critique de "Web spiritus", dernier livre de Jean-Christophe Issartier - onlalu
   
 
 
 
 

Web spiritus
Jean-Christophe Issartier

Editions Confluences
litterature
janvier 2014
550 p.  12 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Pouvons-nous échapper à l’emprise de la bête ?

On ne dira jamais assez le plaisir qu’il y a à se plonger dans un bouquin de 600 pages dont l’intrigue est si bien ficelée qu’il vous est impossible de l’abandonner, que vous attendez avec impatience le soir pour en retrouver les personnages, que vous vibrez aux retournements, coups de théâtre, coup du sort ou du cÅ“ur qui s’enchaînent à un rythme infernal, que vous passez allègrement de l’Ephèse du 1er siècle de notre ère, – les milieux johanniques, les mystères de l’Apocalypse, la diffusion en dépit des persécutions ou à cause d’elles du christianisme jusqu’au cÅ“ur de l’Empire – à ceux qui secouent notre XXIe siècle, la dérive des recherches scientifico-techniques et les risques qu’elles font courir à l’humanité. Le livre de Jean-Christophe Issartier appartient à cette catégorie.
Sur l’île de Patmos, où il est consigné par les autorités romaines, Jean a achevé la mise par écrit des visions qui formeront l’Apocalypse – la révélation, le dévoilement, selon l’étymologie du terme et non la fin catastrophique du monde -. Il y est aidé par un de ses disciples préférés, Timée, le fils d’un haut dignitaire romain qui après avoir caché, pendant un temps, sa conversion est obligé de fuir, poursuivi pas la haine des siens. La pointe du livre est l’annonce prophétique de l’apparition, à la fin des temps, de la Bête qui semble concentrer en elle toutes les potentialités sinistres du mal. Mais comment la reconnaîtra-t-on ? A quel signe ? Les manuscrits, sur ce point, ne sont pas fiables et c’est sur cette difficulté de lecture que se greffe le roman d’Issartier. Il imagine que, dès le départ, deux écoles s’affrontent – ceux qui veulent que la Bête soit précisément nommée afin que les hommes puissent s’en prémunir et ceux qui veulent que son nom soit tenu secret pour que s’accomplisse le salut des seuls élus. La lutte est sans merci entre les mystiques et les politiques – entre Timée et Aegidios. Et bien sûr, les politiques semblent l’emporter.
Voici qu’à notre époque, un archéologue découvre un manuscrit de l’Apocalypse antérieur aux versions connues jusqu’à présent et où le nom de la Bête pourrait être déchiffré. Mais cela déclenche une série de meurtres inexplicables dont il faudra toute la perspicacité du héros, William Fischer, pour percer le mystère. Depuis Aegidios, une secte protège le secret du nom de la Bête, mais les choses se sont compliquées et accélérées, depuis quelques années. Certains veulent se prévaloir de ce secret pour assurer leur propre survie, quel que soit le prix à payer pour le reste de l’humanité ; tandis que d’autres estimant ce prix monstrueusement trop élevé entreprennent de supprimer tous ceux qui concourent, par leurs travaux, par leurs découvertes, à déshumaniser l »homme – et la guerre que ces deux groupes se mènent est sans pitié. Le monde échappera-t-il à ces forces qui semblent le mener à sa perte ? les nouvelles technologies et le développement des réseaux informatiques prennent la place de l’homme considéré comme un être doué de conscience et libre de choisir son destin.
On voit que les questions que soulève le livre d’Issartier n’ont rien de fantaisiste – nous y sommes ou nous y serons confrontés. La dramatisation de l’affrontement de deux extrémismes opposés ne doit pas occulter la réalité même du problème soulevé. Pouvons-nous échapper à l’emprise de la Bête ? L’approche d’Issartier est sombre, même si Web spiritus s’achève par une naissance qui pourrait être un signe d’espoir.
Jamais l’érudition d’Issartier n’est pesante, il est aussi à l’aise pour évoquer le combat des Daces contre les légions romaines que pour développer les arguments des militants anti-progrès, dans la salle de la Mutualité. Je laisse à chacun des futurs lecteurs d’Issartier le plaisir ou l’angoisse de découvrir le vrai nom de la Bête et d’imaginer les moyens qui lui permettront, peut-être, de s’en prémunir.

Retrouvez Patrick Rödel sur son blog

 

partagez cette critique
partage par email