o n  l  a  v u
 Unorthodoxe 
« (Re) venir au monde »

 Une renaissance n’est peut-être finalement qu’une naissance. C’est ce que l’on se dit quand défile le générique de fin de « Unorthodoxe ». La première mini-série en yiddish de l’histoire de la télévision. Écrit comme cela, l’affirmation est au minimum surprenante. Pourtant, elle résume la poésie de la proposition de Netflix. Adaptée du roman éponyme, elle suit au plus près les pas de la jeune Esther Shapiro. Esther a 19 ans. Elle est donc née depuis longtemps. Elle est née dans un endroit où l’on vit comme au XIXe siècle depuis… longtemps. Depuis toujours sans doute. À Brooklyn dans le quartier de Williamsburg, une communauté juive ultra orthodoxe refuse le temps qui passe. Et reproduit des règles, des rituels comme ses hommes récitent leurs prières.

Bande annonce

Chez les Satmar, la grande affaire pour les femmes est de satisfaire aux exigences du mariage arrangé. D’abord, passer l’épreuve de l’approbation par la famille du futur époux. Ensuite, se raser la tête pour satisfaire à celles de la modestie. Enfin, faire des enfants, beaucoup, pour la communauté. De tout cela, Esther se réjouit. Elle y a été préparée. Elle se sent investi d’une mission. Épouser Yakok, c’est son seul horizon. Les choses se compliquent quand elle découvre les modalités. Devenir « une machine à fabriquer des bébés » comme résumera une étudiante israélienne qu’elle rencontrera plus tard. La loi de la nature n’est pas celle de la religion. Pour Esther et Yakov, rien ne se passe comme prévu au lit. Rien ne se passe du tout. Ce rien deviendra tout. Pour Esther commencera alors un long chemin vers l’émancipation. Le monde des laïcs. Un monde où elle n’est pas la pièce défaillante d’un puzzle. Un monde où ce qu’elle est compte. Esther est musicienne.

Projet improbable et périlleux, « Unorthodoxe » est un pur trésor. Inspirée de l’histoire vraie de Deborah Feldman, la mini-série en capture l’essence en se gardant de sombrer dans l’écueil de la caricature. Elle n’enferme aucun des protagonistes dans un stéréotype. Esther n’a jamais été soumise. Rapidement, on comprend que le libre-arbitre ne lui a jamais été étranger. Quand les autres se soumettent à la doxa de la communauté, elle se rebelle. Yakov, lui, n’est qu’un enfant perdu dans son costume trop grand de mari. Soumis à une mère qui règle tout pour lui. Jusqu’à son intimité dans les détails. Autour d’eux, il y a un monde bien plus vaste que les avenues de Williamsburg. Chacun à sa manière va s’y perdre puis s’y trouver.

Très concentrée sur leur regard, la caméra de Maria Schrader, suivra leur métamorphose. Elle travaillera à l’économie. Comme les scénarios qui font belle place au silence pour mettre à jour l’essentiel. Le cheminement intérieur d’Esther, magnifiquement incarnée par la comédienne israélienne Shira Haas. Elle éclairera ses doutes, son culot, ses émerveillements. De New York à Berlin, Esther finira par renaître. Et nous par succomber à la beauté de sa traversée.

 Marianne Levy

 Unorthodoxe. Netflix. 4 épisodes.

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