Trois jours
Laurence Barry

Editions Carpentier
mars 2015
238 p.
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
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coup de coeur

Judith, après être née et avoir vécu son enfance et adolescence en France, part vivre en Israël pour y épouser Ran, travailleur dans un kibboutz. Sarah et Samuel, les parents de Judith, y vivent également pour y avoir suivi leurs fils Jonathan qui s’est engagé dans l’armée israélienne avant de prendre un emploi de gardien d’un supermarché et d’y trouver la mort dans un attentat. Cette mort, et la chape de plomb entourant la vie des habitants résidant proches de la frontière avec la bande de Gaza, a achevé de détruire Samuel qui vit refermé sur lui-même. C’est à peine si la naissance des deux filles de Judith a pu l’extirper de sa torpeur… jusqu’à ce que Juliette, la seule des enfants de Samuel et Sarah restée en France, ne leur annonce lors d’un séjour en Israël qu’elle sort avec Medhi, arabe d’origine, et qu’elle compte faire sa vie et s’installer avec lui.

« Trois jours » est le récit de la folle épopée de Judith qui, pour tenter de sauver son père, va passer trois jours à Paris pour essayer de détruire le couple que forme Juliette avec Medhi.

Autant le dire tout de suite, ma lecture de la première partie du livre a été très largement plombée par le point de départ de l’histoire : l’idée de faire en sorte de briser un couple au nom d’une religion (tout autre motif n’étant pas plus recevable à mon sens) m’était insupportable, dépassait pour moi l’entendement. Et toutes les fausses bonnes justifications avancées par Judith étaient pour moi autant de raison de la mépriser, au-delà de toute considération de sa situation de femme juive vivant dans un pays en guerre avec un peuple dont le copain de sa sœur partage la religion, au-delà de tout sentiment de trahison provoquée par l’annonce de Juliette de sa liaison avec un arabe. Rien ne peut justifier les tentatives de Judith.

Mais peut-être fallait-il en passer par là pour accéder à autre chose, provoquer une prise de conscience par Judith de ce qu’elle est en train de faire et surtout des raisons qui ont poussé Jonathan dans le passé à partir en Israël, s’engager dans l’armée, provoquer son destin et sa fin tragique et entraîner par une simple décision sa famille sur une pente morbide, à tout le moins sclérosante.

Comme toute famille, celle de Judith et Juliette cache des secrets qui la plombe, en étau qui s’auto-entretient par le silence, le non-dit, la volonté d’ignorer la vérité, le faux-semblant consistant à faire « comme si ».

A ce titre, la seconde moitié du livre est vécue, tant par les personnages que par les lecteurs, comme une véritable libération, à tout le moins le début d’une prise de conscience par chaque protagoniste de ses propres errements et de ceux des autres, conditions sine qua non pour arriver à passer outre qui des préjugés, qui un mal-être, qui une haine.

La figure de la grand-mère aveugle est d’ailleurs merveilleusement symptomatique en ce sens qu’elle est la seule capable de voir malgré sa cécité au-delà des apparences, à percer la chape de plomb qui lie tous les membres de la famille, à s’attacher au bien-être plutôt qu’au bien-paraître.

Roman donc bancal, penchant un coup du côté obscur de la force et un autre du bon côté de la force, ces « Trois jours » proposent quelques beaux passages sur les liens familiaux, sur l’amitié et l’amour, sans verser dans la mièvrerie ou le grandiloquent, pièges agréablement évités par Laurence Barry dont c’est le premier roman (c’est une caractéristique de cette collection dont l’objectif est de permettre à des auteurs issus des candidats non primés du prix Matmut du 1er roman de publier leur premier livre). Un roman imparfait donc mais prometteur.

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