Zoé
Alain Cadéo

Mercure de France
coll bleue
février 2015
160 p.  15 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Un petit bijou à savourer sans modération

Je ne connaissais pas Alain Cadéo. Cet été j’ai été intriguée car Willy Lefevre et son blog Les plaisirs de Marc Page a inondé FB de photos et de petites phrases du roman « Zoé ». Il était subjugué, envoûté par Zoé et voulait nous transmettre sa fascination pour elle.

Il y a peu j’ai croisé la route de Zoé en librairie et il m’a semblé évident que je devais lire ce roman. Ma pile à lire est énorme mais très vite, Zoé est restée à la surface.

Je viens de la découvrir et comme beaucoup d’entre vous qui l’ont découverte, je suis sous le charme. J’ai adoré la plume magnifique d’Alain Cadéo et Zoé c’est certain fera partie , et c’est assez rare chez moi, des livres que l’on a envie de relire pour la beauté des mots.

Mais qui est Zoé, me direz-vous ?

Zoé a dix-huit ans, elle a raté son bac et durant l’été devient apprentie vendeuse en boulangerie. Elle est superbe, en pleine jeunesse, belle à croquer. Son chemin va croiser celui d’un homme mûr qu’elle baptisera Henry. Lui, la soixantaine vit reclus en solitaire dans un vieux fort à une dizaine de kilomètres du village. Il passe ses journées à écrire et à tailler les rochers.

Tous les deux jours il vient au village chercher son pain. Sa rencontre avec Zoé va bouleverser sa vie.

Zoé est solitaire comme Henry, elle confie ses peines et ses joies à son journal. L’écriture les unit et un jour, elle glisse un petit billet dans la miche de pain d’Henry. Il le lira, lui répondra et un dialogue épistolaire s’instaurera.

Peu à peu Zoé se confiera à Henry qui l’attire fortement. Elle le nommera le grand shérif. Il ne la jugera pas, et la considérera comme sa petite soeur hors du temps. C’est l’histoire d’une amitié intergénérationnelle.

C’est un petit roman de 151 pages mais il est dense. Il ne faut pas allez trop vite pour le lire. Il faut laisser infuser les mots comme un bon thé afin qu’ils dégagent tout leur sens. Laisser le temps agir la magie des mots afin de ressentir les ambiances, les émotions.

Alain Cadéo est un véritable orfèvre des mots. Chaque mot a sa place, est nécessaire et magnifiquement bien choisi. Sa plume est particulière, belle, envoûtante, presque mystique. Son écriture est très poétique, elle vous entraîne au plus profond de l’être, suscite en nous des émotions, de l’introspection et des réflexions. Tout est tellement juste. C’est un petit bijou, un peu de bonheur à diffuser, à transmettre.

Superbe, magnifique, les mots me manquent. Un magnifique immense coup de coeur pour terminer l’année, il séduira les amoureux des mots.

Les jolies phrases

Elles sont super nombreuses, difficile de choisir, en voici quelques unes.

Nos vies sont toutes de sable, nos vies sont toutes des fables et c’est seulement dans la manière de les conter que se dévoilent de lumineuses trames.

Nos vies, comme ces toiles d’araignée, invisibles le jour, qui, au petit matin, apparaissent perlées de rosée, purs chefs-d’oeuvre de symétrie.

J’ai l’âge de la Terre, Zoé celui d’une saison.

Les vieux, c’est les pires. Les jeunes au moins c’est con et on le sait tout de suite. Les vieux aussi c’est con, mais eux ils ont appris à le cacher.

N’oubliez pas, sur cette terre, tout part de rien. Et ce rien peut devenir colossal. Et le colossal retourne à rien. Mais dans ce rien il y a, si vous savez l’entendre, toute l’énergie de l’univers. Si vous savez l’entendre. C’est là que nous humains sommes infimes.

Apprenez à formuler vos désirs, structurez vos envies et vos appréhensions avec des mots, les mots sont la chair et l’ossature de l’être.

Elle est, avec son écriture ronde, une petite boucle de tendresse et d’originalité versée dans le café noir de ma mélancolie.

La plupart du temps, les êtres sont ensemble par une sorte d’arrangement, de commodité, alors qu’il ne faudrait être qu’avec ceux ou celles qui provoquent un dérangement de nos vies.

Il y avait bien chaque fois « quelque chose » à découvrir. Chaque fois. Le plus difficile étant de décaper sans cesse la rouille des routines recouvrant inexorablement ce formidable potentiel.

Nos bonne vieilles habitudes sont les marques de la vie que l’on veut maîtriser. On veut que rien ne nous échappe. Dans ce doux manège, chaque petit cheval, docile, se soumet tourne et se fige. Le plus difficile est de disloquer ce carrousel pour permettre à l’un d’entre eux de s’enfuir.

Les hommes, ou tu les mènes par le bout du nez en tenant les distances, ou tu tombes dans leur panneau.

Je ne dirai jamais assez à quel point l’écriture vécue s’insinuera dans les veines du monde. Elle est comme un vaccin, l’antidote face au poison de la cruauté, de la haine imbécile et tout ce qui profane l’innocence.

La vibration marbrée des mots comme prières déracine le mal.

Vous êtes pleinement vous-même et cela suffit à me rendre heureux.

Rares sont ceux qui, comme vous, font de l’or avec de la boue.

Après tout la vérité est aussi dans l’imaginaire des autres.

Au fond, l’humain n’est beau que parce qu’il est tragique. Il devient fascinant lorsque silencieux et en conscience il précipite son destin.

La force, c’est cette tenace capacité d’incursion, plongée méthodique dans le labyrinthe de l’esprit. Mieux se connaître afin de mieux comprendre l’humanité.

Être c’est choisir au-delà. Après avoir farfouillé dans l’immense bric-à-brac de nos cerveaux, il nous faut sortir, tirer, extirper les paquets de racines bouchant les source de la vraie vie.

Comment le temps peut-il dévorer tant de beauté, flétrir les corps, déformer les visages, souiller la chair, ratatiner, plisser, mutiler, salir, oblitérer de son cachet répugnant toute l’humanité ?

Retrouvez Nathalie sur son blog  

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Un vieux monsieur, vivant un peu en ermite, dans un ancien fortin militaire désaffecté, se rend deux à trois fois par semaine au village pour faire ses courses et acheter son pain. A la boulangerie, il croise Zoé, la vendeuse, et tisse avec elle une relation protectrice d’échanges et de conseils.

Toute l’habileté d’Alain Cadéo, en dehors d’un univers onirique et poétique indéniables, réside dans l’articulation de son récit.

On est tout d’abord confronté à un personnage aux contours flous : ce vieux monsieur dont on ne connait pas le nom, surnommé « son sheriff » par Zoé qui elle possède une existence concrète doublement constituée par les passages de sa propre narration des évènements de sa vie et ce qu’en raconte le vieil homme dont, a contrario, les épisodes de sa vie à lui, de l’existence de ses enfants à un étrange compagnon de vie fantomatique, ne semblent pas posséder d’existence tangible. Puis Alain Cadeo renverse les rôles et brouille les pistes : les éléments de la vie du vieil homme prennent une tonalité réelle et matérielle quand la personnalité de Zoé se nimbe d’un voile mystérieux et vaporeux, comme si elle n’avait existé que dans l’esprit du vieil homme.

Qui est le personnage réel de l’histoire ? Qui du vieil homme ou de Zoé a réellement existé ? Les deux ? Aucun ? C’est au lecteur de se faire sa propre idée au bout de ce petit roman empreint de générosité et de sincérité.

A travers l’échange, réel ou fictif, peu importe, entre les deux personnages de son roman, Alain Cadeo nous parle de la vieillesse, de l’apport d’une génération sur les suivantes, sur la notion de transmission d’un savoir, sur une certaine idée de la générosité, inconditionnelle.

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