Julia Malye
Balland
janvier 2013
250 p.
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
Rencontre avec Julia Malye

 

Elle est jeune, elle est ravissante et elle en est déjà à son deuxième roman. Julia Malye nous parle de « Thémoé ».

Un jeune homme condamné par un mal incurable, et qui sait qu’il ne fêtera pas ses 21 ans… Pourquoi, alors que vous êtes une jeune romancière de 18 ans,  avoir choisi un tel sujet ?
On a souvent tendance à radicaliser la distinction jeunesse/maturité : jeune, on est censé être frivole et insouciant à souhait, comme s’il fallait attendre de vieillir pour penser à la mort. Je ne suis pas morbide – j’espère que vous n’avez pas pris ce livre pour celui d’une dépressive – mais je pense simplement que l’adolescence est le moment où on est confronté à la mort pour les premières fois – les grands-parents qui s’en vont par exemple. Au-delà de ça, c’est aussi l’âge des décisions, des grandes interrogations, remises en question, celles qui déterminent ce que nous serons plus tard. Alors forcément, on en vient souvent à se poser la question, si tout s’arrêtait maintenant… Mais encore une fois, l’objet de ce livre n’est pas la mort : c’est l’idée de la mort en négatif, ce qu’elle ajoute de beau à la vie quand il est grand temps d’en profiter.

Vous soulevez une question que l’on se pose au moins une fois dans une vie: s’il ne me restait que quelques semaines à vivre, à quoi les emploierais-je ? Pour vous, comme pour Thémoé, ce serait le voyage ?
J’aimerais vous répondre que oui, pour moi aussi, ce serait le voyage. A vrai dire, je n’en sais rien ; je crois qu’il faut aussi pas mal de courage et d’égoïsme pour partir comme Thémoé le fait. Au-delà de la question de franchir le pas, la marche de train, je choisirai moi aussi de voyager. C’est le moyen le plus sûr d’en apprendre beaucoup sur soi, tout en se dégageant de toutes les petites habitudes qui nous renvoient sans cesse à nous. Je crois que voir un nouveau morceau de désert tous les jours, ça distrait un peu de ce qu’on est, il y aura toujours un lever de soleil sur le Sahara sans nous.

Le voyage… Vous décrivez les lieux, les odeurs, les ambiances, les couchers de soleil comme si vous y étiez. Google, ou avez-vous vous-même beaucoup voyagé ?
Les deux ! Je me suis bien amusée, à voyager comme on le fait au XXI ème siècle, à coups de souris et de mots-clés. Quelques images d’internautes, des récits d’aventure aux quatre coins du monde et je racontais mes impressions. La première partie du voyage (jusqu’à la Grèce) est inspirée d’un tour d’Europe, que j’ai fait juste après la Terminale. Pour le reste, je n’y ai jamais mis les pieds. Mais j’ai encore accompli un autre voyage avec ce livre : une amie brésilienne qui me raconte ce que ça fait, de marcher dans Rio, mon père qui me parle de quelques jours en Algérie… Les récits s’emboîtent et moi aussi j’ai l’impression d’être au Brésil avec Thémoé, après avoir trouvé un nom de rue sur Google Map. Je dépense tout mon argent en voyages, et chaque été rime avec Interrail, alors je collecte des sensations, quelques pensées qui font que l’on ressent la même chose dans une voiture en Algérie et dans un train en Croatie.

Thémoé se fait des souvenirs alors même qu’il sait qu’ils n’auront pas le temps d’en devenir… à quoi bon, pourrait-on se demander ?
Se faire des souvenirs, c’est un peu inévitable. Et il vaut sans doute mieux se rappeler un coucher de soleil sur l’Atlantique plutôt qu’une chimiothérapie dans un hôpital tout gris ! Ce qui est formidable avec les souvenirs, c’est qu’ils sont réconfortants, même à court terme.

Il y a un paradoxe entre ce voyage lent et contemplatif (jusque dans les moyens de locomotion, qui excluent l’avion même lorsque cela redevient possible) et la mort qui, elle arrive à grands pas. Pourquoi ce choix délibéré ?
Au début, je voulais écrire un livre sur le voyage. J’ai moi-même été coincée à Vienne pendant un voyage scolaire, à cause du volcan islandais. Les deux jours d’aventure en train et en car restent mon meilleur souvenir. C’est grisant de ne pas savoir où l’on dormira le soir même. Mais quelque chose me gênait dans cette idée de roman. Il manquait une tension, un ressort dramatique, j’avais peur d’ennuyer le lecteur par des longues descriptions. La maladie m’a paru être un bon compromis, un moteur de l’intrigue sans pour autant devenir l’objet du livre. Ecrire un roman à deux vitesses me permettait de justifier ce voyage original, tout en donnant du suspense..

Thémoé sait qu’il blesse sa mère en ne rentrant pas. Une envie de vivre ce qui reste à vivre, ou un refus des adieux ?
Une envie de vivre ce qui reste à vivre. Il va mourir et il veut voir d’autres continents. Quelque part, Thémoé est égoïste et c’est tant mieux, je ne voulais pas d’un personnage tout noir ou tout blanc. Le personnage de Louise était difficile à gérer, parce que je ne pouvais pas l’ignorer, tout en ayant déjà pris la décision de faire voyager Thémoé jusqu’au bout. Et puis, je leur ai quand même gardé une petite scène d’adieux à Chicago !

 
 
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