Nathalie Skowronek
Grasset
février 2020
142 p.  16 €
 
 
 

l e   c  r  i  t  i  q  u  e   i  n  v  i  t  é 

Jean-Claude Vantroyen (Le Soir de Bruxelles) a choisi «La carte des regrets» de Nathalie Skowronek  (Grasset)

Véronique est morte. Qui était-elle, vraiment ? Dans « La carte des regrets », Nathalie Skowronek en trace un magnifique portrait contrasté à travers les yeux de son mari, de son amant et de sa fille.

 Véronique Verbruggen a succombé à un problème cardiaque en faisant de la randonnée dans les Cévennes. C’était une éditrice célèbre. On écrivit des articles dans les journaux. Mais à part retracer la carrière de Véronique Verbruggen, son enfance à Gand, son mariage avec un ophtalmologue, et sa proximité avec un cinéaste documentaire, que disait-on réellement d’elle? Pas grand-chose. 

Alors l’écrivaine belge Nathalie Skowronek élabore une reconstitution. Brosse un tableau patiemment composé à travers les coups de pinceau donnés par Daniel son mari, par Titus son amant, et par sa fille Mina. C’est celle-ci qui appelle les deux autres «les deux veufs» de sa mère. Véronique ne parvenait pas à choisir entre ses deux amours, Daniel, qui l’a épousée alors qu’elle avait déjà une fille d’un homme qui a préféré s’en aller, et Titus, avec qui elle partageait tant. Fallait-il d’ailleurs choisir ? Ne peut-on aimer deux hommes à la fois?

Ce qui importe pour l’autrice, c’est de retrouver la véritable image de Véronique. Tout est d’ailleurs question d’image et de regard dans ce roman. Il n’est pas innocent que Daniel soit ophtalmologue, Titus cinéaste de la peinture et Véronique éditrice spécialisée dans les monographies de ce qu’on appelle «les petits maîtres ». Les références sont d’ailleurs nombreuses dans ce roman. « La double vie de Véronique », le film de Kieslowski, évidemment, où l’héroïne souffre aussi du cœur. Les tableaux des artistes étudiés. Et le titre, tiré du tarot, où la carte des regrets montre les difficultés de détourner son regard d’un passé douloureux. Et c’est bien ce qui se trouve au plus profond de l’âme de Véronique: la douleur du passé. Qui lui réapparaîtra de façon limpide et déchirante à travers un tableau.

Le roman aurait pu tomber dans le mélo le plus banal. Nathalie Skowronek le maintient tout au long hors de cette mélasse. Son écriture distanciée ne permet aucun laisser-aller, aucune outrance. Mais elle reste assez intime pour laisser le lecteur entrer en empathie avec les personnages. La construction de l’histoire, qui débute par le décès pour remonter le temps et les vies et qui passe d’un point de vue à l’autre, empêche également tout débordement d’émotion. Et il n’y a jamais aucun jugement sur les personnages.

C’est un roman bouleversant et juste qu’a écrit Nathalie Skowronek. Il nous porte et nous emporte. J.-C. V.

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