Père inconnu
Patrick Denys

Grasset
avril 2017
240 p.  19 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
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coup de coeur

Merci à Nath ma copine parisienne d’en avoir parlé avec passion et à Anne des Éditions Grasset de m’avoir permis de découvrir ce magnifique récit.

J’aime découvrir les premiers romans et celui-ci est autobiographique et intense.

Nous sommes en Bretagne, en 1940. Dorine a deux filles d’un premier mariage, après le décès de son mari, elle a épousé en secondes noces François Le Gall, un marin. Ce n’est pas un mariage d’amour mais de cette union est née une troisième fille. Dorine a une passion : la mer et son voilier « Le Buan ».

Patrick Denys nous décrit sa Bretagne à merveille, c’est presque un personnage à part entière. Les descriptions des paysages, de la mer, des marins sont superbes.

1940, François est parti à la guerre. Un résistant, capitaine mais aussi prêtre s’installe chez Dorine, il s’agit de Ludovic Chambrin.

Ce sera le début d’une passion de laquelle naîtra Paul. Paul Bernard, un nom d’emprunt donné à la va-vite à la mairie, un enfant né de parents inconnus…

François rentrera de la guerre et répudiera en quelque sorte Dorine, l’installant dans une petite maison à Benodet, confiant leur fille à sa soeur. C’est là que grandira Paul, sous le poids de la honte, du déni, sans savoir ce qu’est un père.

Dorine et Ludovic continueront à se voir malgré l’ingérence du pouvoir ecclésiastique qui écarte Ludovic en l’affectant dans une autre paroisse. Une passion, un déni. Ludovic est partagé entre la peur de gâcher sa vie et le questionnement de l’amour à donner aux autres… et lui ? Sa propre existence doit-elle être autre ?

Un magnifique premier roman émouvant. Une plume authentique, sincère donnant la parole alternativement à Paul, Ludovic, Dorine et Jeanne la bonne de Dorine. Un roman montrant les forces et les failles de chacun, parlant de la quête du père, la résilience et le pardon.

Un excellent moment, merci encore à Nath de m’avoir donné l’envie de découvrir cette pépite. Une plume à suivre que je vous recommande.

Ma note : 9.5/10 pas très loin du gros coup de ♥

Les jolies phrases

Tu as raison, le possible ça n’existe pas. Les choses sont ou ne sont pas.

C’est quoi la raison ? Le désenchantement, l’ennui, l’aversion ? Et c’est quoi l’amour ? Devenir folle, sans doute. Folle de bonheur.

Ludovic cherchait le regard de Dorine et continuait de l’éviter dès qu’il le croisait, ce jeu d’esquives devenait irrésistible et cela n’avait rien à voir avec l’âme, rien qui fût pensé ou réfléchi, cela venait du creux de son ventre, un désir immense de sentir sa peau contre la sienne.

Enfermé dans votre caverne, que saviez-vous du désir ? Sans doute vous étiez-vous fait une représentation du feu mais aucun incendie ne vous avait encore embrasé. Vous ignoriez encore que les brûlures ne sont pas de l’ordre de la pensée, mais de l’affection. Vous vous croyez à l’abri de l’humanité des autres, ignorant qu’elle peut être tout simplement désirable; cette découverte inattendue vous était insupportable. A quel moment avez-vous posé vos lèvres sur la bouche de cette femme ? L’avez-vous dénudée ce jour-là? Était-ce pour vous une première fois ?

Quand on n’a plus rien à partager, disait-elle, la présence de l’autre est une souffrance.

Pour nous, la religion, c’était le respect des choses saintes, et les choses saintes, ça n’était jamais triste, ça ne faisait peur à personne.

Depuis la naissance de l’enfant, tout se passe comme si les liens de sa vie et de sa conscience s’étaient délités.

Vous ne m’avez pas donné votre nom, vous ne m’avez rien donné. Ma mère non plus ne m’a pas donné mon nom. Il a fallu en inventer un à la sauvette pour l’état civil. Même les fruits vénéneux ont leur nom.

Avez-vous jamais songé à cela, à la perte ou au refus du nom comme un dépouillement, une mise à nu ? L’irrémédiable amnésie, l’oubli du nom de l’autre, comme s’il n’existait pas. La béance de ce vide.

Savez-vous que c’est vertigineux, la lacune du nom ?
Nom du père : Nom de la mère :
Deux points et le vide de l’espace blanc sur une carte d’identité ! Comment un arbre pourrait-il s’épanouir si les racines ont été coupées, qui le raccordaient au sol ?

Et pourquoi pas l’amour de soi-même ? Peut-on vivre heureux, se demande-t-il, si l’on ne donne pas une priorité au goût de sa propre existence ?

Le corps est à l’âme ce qu’est la bête au dompteur, une bête fauve et dangereuse et familière des ruses du « malin ».
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