquer sans cesse ses enfants, à ne pas être capable de leur offrir la confiance en soi indispensable.

C’est donc l’enjeu de la troisième partie, organisée en chapitres représentant chacun une pièce de la maison familiale dans laquelle Maud se déplace pour trier, classer, rager, jeter… Chaque pièce représente une partie de la vie de sa mère, une partie de sa propre vie. Cette maison est comme le miroir du cerveau de Maud. Elle trie les affaires de sa mère comme on trie ses souvenirs, comme on fait le ménage dans sa tête pour mieux repartir de l’avant. Repartir de l’avant est d’ailleurs une expression particulièrement truculente dans la mesure où il convient de faire le deuil de l’avant pour envisager un après. C’est ce que doit faire Maud si elle veut survivre.

Il y a dans le récit de Valérie Nimal une urgence vitale qui se retrouve dans son style, direct, rapide, qui va droit au but sans prendre de détours, une sorte d’efficacité indispensable qui touche au cœur.

Il n’y a finalement ni mauvaises filles, ni mauvaise mère. Il n’y a que des écueils, des récifs, des chausses-trappes qui jalonnent des parcours chaotiques qui ne sont jamais lisses et qu’on fait de son mieux pour les assimiler, sans s’arrêter, pour aller de l’avant.

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