Plus rien que les vagues et le vent
Christine Montalbetti

POL
fiction
août 2014
284 p.  16,90 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Quand un corbeau se prend pour une mouette.

Depuis quelques temps, nombre d’écrivains français ont leur période américaine, qui est même en passe de devenir un genre. Avec « Plus rien que les vagues et le vent », Christine Montalbetti nous livre son roman américain. Dès le titre, nous y sommes : la côte ouest, le Pacifique, l’extrême limite des Etats-Unis qui nous font rêver ; mais on va découvrir que la réalité s’engouffre parfois dans les rêves avec brutalité, selon le mot de Sylvie Germain.

Un voyageur français qui fait ami-ami avec son lecteur dès la première page, s’apprête à nous raconter l’aventure qui lui est arrivée à Cannon Beach, dans l’état de l’Oregon, à l’extrême nord-ouest des Etats-Unis. Il faut dire tout de suite qu’une fois arrivé là, on ne peut pas aller plus loin, on est coincé par l’océan ; il semble d’ailleurs que le personnage s’est arrêté dans cette petite ville parce qu’il ne pouvait pas aller plus loin : après tout, c’est une bonne raison. Après avoir mangé un morceau, il a pris une chambre dans un motel du coin, The Waves, presque les pieds dans l’eau ; de sa chambre il a l’impression d’être sur la plage. Ce n’est pas un lieu très hospitalier, aussi notre héros décide-t-il de n’y passer qu’une seule nuit. Aux dernières nouvelles, il y est toujours.
Au Retour d’Ulysse, le bar où il prend l’habitude de se rendre, il rencontre trois habitués qui, soir après soir, échauffés par l’alcool, lui racontent leur existence, le passé, les échecs, les errances. Lui, l’étranger, écoute, conjecture et extrapole avec les clichés qu’il porte dans ses bagages, relayant les histoires de chacun, tous un peu des losers enfermés dans « des vies de discount ». Il y a aussi un certain McCain, le ténébreux, celui qu’on craint, et qui fait la loi dans les parages avec ses hommes de main. Enfin il faut ajouter que Cannon Beach est célèbre pour Haystack Rock, l’un des plus grands monolithes côtiers et point final de l’expédition de Lewis et Clark, les deux explorateurs américains qui croisent de façon curieuse (mais pas d’inquiétude, on ne se s’étonne de rien) le récit du personnage de Christine Montalbetti, qui possède un sens du décor et de la distribution des rôles particulièrement cinématographique. Le Pacifique porte ici bien mal son nom, mi animal mi humain, qui appâte ses proies avec des promesses séculaires de liberté mais montre son visage de cerbère à ceux qui se laissent prendre à ses histoires sans fin. Au fil d’une chronologie qui étire et tord la narration, sur fond de bande originale océanique, le lecteur ne lâche pas d’une semelle son cicérone, et pour cause, c’est lui qui raconte.

Christine Montalbetti nous donne sa version du roman à l’américaine à travers les yeux d’un personnage énigmatique, attachant par sa naïveté et son sens de l’ironie, qui charrie toutes les histoires, légendes et récits de ceux qui ont un jour approché la limite du grand continent. Ce roman surprenant et subjectif, à l’humour décalé, raconté au rythme du mouvement perpétuel de l’océan, n’est pas du genre à nous laisser flâner sur la plage mais nous attrape dans ses filets qui écorchent au passage nos idées reçues et nos velléités d’aventures.

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