Jean-Christophe Rufin
Folio
Blanche
février 2014
176 p.  6,90 €
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Jean-Christophe Rufin

Folio
avril 2013
288 p.  7,50 €
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Jean-Christophe Rufin
Folio
janvier 2014
592 p.  9,10 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
Quel lecteur êtes-vous Jean-Christophe Rufin ?

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La lecture-plaisir ou la lecture-distraction ne font pas partie de son univers. Non, lorsque Jean-Christophe Rufin se plonge dans un roman ou un récit, il a en général une idée derrière la tête : son prochain livre. 

Il lit souvent utile, « séquelles », sans doute, de ses études de médecine où durant quelques années il n’était pas envisageable de lire pour ses loisirs.  
Aujourd’hui il publie un nouveau roman chez Gallimard, «  Collier rouge », un court récit sur la fidélité inaltérable d’un chien pour son maître emprisonné. Histoire inattendue qui se déroule sur fond de Première Guerre mondiale.  

 

Quels sont vos premiers souvenirs de lecture ?

J’ai été élevé par mes grands-parents, à Bourges qui était une ville de province pas très active à l’époque. La télé est arrivée assez tard chez nous, et on n’allait jamais au cinéma. J’ai donc appris à lire très tôt, avant l’école. J’étais enfant unique, mes parents n’étaient pas là, mon grand-père qui revenait de camp de concentration, n’était pas très loquace. J’étais très solitaire, et je lisais pour tromper cette solitude.

Y avait-il beaucoup de livres à la maison ?

Je piochais dans la bibliothèque de mon grand-père médecin : Jules Romains, « Les hommes en blanc », « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier, une gloire locale! Je lisais aussi beaucoup de livres d’Histoire, sur la Révolution française, et j’ai très tôt trifouillé dans le Malet et Isaac. Je n’avais aucun directeur de conscience, mes lectures étaient totalement erratiques. Et puis, j’ai lu aussi bien sûr des trucs de mon âge, Bob Morane, la bibliothèque rouge et or, Michel Strogoff. Ma mère qui travaillait à Paris, venait tous les quinze jours. Et elle portait des jugements assez sévères sur mes choix. Elle trouvait que ce n’était pas d’une grande élévation.

Que vous reprochait-elle par exemple ?

Assez vite, je me suis passionné pour Edmond Rostand, je jouais l’Aiglon avec des copains. Et elle trouvait que Rostand, ce n’était pas bien du tout. Engueuler ton fils parce qu’il lit Rostand, on voit que les temps ont changé ! Puis je l’ai rejointe à Paris, à 12 ans. C’était quelqu’un de cultivé, mais elle manquait de temps. J’ai alors eu la chance de rencontrer une famille franco-suisse qui m’a fait découvrir la montagne, m’a ouvert sur le théâtre, la peinture, mais aussi la littérature… 

A l’adolescence, avez-vous eu alors l’impression de devenir un vrai lecteur ? 

J’ai découvert des auteurs comme Radiguet, Balzac, Dumas, des choses très classiques. J’aimais beaucoup les romans de cap et d’épée. Comme tous les jeunes de cette époque, j’ai aussi lu Camus, Sartre, mais de façon basique. Assez vite, j’ai été enseveli par les études médicales, qui ont sonné le coup d’arrêt de mes velléités littéraires. A la fin de mes études, j’ai rencontré ma première femme, d’origine russe, et grâce à elle, j’ai découvert un autre monde et me suis mis à lire énormément. Tous les Russes bien sûr, de Dostoïevsky à Axionov. Mais aussi « A la recherche du temps perdu », et puis la littérature américaine, française. Là, j’ai vraiment pris conscience de mes lacunes, et aujourd’hui encore, je me considère comme inculte par rapport à ceux qui ont suivi des études littéraires.

Vous affirmez ne pas considérer la lecture comme un loisir. Pourquoi ?

Je lis toujours en rapport avec ce que j’écris, et jamais pour mon simple plaisir. J’ai un sujet en tête, Jacques Cœur par exemple, et bien je vais lire tout sur la guerre de 100 ans. J’aime me plonger dans un univers. Avant de me lancer dans « Le collier rouge », j’ai relu des ouvrages sur la guerre de 14. Les lectures, ce sont un peu comme des voyages, des zones littéraires dans lesquelles je vais me promener. Alors évidemment, j’ai des trous énormes, il y a des tas d’écrivains que je ne connais pas. Je ne suis pas du tout un érudit. 

Avez-vous quand même le souvenir de chocs littéraires ? 

« Les frères Karamazov » furent une révélation. J’adore « L’or » de Cendrars. Riche et dense. « Moby Dick » de Melville m’a énormément marqué. J’ai été profondément bouleversé par « La conditions humaine » de Malraux et par « Voyage au bout de la nuit » de Céline. Je citerais encore John Le Carré qui est, pour moi, l’un de ceux qui a le mieux écrit sur le 20e siècle. Et aussi, en vrac, Graham Greene, Simenon, Hemingway, Conrad, Giono, Tournier.

Avez-vous des regrets ?

De ne pas avoir eu de formation littéraire à l’université, certainement. Pour moi, la littérature est un champ en friche, avec des endroits où je me balade. Je n’ai aucune vision d’ensemble. Mais finalement, ça me plaît comme ça.

 

  Où, quand, comment ?  

J’ai besoin d’avoir du temps devant moi, car j’ai souvent du mal à entrer dans un livre. Je ne lis donc pas n’importe où, mais assis chez moi, dans un train ou dans un avion.

Marque-pages ou pages cornées ?

Je martyrise les livres. Je les coupe, les souligne, les annote, les corne. Je n’ai aucun respect pour l’objet. Je considère le livre comme un instrument de travail et de vie, et j’y marque mon passage! Je me souviens d’avoir emporté « La carte et le territoire » de Michel Houellebecq au Mont-Blanc, et comme il était lourd, je déchirais les pages au fur et à mesure et les jetais dans les poubelles des refuges. J’ai aussi une liseuse, pour les déplacements en montagne. Mais je n’aime pas tellement ça. 

Bruit ou silence ?

J’ai besoin d’un silence total.

Jamais sans mon livre ?

Au contraire, je peux rester de longues périodes sans lire.

Un seul ou plusieurs livres à la fois ?

Plusieurs, et ça ne me gêne pas du tout de m’interrompre, de reprendre. J’ai toujours trois ou quatre livres en cours. C’est d’ailleurs une épreuve de qualité. Quand on peut retourner à sa lecture sans aucune difficulté, c’est bon signe.

Combien de pages avant d’abandonner ?

Une trentaine environ.

 

  L’ordonnance du docteur Rufin  

« Un pur espion », de John Le Carré

« Shantaram », de Gregory David Roberts

« Le clan des Otori », de Lian Heam

« L’aîné des Ferchaux » de Georges Simenon

« Les mémoires de Lorenzo da Ponte », le librettiste de Mozart

 

Propos recueillis par Pascale Frey

 

 
 
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