Lola Lafon
Actes Sud Editions
Babel
janvier 2014
318 p.  8,70 €
 
 
 
Rencontre avec Lola Lafon

Connaissez-vous Nadia Comaneci ? La gymnaste a envoûté des millions de téléspectateurs durant les années 70. A 14 ans, au jeux olympiques de Montréal, elle remporte la médaille d’or du concours général de gymnastique et obtient la note de 10, du jamais vu. En même temps qu’une star, naissait une légende. Pour son quatrième roman, l’un des livres les plus réjouissants de cette rentrée de janvier, Lola Lafon s’est penchée sur le destin incroyable de cette jeune championne. Mais cette histoire est le prétexte à bien d’autres explorations…

 

Lola, ce roman est votre quatrième livre. Comment avez-vous débuté ?

J’écrivais des nouvelles, puis j’ai transformé une de ces nouvelle en un roman que j’ai envoyé au hasard à plusieurs éditeurs. Le premier à m’avoir répondu est Frédéric Beigbeder qui venait d’entrer chez Flammarion. Il s’agissait d’un texte à la première personne, l’histoire d’un viol, et il y eu une confusion, car tout le monde pensait que c’était mon histoire. Le deuxième roman racontait le voyage initiatique d’une jeune femme basé sur la mémoire des juifs ashkénazes. Et le 3ème avait pour thème l’histoire d’un viol conjugal, un livre clairement féministe.

Quel est leur point commun

Ce sont toujours des héroïnes femmes, des histoires qui tournent autour du corps, des sujets plus européens que français et jusqu’à présent, toujours écrits à la première personne. Mais je suis arrivée à la fin d’un cycle et avec ce nouveau roman, je commence autre chose.

Votre livre raconte l’incroyable destin de la gymnaste Nadia Comaneci. Comment vous en est venue l’idée ?

Mes parents étaient des profs idéalistes, et ils ont décidé d’aller enseigner en Europe de l’Est. J’ai passé une partie de mon enfance, jusqu’à l’âge de 12 ans, à Bucarest. J’allais à l’école roumaine, mais lorsque l’idéologie est devenue vraiment trop forte, j’ai pris des cours par correspondance. Cependant, la vie en Roumanie, avant le durcissement des années 80, ne correspondait pas à ce qu’on imaginait à l’ouest. Tout le monde avait un toit, tout le monde avait un travail, l’éducation était gratuite et le niveau culturel était très élevé. Quand je suis rentrée en France, on m’a fait sauter une classe. On s’échangeait passionnément les livres, c’était un monde du mot, de la collectivité…

C’est à cette époque que vous avez découvert Nadia Comaneci ?

Je suis née en 1972, et j’ai le souvenir de l’avoir toujours vue. Sa carrière a duré de 1974 à 1984 environ, elle était mon idole, mon modèle. Pour moi, elle ressemblait un peu à Fifi Brindacier, une petite fille qui vivait sans ses parents et était invincible. Cette histoire réunissait les thématiques qui m’intéressent: le corps, les femmes, le mouvement et l’intérêt pour les deux régimes politiques qui s’affrontaient alors. Elle est passée de l’Est à l’Ouest en se réfugiant aux Etats-Unis et ce changement de monde aussi est remarquable. 

Est-ce un roman ou une biographie ?

C’est un roman dans lequel tout est vrai. J’ai passé six mois à éplucher la presse française, j’ai lu beaucoup de choses sur le régime roumain, je suis partie à Bucarest où j’ai pu consulter les dossiers de la Securitate, et des photos à la Bibliothèque universitaire. A un moment, je me suis obligée à arrêter. D’ailleurs, la première version de mon roman était trop imprégnée de ce que j’avais lu et le style trop fleuri, pas assez acéré. J’ai tout jeté et recommencé. J’ai essayé également d’insuffler un peu d’exaltation.

N’avez-vous jamais été tentée de rencontrer Nadia ?

J’aurais pu le faire l’an dernier, car nous nous sommes retrouvées au même moment à Bucarest, mais j’ai préféré garder une Nadia fantasmée, tout en essayant de sortir des clichés. C’est un roman, une entreprise littéraire et pas un document. Je voulais une héroïne qui ne soit pas mièvre. Nadia n’était pas une victime. J’aime bien les filles comme elle qui ne sont pas dans la séduction. On ne pouvait pas la forcer à sourire.

Mais elle a quand même eu beaucoup de peine à acquérir sa liberté.

Oui, à l’Est, elle était surveillée par la Securitate et à l’Ouest poursuivie par CBS… Mais ce qui a été formidable avec son aventure, c’est que toutes les enfants du monde voulaient ressembler à une petite communiste !

Propos recueillis par Pascale Frey

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