critique de "Une année qui commence bien", dernier livre de Dominique Noguez - onlalu
   
 
 
 
 

Une année qui commence bien
Dominique Noguez

FLAMMARION
septembre 2013
400 p.  20 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

La beauté de l’amour fou

Je connais Noguez depuis nos années de formation à Bordeaux et à Paris. Je crois avoir été un des premiers, avec Bernard Pautrat, à avoir accès à ses textes. J’avais, à l’époque, une curieuse pudeur qui faisait que je ne pensais qu’à écrire, mais que je me serais fait tuer plutôt que de l’avouer. J’avais été gêné de cette confiance que Noguez nous faisait et, en vérité, je n’avais pas aimé ce que j’avais entendu. Quelques années plus tard, ces textes ont été publiés, à ma grande incrédulité. Il m’a fallu longtemps pour comprendre que c’est lui qui avait raison, dans cette détermination qui était la sienne de se vouloir écrivain et de mettre en Å“uvre tout ce qui était nécessaire pour être reconnu en tant que tel, d’être écrivain envers et contre tout, en dépit des succès et des échecs. Je me drapais dans un orgueil imbécile et attendais je ne sais quoi…

Noguez a écrit de nombreux bouquins, certains ont eu une belle reconnaissance – le prix Femina pour Amour noir -, d’autres n’ont pas fait beaucoup de vagues. Je ne les ai pas tous lus, loin de là. Et puis, j’ai recommené à le suivre, après son livre sur Duras, je crois. Avec le sentiment confus qu’il n’avait pas encore donné tout ce qu’il pouvait, qu’il hésitait à s’aventurer en haute mer. C’est chose faite avec Une année qui commence bien – le récit magnifiquement écrit d’un amour fou, amour malheureux, bien sûr – en est-il d’autres ? – où le narrateur passe par toutes les souffrances, tous les émerveillements devant l’aumône qui peut lui être, très rarement, faite d’un geste de tendresse, d’un début d’abandon, toutes les crises de désespoir devant la cruauté de l’être aimé, tous les soupçons, toutes les errances d’un délire de jalousie incontrôlable – que les moyens modernes de communication ne font qu’amplifier. Passion comme chemin de croix. Nulle complaisance dans cette analyse – nous sommes aux antipodes de l’impudeur plate de certains écrivains, de certaines auteures contemporaines -, mais une nécessité vitale d’avancer dans une Å“uvre qui note avec précision le miracle ambigu de la rencontre mais qui aide aussi à vivre alors que menace l’échec du rêve ; il faut bien se mettre à nu, quoique tout en soi y répugne, pour essayer de comprendre ce bouleversement qui transforme une vie en apparence réglée en un maëlstrom de sentiments contradictoires, d’exaltations et de dépression, de joies, de jeux, de solitude. Noguez transgresse les limites qu’il s’était depuis longtemps imposées, et c’est tant mieux.
Chemin faisant, il donne du petit monde germano-pratin une image d’une cruauté sans pareil, de sa vacuité, de sa suffisance, de son absolu manque de spiritualité – on pense à la peinture proustienne du salon de madame Verdurin -. La référence à Proust s’impose à plusieurs reprises – à un Amour de Swann, tout particulièrement – « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! » fait écho au jugement de Houellebecq que le narrateur rapporte : « il ne te mérite pas ! ».
Ah oui, je n’ai pas dit que l’objet de la passion du narrateur était un garçon. Il faut croire que cela n’a pas d’importance et que seul compte la beauté de l’amour fou.

Retrouver Patrick Rödel sur son blog

 

Lire aussi l’avis d’Alexandre Fillon (Lire, Livres Hebdo, Le JDD), l’un de nos « critiques invités »

 

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