o n  l  a  v u
  Peaky Blinders  
La roue a bien tourné

Steven Knight est fan de Francis Ford Coppola. Ses goûts et ses couleurs préférés, on ne devrait rien en avoir à faire. C’est bien connu, ce genre de choses, cela ne se discute pas. Sauf que, dans le cas présent, on se sent extrêmement concerné. Parce que la passion du créateur britannique pour le cinéaste américain est de nature à nous ravir. Elle a donné naissance à l’une des plus belles séries de la décennie. « Peaky Blinders » est belle à tous les sens du terme. Elle revient pour une cinquième saison sur Arte à partir du 24 octobre.

Steven Knight est un fan authentique. Il n’était pas question pour lui de rendre autre chose qu’un vrai hommage au « Parrain » et à ses frères d’armes italo-américains. Alors oui, il allait signer une série de gangsters. Mais il allait y mettre son coeur, ses tripes et ses souvenirs. Il allait en faire sa fresque à lui. Un ascenseur social très personnel. Il connaît son sujet. Cette forme d’ascenseur, il l’a lui-même empruntée.

Bande annonce

Né dans une famille modeste de Birmingham, il a entendu raconter les histoires des gangs de la ville de première main. Forcément à hauteur de gamin, ce genre de mythologie laisse des traces. Dans le cas du scénariste, les souvenirs ont donné naissance à l’histoire du clan Shelby connu sous le nom des « Peaky Blinders ». Une famille qui se bat par tous les moyens pour échapper à sa condition dans l’Angleterre industrieuse au début du XXe siècle.

Thomas, le parrain, n’a pas de goût pour la violence. Il l’a vue de bien trop près dans les tranchées. Aux yeux du monde, il en est revenu. Mais lui sait bien que non. La meilleure partie de lui-même, son âme, est restée quelque part en France dans la boue. Mais il fait avec. Pour sa tante Polly – exceptionnelle Helen McCrory. Pour sa soeur Ada. Pour ses frères… Pour le gang de bookmakers dont il est le boss.

Quand on écoute Steven Knight parler de là d’où il vient et de la manière dont une idée a changé sa vie, l’effet miroir avec son héros est saisissant. Knight s’en est sorti à la force du  cerveau. Il a inventé « La roue de la fortune ». Son émission est devenue un hit planétaire. Elle lui a offert l’argent. Avec, il a choisi de se payer la liberté. Et un passage à l’acte. A l’acte d’écriture.

« Peaky Blinders » est d’abord belle de ça. De ce choix tardif dans une vie déjà accomplie. De la combinaison de naïveté et de courage que nécessite la décision de raconter une histoire et de penser qu’elle peut intéresser les autres. Elle est belle aussi de l’expérience du pire et du meilleur. Et, surtout, du choix de ne pas donner dans le pathos. Pour offrir une forme de dignité à ceux qui n’ont pas grand-chose et donc sont considérés comme des moins que rien. Les Shelby vont gravir un à un tous les échelons de la société britannique. Mais même leurs mauvais jours ont une allure folle. Une allure folle soulignée par une réalisation très belle, elle aussi. On est loin des séries en costumes. « Peaky Blinders » est super pop. Sa bande originale est irrésistible. Sa photo, sublime. Et puis, il y a la plus belle chose parmi toutes. L’affirmation de la parité comme un non-sujet. Dans la série, les femmes sont les égales des hommes. Quand on l’interroge sur la décision que cela représente, Steven Knight répond placidement : « Je trouve toujours étrange que l’on puisse écrire des personnages féminins qui ne sont pas forts. On a tous des mères, des soeurs… Dans la réalité, elles sont fortes. C’est écrire le contraire qui relèverait d’une décision ».

Arte. Six épisodes.

 
 
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