critique de "Ravensbruck mon amour", dernier livre de STANISLAS PETROSKY - onlalu
   
 
 
 
 

Ravensbruck mon amour
STANISLAS PETROSKY

L'atelier Mosésu
-[39-45]-
mars 2015
221 p.  18 €
ebook avec DRM 4,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

Bienvenue dans un enfer inhumain, essayez de conserver votre lueur d’espoir…

Précision liminaire : ce livre est sorti en 2015, en même temps que deux autres récits ayant tous pour thème la Seconde Guerre Mondiale. Pris entre une PAL qui ne désemplit pas et la crainte d’être déçu après avoir découvert la plume de Stanislas lors d’un concours de nouvelles, exercice différent du roman où il semble exceller, j’ai mis plus de 9 mois à accoucher de cette lecture… Mieux vaut tard que jamais. Je vous le fais rapide sur le sujet : Ravensbrück, les camps de la mort, les nazis, les SS, les tortures, les exterminations. Quelques « spécificités » tout de même : Ravensbrück est avant tout un camp de femmes. Ce qui n’allège en rien ce qui s’y est passé pendant 6 ans. Une personne tzigane, une personne juive, une personne homosexuelle, qu’elle soit homme ou femme reste un être inférieur qui, aux yeux des allemands nazis, mérite la mort. Stanislas Petrosky s’empare d’un sujet particulièrement dur dans lequel Thanatos étend tout sa puissance. Thanatos planant au-dessus de cette tragédie historique, Eros n’est pas loin. Et fort heureusement, malgré une histoire d’amour qui intervient comme une respiration dans un univers infernal, l’auteur évite soigneusement le piège du pathos. Le roman est donc à ce titre équilibré, autant qu’il peut l’être compte tenu du sujet. Prenez votre respiration. Encore. Mieux que cela. Un maximum d’air… Vous êtres prêt ? Alors plongez avec moi dans la vie de Gunther, à peine adulte au moment de se faire enrôler de force pour la construction du camp de Ravensbrück. Ce que Gunther sait le mieux faire c’est dessiner. C’est ce qui va momentanément le sauver : il se voit propulser « dessinateur officiel » du camp. Sa balance penche alors plutôt du côté des bourreaux même si tout ce dont il est témoin le révolte. Peureux, lâche, tenant à sa vie, il va faire ce dont il se sent capable pour « résister » à sa manière : il va dupliquer tous les dessins de tortures, d’exactions des soldats, des médecins et des responsables du camp, d’expériences médicales, les cacher pour en faire un témoignage de l’horreur des camps. Il profitera de sa situation privilégiée pour apporter un peu d’aide et de réconfort, aussi maigres soient-ils, aux prisonniers. Sa situation est d’ailleurs précaire et il n’y a pas loin d’ici à ce que sa balance personnelle ne rebascule du côté des prisonniers. Et malgré ce contexte, Gunther va tomber amoureux d’une prisonnière française juive. Peu importe l’issue de l’histoire des personnages de Stanislas Petrosky. Peu importe le devenir de Gunther, d’Edna (la femme dont il tombe amoureux), d’Hélène qui travaille à l’atelier de confection, le seul endroit vivable, si ce terme a encore un sens, du camp… Seule compte la narration détaillée de l’enfer vécu par les prisonniers et par les allemands enrôlés de force. La haine, la torture, la persécution par la terreur étaient leurs lots communs, les premiers en souffrant mille fois plus que les seconds. Les premiers chapitres du livre font donc office de descente aux enfers. Quand on pense avoir atteint l’horreur absolue, le génie de la persécution et de la torture des nazis dévoile systématique une nouvelle facette et permet de s’enferrer toujours loin dans l’atrocité et la barbarie. Il n’y a plus aucune humanité dans les camps : ni chez les prisonniers traités encore moins bien qu’un animal ni du côté des tortionnaires qui n’ont plus d’âme. Stanislas Petrosky parvient à rendre ces situations tragiques d’autant plus réalistes pour le lecteur qu’il parvient à entraîner celui-ci à la suite de Gunther. Le livre est construit sous forme d’un témoignage a posteriori d’un homme sur son lit de mort, âgé, qui se souvient de ces 6 années terribles. Ecrit au passé, Stanislas Petrosky part à chaque chapitre d’un souvenir de Gunther pour, à un moment donner, glisser au présent et passer son texte en italique pour marquer le passage du souvenir à une évocation d’un présent pourtant vieux de plusieurs dizaines d’années, comme si le lecteur était projeté dans le passé avec Gunther, comme si on expérimentait un voyage dans le temps. C’est la grande réussite de Stanislas Petrosky que d’avoir pu s’emparer de son sujet et d’en faire un livre qui ne sombre pas dans le pathos, qui ne sombre pas non plus définitivement dans l’horreur, laissant au lecteur un échappatoire possible, lui offrant des lueurs d’espoir. Un moment très fort de lecture à ne pas réserver à tous les yeux tant Stanislas Petrosky ne cache rien des actes barbares opérés par les nazis, ce qu’il parvient à faire qui plus est sans avoir recours à un langage vulgaire, simplement un langage criant de vérité, de sincérité et d’empathie pour les héros qu’ils fussent ouvertement résistants ou dans l’ombre comme Gunther.

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